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Alex Pellegrin : «L’assurance santé et éducation sera le prochain segment porteur»
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Alex Pellegrin : «L’assurance santé et éducation sera le prochain segment porteur»
Tour d’horizon du secteur des assurances à Maurice avec le secrétaire général de l’Insurers’ Association of Mauritius.
Comment se porte le secteur de l’assurance ?
L’assurance-vie se porte bien. Les Mauriciens sont conscients de la nécessité de se mettre à couvert. 65 % des primes sont des primes payées pour l’assurance-vie, donc les primes sont plus importantes en valeur que pour l’assurance générale. Pour le secteur non-vie, la situation est plus nuancée, car il y a beaucoup de produits différents sur le marché et beaucoup de segments. Donc on ne peut pas généraliser. Le secteur qui pose le plus de problèmes, c’est le secteur assurance «véhicules». Mais dans l’ensemble, les règlements mis en place et leur mise en œuvre dans les compagnies montrent que nous sommes dans une meilleure situation qu’il y a six ou sept ans.
Le secteur a bien passé la crise ?
Le secteur de l’assurance à Maurice n’a pas été directement touché par la crise. D’abord parce que le secteur n’est pas été exposé aux même risques que les compagnies étrangères. En outre, les règles prudentielles de gestion sont telles que ce genre de risque est mitigé. Les compagnies locales sont entre guillemets conservatrices en terme de gestion. Il y a quand même eu un impact au niveau des porte feuilles composés d’actions en raison de la chute des Bourses. En fait, il ne fallait pas prendre sa retraite au moment où les bourses ont décroché.
Quels sont les problèmes de l’assurance «véhicules» ?
Elle est obligatoire avec l’assurance au tiers. Il y a une tendance à aller chercher la couverture la moins chère. Mais malheureusement, on ne peut pas se baser sur le coût d’une police pour juger du dédommagement auquel on peut s’attendre. Il y a d’autres facteurs qui entrent en jeu, notamment le fait que le réseau routier est très encombré. Nous enregistrons en moyenne 30 000 accidents par an, ce qui est considérable. Et les réparations sont coûteuses, car toutes les pièces de rechange sont importées et le taux du dollar n’est pas favorable. La tendance actuellement est de remplacer des modules pour des raisons de sécurité, les blocs phares aussi sont remplacés en entier. Ces modules coûtent cher et cela se répercute sur les primes. Certains disent que l’assurance «véhicules» n’est pas vraiment rentable. Il y a quand même près de 400 000 véhicules à Maurice, et le parc se modernise. Il est vrai que la concurrence est très vive entre les opérateurs. Il y a même parfois une tendance à vouloir prendre des parts de marchés à tout prix, mais aujourd’hui, on ne peut pas pratiquer le dumping des primes impunément sur le long terme. Il y a des seuils en dessous desquels on ne peut descendre. Par exemple, il est généralement reconnu qu’on ne peut pas assurer un véhicule pour moins de 2 % de sa valeur en terme de prime. C’est un minimum technique.
Quels sont les changements qui sont intervenus pour les assureurs ?
Les compagnies qui font les deux métiers – assurance vie et non-vie –, ont été invitées à scinder ces deux activités en deux pôles distincts. Plusieurs sociétés ont déjà séparé ces deux activités à l’image de CIM. Il y a également des réglementations plus strictes en ce qui concerne la solvabilité des compagnies d’assurance vis à vis des risques qu’elles prennent. L’état de santé financière de chaque assureur est déterminée par divers rapports, et en particulier celui d’un actuaire qui donne ses conclusions à la Financial Services Commission, et à partir de là, on décide s’il faut recapitaliser la compagnie ou pas. Il y a également de nouvelles exigences en terme de réassurance. En outre, les activités de courtage sont désormais réglementées elles ne l’étaient pas auparavant. C’est dans ce cadre que nous avons signé un accord avec les courtiers. Cet accord fixe la procédure à suivre pour le courtage afin que toutes les compagnies de courtage travaillent sur le même pied d’égalité en ce qui concerne les procédures.
On constate un mouvement de concentration et de restructuration du secteur de l’assurance. Pour quoi ce mouvement ?
Il y a d’abord une question de taille critique. A partir du moment où on demande de séparer les activités, si le portefeuille vie est moins important que le portefeuille non-vie, il va falloir voir ce qu’on veut en faire. L’assureur Sun a, par exemple, vendu son portefeuille vie pour se focaliser sur l’assurance générale. D’autre part, les coûts d’opération ont aujourd’hui augmenté, ce qui fait qu’on ne peut pas rester statique. Il faut essayer soit de faire grandir la compagnie, soit d’augmenter ses parts de marché. Or, dans un marché aussi exigu que Maurice, il est difficile de se développer. Nous allons sans doute assister à un mouvement dans les deux sens. D’une part, la concentration, mais d’autre part aussi l’apparition de nouvelles compagnies spécialisées dans l’assurance-vie ou l’assurance générale. Il y a d’autres législations qui sont en cours et qui vont sans doute changer le paysage pour les compagnies d’assurance-vie. Il y a le projet de pensions funds privé au niveau des entreprises qui est en gestation. Ces fonds existent déjà et fonctionnent très bien, mais ils n’ont jamais été encadrés par une législation globale. Nous nous dirigeons vers une législation qui va englober tous les fonds de pension. Quand cette loi d’encadrement sera votée, il y aura plus de certitude au marché. Cela devrait entraîner de la croissance pour le secteur à l’avenir. Disons pour un horizon de 2 ou 3 ans peut-être même avant.
Existe-t-il un marché de la réassurance à Maurice ?
Oui, mais il faut savoir que Maurice n’a pas de société de réassurance propre. En réalité, le problème pendant longtemps a été de trouver des réassureurs qui souhaitaient travailler à Maurice, car le marché est quand même relativement étroit, même si nous sommes dans le groupe de tête parmi les pays africains.
Peut-on s’attendre au développement de nouveaux produits d’assurance ?
Les produits existent, mais certains n’ont pas encore rencontré de demande. A mon avis, il y a deux marchés qui vont sans doute se développer. D’abord, l’assurance santé en dépit du fait de la gratuité des soins dans les hôpitaux publics. L’assurance santé va connaître une croissance, car les Mauriciens souhaitent avoir des soins plus sophistiqués. Ils sont de plus en plus conscients de la valeur d’une police d’assurance santé. L’assurance pour l’éducation des enfants est également appelée à se développer. Les Mauriciens croient beaucoup à l’éducation de leurs enfants, et sont prêts à consentir d’importants sacrifices pour cela. Pour l’assurance-vie , ce sont les fonds de pension qui seront amenés à se développer. D’autant que le gouvernement pourrait ouvrir la voie à de nouvelles possibilités en la matière sans toucher aux acquis actuels.
Quels sont les risques qui sont un peu oubliés ?
Il faudrait que les Mauriciens soient plus conscients de l’assurance contre les catastrophes naturelles. On pense bien sûr aux cyclones. Mais les gens ont tort de penser que posséder une maison en béton c’est une assurance suffisante. En 2009, après les fortes pluies liées au passage de la dépression tropicale ex-Lola, les assureurs ont déboursé quelque Rs 80 millions en dédommagements. Essentiellement sur des véhicules abîmés, des stocks dépréciés, des usines noyées et des habitations sous l’eau. Mais la plupart des sinistrés n’ont pas été dédommagés, car ils n’avaient pas de couverture.
Au niveau du tourisme et des infrastructures, la prise de conscience est effective, mais c’est au niveau des particuliers qu’il faut sensibiliser. Il faudrait déjà sensibiliser en amont au niveau de la construction. Il faudrait que l’on construise correctement les bâtiments. Qu’il y ait des drains et des précautions prises d’avance. Il y a, par exemple, de gros problèmes de normes de construction. Dans ce contexte, nous travaillons de près avec les parties concernées. Le problème c’est que la mise aux normes fait grimper les coûts et les gens rechignent souvent à payer. Mais comme on le dit avec raison, c’est après un sinistre que l’on constate que la prime ne coûte pas cher.
Propos recueillis par Pierrick PEDEL
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