6,5 millions. C’est le nombre de litres d’alcool pur qui a été écoulé en 2010 d’après le nouveau rapport de l’observatoire régional de la santé. Alors que la consommation est à la baisse en métropole, l’augmentation se poursuit à la Réunion (+5 %), en particulier pour le vin. La Réunion est l’une des régions de France où l’alcool cause le plus de décès.

La progression semble inextinguible. En 50 ans, la consommation d’alcool pur a doublé dans ce  département français d’outre-mer, tandis qu’elle a été divisée de moitié en métropole (France) dans le même laps de temps. La situation est préoccupante et les dernières données que vient de publier l’observatoire régional de la santé (ORS) n’ont rien de rassurant. Entre 2009 et 2010, la quantité d’alcool pur mise à la vente a en effet progressé de 5 % pour atteindre 6,5 millions de litres, ce qui équivaut en volume à plus de 53 millions de litres écoulés.

Pression consumériste

Une hausse qui ne surprend pourtant pas les spécialistes de la question. “Il y a une pression consumériste qui renforce l’expérience de consommation”, observe le Dr Christian Dafreville, président de l’association nationale de prévention alcoologie et addictologie (Anpaa). Cet addictologue à l’hôpital de Bellepierre déplore par ailleurs “l’insuffisance des moyens mis en œuvre dans le domaine de la prévention”. Faute de subventions, on se souvient par exemple que l’association portoise “Tchao la rak”, symbole de la lutte contre l’alcoolisme, avait dû fermer ses portes en 2009.

Progressivement, les Réunionnais lâchent la bouteille de rhum (- 3 000 litres en dix ans), mais c’est au profit d’autres boissons. La bière reste la boisson privilégiée des Réunionnais (63 % des bouteilles mises en vente, soit 333 610 litres bus), avec une préférence pour la production locale (70 % des bières). En revanche, c’est l’engouement pour le vin qui est le plus notable en 2010 (+9 %). En terme d’alcool pur, le vin arrive même en tête des produits mis en vente, mais on reste encore loin derrière la moyenne nationale.

Des enfants aux urgences pour ivresse

L’impact sur la santé est inéluctable. 250 décès sont directement causés par l’alcool en moyenne chaque année. La Réunion est la deuxième région française où le taux de mortalité avant 65 ans par alcoolisme et cirrhose est le plus élevé. Seul point positif, les jeunes s’alcoolisent et s’enivrent beaucoup moins qu’en métropole ( France). En 2008, seuls 3 % en avaient un usage régulier (au moins 10 fois par mois) contre 9 % en métropole.

Mais les résultats stagnent à la Réunion alors qu’ils baissent dans l’Hexagone. Et les jeunes Réunionnais semblent séduits par la tendance anglo-saxonne du “binge drinking” (hyperalcoolisation dans un temps record). On voit ainsi qu’ils sont 12 % à avoir des ivresses répétées contre 9 % trois ans auparavant. Et l’alcoolisation de commencer très précocement. Ainsi, l’année dernière 5 % des passages aux urgences pour une intoxication aiguë d’alcool ont concerné des mineurs (193 jeunes, dont 78 avaient entre 9 et 15 ans). Des données qui, on l’espère, interpelleront les pouvoirs publics alors que le schéma régional de prévention (SRP) est en cours de validation par les autorités sanitaires locale.

Source : Marie Payrard, Le Journal de l’île de la Réunion