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Arnaud Lagesse : «Il nous faut revoir le fonctionnement du marché boursier local»

21 décembre 2011, 15:25

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Le Chief Executive Officer de GML (ex-Groupe Mon-Loisir) regrette que dans son budget, Xavier Luc Duval « ne se soit pas attaqué à certaines lourdeurs administratives, au fonctionnement de l’Etat et à ses coûts ».

? GML Investissement Ltée publie cette semaine son bilan financier. Quels en sont les faits saillants ?

Le chiffre d’affaires a atteint Rs 26,8 mds, en progression de 50 % par rapport aux Rs 17,7 mds de 2010. Le résultat net après impôts est en hausse, avec des profits de Rs 1,56 md contre Rs 320 m en 2010. Le bilan est solide, totalisant Rs 50 mds malgré une baisse de 10 % comparé à 2010 suite à la déconsolidation d’AfrAsia Bank. Avec 35 % de parts, GML reste le premier actionnaire d’AfrAsia Bank, désormais une compagnie associée du groupe.

? Quels sont les principaux facteurs contribuant à cette performance ?

Nos filiales IBL, LUX* (NdlR : ex-Naïade Resorts Ltd) et Phoenix Beverages Limited ont connu une belle progression, tant au niveau du chiffre d’affaires que de la marge nette. Cela, couplé à une consolidation de LUX* Maldives dans LUX* Island Resort et celle d’IBL sur 12 mois complets dans GML, donne une progression phénoménale de nos résultats au 30 juin 2011.

? Pensez-vous qu’il sera difficile d’assister à un redressement sur le court ou moyen terme dans le sucre ?

Le sucre fait face à plusieurs défis notamment celui de la conservation des hectares sous culture. Avec la baisse relative du prix du sucre sur les dernières années, les spéculations foncières et le manque de ressources humaines, ce pan de l’économie mauricienne tend à décliner rapidement. Heureusement, avec une stratégie de valeur ajoutée (énergie, sucres raffinés, sucres spéciaux, éthanol à venir), je pense que nous pouvons reculer sensiblement l’échéance de la fin annoncée de ce cluster. Par ailleurs, un meilleur prix à la tonne et une réduction des coûts permettront de survivre. Il faut également enlever les carcans et donner plus de souplesse à ce secteur. Pour notre filiale FUEL et notre associée DRBC (NdlR : Deep River Beau Champ Limited), la diversification, la création de valeur ajoutée et le recrutement de talents permettront d’assurer une certaine pérennité. Mais il faudra que les planteurs jouent aussi leur rôle.

? Comment se portent les nouveaux pôles de développement de GML, les services financiers et l’immobilier ?

Pour les services financiers, le groupe enregistre une belle croissance, boostée par ses activités bancaires, à travers AfrAsia Bank, ses activités de courtage en assurances via City Brokers et la gestion offshore via Abax et DTOS. Pour AfrAsia Bank, l’année en cours s’annonce bien. Nous clôturons la troisième augmentation de capital (Rs 425 m levées), qui a été bien suivie par les actionnaires et de futurs partenaires. Cette augmentation de capital permettra de faire des acquisitions d’activités bancaires dans la région de même que de consolider davantage la valeur de ses actifs sous gestion.

Au niveau d’IOREC (NdlR : Indian Ocean Real Estate Company Ltd), les investissements en 2010-2011 s’élèvent à Rs 1,1 md. Nous avons quatre chantiers. Il y a le centre commercial de Circle Square à Forbach. L’hôtel Centara Poste Lafayette qui offrira un assortiment de 93 chambres et qui ouvrira ses portes en octobre 2012. Les Hauts-Champs, à Piton, des villas situées en pleine campagne, accessibles aux étrangers comme aux Mauriciens et dont 50 % des 20 premières maisons ont déjà été vendues. Enfin, le projet Azuri, à Roches-Noires, qui est à l’étape commercialisation. Plus de 80 % des lots ont été vendus en seulement deux mois aux Mauriciens et nous touchons la barre des 50 % aux étrangers. Ce sera le premier village intégré offrant aux Mauriciens et étrangers un échange de culture et une vie en communauté sans le sentiment de ghetto.

? Il est question de lister IOREC et «AfrAsia Bank». Pouvez-vous nous dire quand cela sera effectivement le cas ?

Dépendant de l’humeur des marchés boursiers à travers le monde, nous pourrions lister AfrAsia fin 2012 ou courant 2013. Personnellement, je viserais une cotation sur une Bourse régionale. Pour ce qui est d’IOREC, nous n’entrevoyons aucune cotation avant trois ans. Si la taille de l’entreprise le permet à ce moment-là, j’opterais pour un dual listing ou sur une plateforme étrangère. Notre partenaire, le fonds d’investissement britannique Actis, ne voit pour l’instant pas l’intérêt d’un listing ici. Espérons que cela change d’ici là !

? Pourquoi pas sur la Bourse de Maurice ?

La Bourse de Maurice doit se réinventer. Une cotation équivaut à lever de l’argent, apporter de la liquidité du titre aux actionnaires. Or, le marché domestique n’offre aucun des deux, imposant plus de contraintes que de bénéfices.

? Comment se présentent les investissements futurs de GML ?

Chaque compagnie sous GML a ses propres budgets et stratégie. Au niveau de la holding, GML Investissement ou GML Ineo, nous privilégions l’investissement dans le service et le développement d’un knowledge hub. Nous avons racheté en septembre la filiale de DCDM qui se spécialise dans le talent management, la formation et le service de recrutement (Core Services/DCDM Recruitment). Nous venons de prendre une participation dans un groupe (CIDP/CIDC) gérant un centre de recherches, des tests cosmétiques et dermatologiques, avec des opérations à Maurice, au Brésil, en Inde et en Europe centrale.

? A l’aube de 2012, qu’est-ce qui préoccupe le CEO du premier groupe mauricien ?

La crise de la dette souveraine en Europe. Reste à savoir comment ces Etats endettés vont se restructurer. Nous avons vu la Grèce annoncer un recul de son PIB de 5,5 %. La France a enregistré une croissance négative. L’Europe est notre première source d’arrivées touristiques, avec 62,7 %. Notre sucre blanc est exporté exclusivement vers l’Europe. Le thon s’écoule sur le même marché. L’euro est la seule devise à laquelle nous sommes exposés. C’est inquiétant. Je ne comprends pas comment on résoudra ces problèmes d’endettement sans réformes drastiques et pénibles. A partir de là, c’est un peu la fuite en avant. Notre chance est notre proximité tant avec l’Asie que l’Afrique, qui enregistrent des croissances acceptables. L’ouverture vers ces marchés est primordiale pour que l’on puisse connaître un semblant de croissance, et pallier, du moins dans le temps, une défection du marché européen. Si nous jouons bien nos cartes, nous pourrons enregistrer un ralentissement moindre que d’autres pays. Notre gouvernement doit, avec le secteur privé, lancer un plan Marshall pour conquérir ces nouveaux marchés.

? Quelles sont vos ambitions par rapport à l’Afrique ?

L’Afrique devrait être le terrain de jeu privilégié des Mauriciens, de par sa proximité. Le groupe étudie indirectement des projets ayant trait à l’agro-industrie. Nous nous penchons sur des acquisitions éventuelles dans le service bancaire en Afrique de l’Est. Le marché de la grande distribution devrait également être dans notre radar.

? Est-ce qu’à Maurice, nous avons déjà pris conscience de la dure réalité qui nous attend en 2012 ?

Le ministre des Finances, Xavier-Luc Duval, a présenté un bon budget 2012. Mais je regrette qu’il ne se soit pas attaqué à certaines lourdeurs administratives, au fonctionnement de l’Etat et à ses coûts. On augmente la dette publique, en se disant qu’elle ne représente que 60 % du PIB, ce qui est tout à fait acceptable. Mais je ne suis pas sûr que les mesures pour empêcher tout dérapage soient là et que dans deux ans l’on ne vienne pas dire que cette fois-ci, 70 % est tout à fait acceptable, et ainsi de suite. Le Mauricien continue à beaucoup dépenser. C’est bien car cela dope le secteur productif, mais il doit aussi penser à épargner.

? Sur le volet des réalisations, peut-on dire que vous êtes satisfait du redressement de «LUX* Island Resorts» ?

Fin 2010, nous bouclions la restructuration. Le nouveau management, et le CEO, Paul Jones, faisaient face à de grands défi s. Enormément de travail a été abattu par cette fabuleuse équipe de LUX*, avec l’aide précieuse du siège social de GML.

Un an après, nous avons presque un nouveau groupe qui retrouve le chemin de la profitabilité avec un ambitieux programme de formation pour ses 3 000 employés qui ont su développer une nouvelle approche ayant trait aux ventes et au marketing. LUX* est bien reçu des clients. Les actionnaires et les banquiers en tirent une satisfaction, mais la guerre n’est pas gagnée. Nous devons mettre beaucoup d’efforts dans la promotion de nos hôtels. Cette guerre peut être gagnée si la Mauritius Tourism Promotion Authority, le ministère du Tourisme, l’Association des hôteliers et des restaurateurs de l’île Maurice et MK collaborent.

? A quand la prochaine acquisition chez LUX* Island Resorts ?

Le groupe a connu une progression je dirais très mauricienne, par acquisition de murs, même si nous sommes le seul groupe à avoir deux hôtels à La Réunion et un aux Maldives. Nous espérons connaître une croissance en acquérant des contrats de gestion sans acheter les murs. C’est la philosophie poursuivie par le conseil d’administration et le management.

Le branding de la destination Maurice est important. Quand on regarde celui de l’Inde et d’autres îles, je trouve qu’on pourrait faire davantage, non seulement pour le tourisme, mais aussi pour ceux voulant déposer leurs valises chez nous. Nous avons beaucoup usé du charme insulaire avec le soleil, les cocotiers, les plages et l’accueil. Il est temps de sophistiquer un peu le discours et l’adapter à l’ensemble de l’offre ‘île Maurice’.