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Amédée Darga : «On ne crée pas une entreprise sur la base d’un coup de cœur »

10 avril 2012, 08:31

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On parle beaucoup d’entrepreneuriat ces dernières années. Différents plans et mesures ont été adoptés en ce sens. Peut-on dire pour autant que l’entrepreneuriat a véritablement connu un essor grâce à cela ?

Sans aucun doute. Il est malheureux qu’il n’y ait pas de statistiques régulières concernant le domaine des PME. Mais toutes les observations sur le terrain démontrent que la campagne, menée depuis 2005, pour inciter les gens à devenir entrepreneurs, et les mesures qui l’accompagnent ont provoqué un essor de l’entrepreneuriat à Maurice. Et notamment auprès des femmes. L’expérience m’a montré que, par exemple, pour le Booster Loan de la Development Bank of Mauritius, plus de 50 % des demandeurs étaient des femmes. Maintenant il faut aussi comprendre que le domaine des PME et des entreprises est extrêmement diversifié, avec des sous-secteurs. Cela va de la production (par exemple des produits agroalimentaires), du commerce, des services à l’individu (soins esthétiques), des services domestiques aux Technologies de l’information et de la communication.

L’entrepreneuriat mauricien existe-t-il vraiment, et si oui, comment peut-on le cerner ?

Il y a clairement un entrepreneuriat mauricien. Il y a de plus en plus de Mauriciens qui veulent être entrepreneurs. Je pense que les facilités mises en place au Registrar of Companies permettant l’enregistrement rapide d’une entreprise ont énormément aidé. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des plombiers ou des électriciens ayant monté une entreprise donner leurs cartes avec leurs Business Registration Number.

Quelles seraient ses forces et faiblesses ?

L’entrepreneuriat dépend de beaucoup de choses. Déjà, la motivation de l’entrepreneur, à quoi il veut aboutir. Tous les entrepreneurs ne veulent pas forcément devenir très riches. Beaucoup d’entre eux, notamment les femmes, ont quitté un travail salarié dans une usine, soit pour avoir plus de revenus, soit pour jouir de plus de flexibilité au foyer. Ensuite, il faut dire que bon nombre d’entrepreneurs ne sont pas suffisamment ambitieux à Maurice. Il y a également un manque de synergie entre les professionnels techniques et les entrepreneurs. Un bon entrepreneur peut ne pas être un bon professionnel et vice versa. Pourtant, il y a des moyens aujourd’hui pour permettre cette synergie. Notamment à travers le Business Growth Plan, qui est très accessible. Mais un constat doit être fait. Les professionnels préfèrent devenir salariés. Il y a, dans le dernier budget, une mesure mise en place pour encourager les jeunes à devenir entrepreneurs, soit en leur donnant Rs 20 000 par mois pendant les premiers mois de leur activité.

Bon nombre de petites et moyennes entreprises peinent à passer le cap de la première année. Rien que pour 2011, pour 15 entreprises orientées vers l’exportation créées, 31 autres ont fermé leurs portes. Quelle est votre analyse de cette situation ?

Premièrement, c’est une règle mondiale. Il y a 30 % de survie sur les trois premières années, en termes d’entreprises créées. Deuxièmement, les gens qui montent des entreprises le font sur la base d’un coup de coeur, sans préparation ou sur de mauvais calculs. Quand on décide de monter une entreprise, il faut le faire froidement, ce n’est pas une aventure émotionnelle. Il faut toujours réfléchir sur le worst case scenario et évaluer si l’entreprise peut survivre à celui-ci. En troisième lieu, il y a un manque de professionnels pour pourvoir des services-conseils sur des études de faisabilité et de business strategy. De grosses boîtes de services-conseils existent certainement, mais elles se destinent aux grosses entreprises. Pour les petits, il n’y a pas de niveau de professionnels moins coûteux pour les conseiller. Il y a aussi le fait qu’il y a plus de professionnels comptables que de professionnels compétents en services de développement des entreprises.

Propos recueillis par Ludovic AGATHE
(Source : l’express ID, mardi 10 avril 2012)

Ludovic AGATHE