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Aline Wong : «Il faut faire l’éducation de l’électorat»

17 mai 2010, 11:41

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C’est une Aline Wong toute riante, tout enjouée, qui nous a accordé cet entretien. En effet, son discours est comme ponctué des rires d’un enfant qui vient de vivre une formidable expérience. D’ailleurs, la chef d’entreprise et femme engagée dans l’«empowerment» des femmes confirme que c’est l’expérience d’une vie.

? Que retenez-vous de cette participation à une joute électorale ?

C’est un challenge que j’ai relevé. C’est une expérience extraordinaire en tant que citoyenne. J’ai eu la chance de découvrir la profondeur de mon pays. J’ai aimé ce voyage. Quelqu’un peut vous raconter son expérience, mais lorsque vous la vivez, c’est totalement différent. C’est un projet de ma vie qui sera profondément ancré en moi.

J’ai surtout découvert des zones vulnérables où il y a beaucoup de choses à faire. On parle souvent de cette nouvelle économie où le soleil brille pour tout le monde. J’estime qu’il y a encore du chemin à faire avant d’y parvenir. Ces élections m’ont permis d’être plus en contact avec la société. A présent, il va falloir assurer la mise en oeuvre de manière efficace du projet de société que nous avons proposé aux électeurs. Assurer aussi son monitoring et effectuer des évaluations. Pour ma part, je continuerai à oeuvrer pour l’empowerment des femmes et dans le secteur des Petites et moyennes entreprises afin que la femme obtienne plus d’indépendance d’un point de vue économique.

? Comment se sont comporté vos adversaires vis-à-vis de vous ?

Je déplore et dénonce toute cette campagne communale vis-à- vis de ma candidature. Malgré le code d’éthique que nous avons signé, je constate que nos adversaires ne l’ont pas respecté. J’espère qu’il y aura des sanctions sévères. Je note que cette année, nous avons eu des élections plus communales qu’avant.

? Soyons honnête. La campagne communale, tout le monde la pratique…

Justement, il faut des sanctions. J’espère qu’en 2015, nous aurons un code d’éthique qui aura force de loi. J’espère, de mon côté, contribuer à apporter des changements et que l’Electoral Supervisory Commission écartera les obstacles qui font que les candidatures féminines, mais aussi masculines, ne soient pas aussi difficiles. Quand on dit qu’on est des professionnels, il y a certains comportements qu’on ne peut pas avoir. Utilisons notre énergie pour un débat d’idées qui est bénéfique à la population.

? Pensez-vous réellement que les choses peuvent changer ?

En 2015, nous aurons quelque 100 000 nouveaux électeurs. Il y a plus de chances de faire avancer dans le bon sens l’espace politique car les jeunes n’accepteront pas certaines pratiques. Je crois beaucoup dans ce nouvel électeur.

? Pourquoi avoir choisi le Parti Travailliste pour votre baptême de feu ?

J’ai choisi la stabilité et un projet de société. Je trouve aussi que son leader est un rassembleur.

? Est-ce que le regard des gens a changé sur vous depuis que vous vous êtes engagée en politique ?

Une partie d’entre eux m’a demandé ce que j’étais allée faire dans cette toile d’araignée. Une autre a trouvé que j’avais bien du courage. Enfin, certains m’ont demandé si je vais bien pouvoir assumer mon image de politicienne. Pour moi, c’était un défi. En tant que consultante pour l’Organisation des Nations Unies sur l’empowerment des femmes, j’ai eu l’occasion de faire un Concept Paper sur ce thème pour les femmes de l’océan Indien l’année dernière. J’ai pu approfondir ma connaissance en politique à travers ce travail. Et lorsqu’on m’a proposé d’être candidate, je me suis dit que j’allais pouvoir vivre la politique en vrai. J’ai acquis de l’expérience empirique.

? Pensiez-vous que vous alliez vous engager en politique?

Mon prof de General Paper l’avait prédit lorsque j’avais 17 ans. Je gagnais à cette époque tous les prix des débats au collège et au niveau inter-collèges. Il m’a dit que je serais une grande politicienne !

? De quelle manière votre vie a-telle changé suite à votre engagement en politique?

Je suis beaucoup plus populaire ! Et les gens croient que j’ai une baguette magique. Moi, je leur dis que c’est à eux de se prendre en charge. Il faut qu’ils fassent le choix de s’en sortir d’abord. Lorsque des électeurs m’ont interpellée durant la campagne, c’est le discours que je leur tenais. Il arrivait à mes colistiers de me dire qu’il fallait simplement répondre qu’on allait voir tout cela plus tard. La politique à Maurice, c’est être complaisant. Moi, je ne la conçois pas de cette manière.

? Les électeurs sont souvent des opportunistes…

Maintenant, je comprends mieux lorsqu’on dit qu’on va recruter des colleurs d’affiches. Il faut faire l’éducation de cet électorat. Il a la responsabilité d’élire un gouvernement qui va diriger son pays. Si cet électorat ne connaît pas l’importance de ses trois croix, il se fait manipuler. Il faut qu’il prenne conscience que son droit de vote est sacré. Sincèrement, je suis confi ante que cela changera avec le temps. Cette expérience me permettra de contribuer à la sphère politique, en termes d’actions et de réflexion, sur ce que devrait être la politique en 2015 et 2020.

? On dit qu’il y a beaucoup d’argent qui circule durant les élections…

C’est la raison pour laquelle je dis qu’il faut renforcer le code d’éthique. Lorsque l’un ne dépense pas d’argent, l’autre le fait. Et cela devient un cercle vicieux. Pour réussir en politique, les critères les plus importants actuellement sont le communalisme, l’argent, les astuces électorales et en dernier, la compétence. Or, il faut que la compétence prime.

? Les candidats battus disent souvent qu’ils continueront à occuper le terrain. Est-ce votre cas également?

Je me vois plus citoyenne. J’ai toujours mis en avant des programmes nationaux. Je continuerai en ce sens. Des programmes pour toutes les circonscriptions. Et puis, étant au pouvoir, j’espère mettre un peu de mon grain de sel désormais.

? En tant que citoyenne, quelles sont aujourd’hui vos attentes de ce nouveau gouvernement?

J’espère une mise en oeuvre du projet de société que nous avons proposé et qu’il réponde aux attentes de la population. Pour ma part, je continuerai à contribuer en tant que simple citoyenne.

? Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet de société?

C’est un développement social inclusif. Il faudrait que toute la population ait accès aux ressources productives du pays. C’est-à-dire, à l’éducation, à l’emploi, à la formation, au crédit… Il y a un pont à construire entre les zones vulnérables et l’autre société. J’ai eu l’occasion, à travers cette campagne, de connaître des régions comme Vallée Pitot et Tranquebar. C’est un univers que je ne connaissais pas. Avec le porte-à-porte, j’ai découvert un autre vécu. C’est un plus pour moi aujourd’hui. C’est une expérience qui me permettra d’être plus attentive et au contact de la réalité lorsque nous préparerons des programmes. Ce sont pour des humains que nous les préparons. Or, nous ne passons pas assez de temps à leurs côtés. Si nous voulons les accompagner, il faut vraiment être à l’écoute de ce qu’ils ont à dire.

Propos recueillis par Nazim ESOOF
Photo : Veekash NARAINSAMI
(Source : l’express iD – lundi 17 mai)