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Alice, en quête de son «moi»

21 mai 2010, 00:00

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Alice, en quête de son «moi»

Charles Dogson (1832 - 1898), alias Lewis Caroll, avait pour les petites filles, notamment pour la petite Alice Kingsley, une passion, voire une obsession qui de nos jours l’aurait probablement conduit droit au tribunal. Et, le simple fait que des générations de psychologues ou psychanalystes se soient amusées à déchiffrer Alice au Pays des Merveilles est révélateur d’au moins une chose : ce livre s’adresse autant, sinon plus, aux adultes qu’aux enfants. D’où l’intérêt d’un retour au Pays des Merveilles d’une Alice devenue grande et interprétant cet univers étrange à la manière d’une adulte, surtout pour un Tim Burton.

L’héroïne que nous propose le cinéaste est une Alice de 19 ans incarnée par Mia Wasikowska. Elle garde encore le souvenir d’un père disparu, sa famille est au bord de la ruine et pour se plier aux conventions d’une société victorienne, elle s’apprête à épouser malgré elle un aristocrate particulièrement repoussant. C’est au moment le plus embarrassant, celui de la demande en mariage, qu’elle s’échappe et se retrouve dans ce pays qui des années durant, a été le sujet non pas de ses rêves, mais de ses cauchemars récurrents. Elle était attendue depuis des lustres, mais à l’exception du Chapelier Fou/Johnny Depp, tous ceux qu’elle retrouve (le chat du Cheshire, Absolem la chenille, le dodo, etc.) lui posent cette même question : «Es-tu la
véritable Alice ?»

Le fait que cette question soit au coeur du fi lm n’a rien de surprenant. L’héroïne de cette nouvelle adaptation est au seuil de l’âge adulte et pour faire le choix de ce qu’elle gardera de son enfance, doit d’abord découvrir qui elle est réellement afin de faire d’autres choix très importants. C’est la quête du «soi» dans laquelle s’embarquent généralement les personnages de tout (bon) film traitant du passage à l’âge adulte. L’intelligence de cette version d’Alice au Pays des Merveilles se trouve dans la manière dont cette éternelle quête a été intégrée à l’ouvrage de Lewis Caroll. Alice devra combattre le terrible Jabberwocky, ce qu’elle veut à tout prix éviter elle est arrêtée pour «séduction illégale» du valet de coeur elle devra renoncer au Chapelier (l’image du prince charmant asexué) et Absolem la chenille (image/souvenir du père) fi nit par se transformer en chrysalide. Ce fi lm abonde en symboles et le côté inquiétant des personnages (mis en avant par la scénariste Linda Woolverton) conduit à une remise en question de la folie dans sa définition par rapport aux conventions sociales.

C’est le sujet tout trouvé pour Tim Burton qui nous propose un univers dans lequel «l’impossible devient possible», onirique, aux incroyables couleurs de la folie, mais aussi avec une menace bien présente. Une nouvelle fois, le cinéaste se permet une ode à la bizarrerie : énorme tête de la Reine Rouge (Helena Bonham Carter en images de synthèse) dont les courtisans se sont inventés chacun une difformité changements de couleur du Chapelier au gré de ses humeurs maniérismes de la Reine Blanche/Anne Hathaway, etc.

C’est ce à quoi on s’attend lorsqu’un Tim Burton s’approprie l’univers de Lewis Caroll, mais en même temps, on aurait préféré le réalisateur plus subversif dans sa démarche. Alice au Pays des Merveilles est un fi lm familial et «production Walt Disney» obligeant, Tim Burton s’est imposé ou s’est vu imposer certaines limites dans sa relecture de l’oeuvre originale. Il n’en demeure pas moins que le film est une réussite, à la fois sur le plan de l’animation ou de la réalisation, de l’écriture et de l’interprétation. Courez le voir seul(e), en couple ou en famille, vous ne le regretterez pas.

G.N.

G.N