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Ashit Gungah : « SAJ n’a jamais songé à démissionner »

28 novembre 2011, 13:20

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Qu’est- il arrivé au parlementaire dans ses petits souliers ? Jamais un mot plus haut que l’autre, et là, subitement au Parlement, vous improvisez un meeting.

J’ai parlé avec mon coeur. J’ai dit ce que je ressentais à l’intérieur.

Je vous cite : « Le budget 2012 enfonce le clou dans le cercueil du régime PTr/ PMSD » . Vous êtes sorti du formol pour porter le noir funèbre du corbeau ?

Vous n’y êtes pas. Ce que j’ai dit, il fallait le dire. La situation du gouvernement est critique. Sa majorité est infime face à une opposition consolidée. Observez- les bien, ils commencent à craquer. Les jours de l’alliance PTr- PMSD sont comptés.

Si j’avais su que vous aviez préparé des blagues, j’aurais aussi…

( Il coupe) Mais ce n’est pas une blague ! Je rencontre beaucoup de monde, et pas seulement dans ma circonscription. Partout où je passe, les gens sont mécontents, il y a une frustration généralisée : l’insécurité, la vie chère, etc. La colère gronde, le Parti travailliste en a pleinement conscience. Je parle beaucoup avec eux depuis le budget, they are not happy.

Des noms ?

Zot dir mwa pa les kone pour le moment.

Ben voyons...

Croyez- moi ou pas, mais il y a un paquet de frustrés dans ce gouvernement.

Il y en a aussi au MSM. Vous dites ressentir de la « pitié » pour Mireille Martin et Jim Seetaram, que vous qualifi ez d’ « orphelins politiques » . Vous ne craignez pas que l’amertume finisse par vous tuer ?

Ce n’est pas de l’amertume. Martin et Seetaram, je n’ai pas digéré leur départ. Je l’ai vécu comme un coup de poignard. Ils avaient juré fi délité au parti et au leader. Subitement, ils ont oublié leurs convictions. S’ils sont députés, c’est grâce au MSM. Leur avenir est chez nous.

Le MSM serait- il prêt à les réintégrer ?

Ils sont jeunes. Une erreur de jeunesse est toujours pardonnable.

Pourquoi les travaillistes n’ont- ils pas voulu de vous ?

Au contraire, le PTr a tout fait pour m’acheter ! Ça coûte combien un Ashit Gungah en promo ? Ashit Gungah a des convictions : la sincérité, la fi délité. Ces valeurs sont plus importantes qu’un poste de ministre.

Mon objectif est de travailler pour mon pays, et je peux parfaitement le faire comme simple député.

Alors, combien ?

L’offre était très alléchante. Plus alléchante que le jackpot du loto. Le jour même de notre démission collective, des émissaires du PTr sont venus me voir pour me demander de rester au Parti travailliste ( sic) . « Ton avenir est avec nous » , « tu seras ministre » , « tu auras tout ce que tu veux » ils ont tout fait pour me convaincre : « Si to dir wi, aster la Navin telefon twa toutswit. Nou fi naliz tou zafer an plas » . Mais j’ai des principes dans la vie et je m’y suis tenu.

Les émissaires en question étaient- ils des visages connus ?

Oui.

Pouvez- vous les nommer ? Non. J’ai tourné la page.

Pourtant, on vous dit proche du Parti travailliste.

Nous avons travaillé ensemble pendant 14 mois. Il y a des divergences politiques, mais aussi de l’amitié.

Qui sont vos amis ?

( Il tourne autour du pot un bon moment avant de se lancer) Il y a d’abord mes colistiers, Lormus Bundhoo et Mookhesswur Choonee. Il y a aussi Arvin Boolell, Shakeel Mohamed, Reza Issack, Varma, Von Mally et Pillay Chedumbrum.

Ça fait un paquet d’émissaires, ditesmoi…

( Rires)

Un mot sur votre parcours. En 1996, alors que sir Anerood Jugnauth est en pleine traversée du désert, vous frappez à sa porte. Vous vous ennuyiez dans votre usine ?

( ACL Garments, ndlr) J’étais abasourdi par la défaite de 1995. Alors j’ai sollicité une rencontre avec SAJ - notre premier tête à tête - pour lui dire que le pays avait toujours besoin de lui, et qu’il devait s’entourer de jeunes.
Tout cela, il faut le replacer dans son contexte. En 1981, je quitte Maurice pour suivre des études d’ingénieur. Le pays était alors dans une situation catastrophique, la situation sociale était explosive.
A mon retour, cinq ans plus tard, je découvre un autre pays. De là est née une conviction : sir Anerood est l’homme de la situation.

Pensez- vous la même chose 25 ans plus tard ?

Anerood Jugnauth est mon père politique, mon gourou. Il m’a toujours guidé.

« Si tu veux faire de la politique, m’avait- il dit à  mes débuts en 1991, ne mens jamais aux gens. » . Ce conseil m’avait surpris, je pensais que les politiciens étaient des menteurs professionnels.

Tout cela est bien joli mais ne répond pas à la question : SAJ est- il toujours l’homme de la situation ?

Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une nostalgie de l’accord de 2000. Une nostalgie du tandem Anerood Jugnauth- Paul Bérenger. Cela se voit, cela s’entend. Dans toutes les circonscriptions, dans toutes les couches sociales.

Le bruit court que SAJ a finalement renoncé à démissionner ?

SAJ n’a jamais songé à démissionner.

Qu’est- ce qui vous fait dire cela ?

Il ne l’a jamais dit. Ou alors avec beaucoup de « si » .

A- t- il eu peur de ruiner la carrière de son fi ls ? Ou bien a- t- il compris que le chantage ne prenait pas ?

 Faire du chantage, ce n’est pas le genre de sir Anerood. C’est quelqu’un d’unique, de rare. Il peut mourir pour son pays.

Oedipe nous avait appris que le destin du fils était de tuer le père. Or le MSM a voulu nous la faire à l’envers…

Qui tue qui, ce n’est pas la question. Au MSM, il n’y a pas de compétition entre le père et le fils.

N’empêche qu’en laissant planer le doute sur ses intentions, SAJ a endossé les habits du Sauveur.

Le peuple le perçoit ainsi, effectivement. Mais notre leader, c’est Pravind Jugnauth. Et son père, donc, ne lui succédera pas.

Ça, seul l’avenir nous le dira.

Jamais votre langue de bois ne fourche ?

Ce n’est pas de la langue de bois.

De plomb ?

Ecoutez, Pravind l’a bien expliqué lors de son intervention sur le budget : dans plusieurs pays - l’Inde, la France, Singapour - des dirigeants politiques retirés des affaires sont revenus sur le devant de la scène. En Russie, le président est devenu Premier ministre, et inversement.

C’est votre idéal démocratique, la Russie ?

Non, non, non. Ce que je veux dire, c’est que tout est possible. Mais très sincèrement, je ne sais pas ce que va faire SAJ. En fait, personne ne connaît ses intentions. Lui seul sait.

Une réforme électorale scellerait les retrouvailles du MMM et du PTr. Le MSM serait alors rayé de la carte. Vous y pensez le matin en vous rasant ?

Non, je m’efforce toujours de positiver, y compris en me rasant. Une alliance entre le PTr et le MMM ne serait pas la fin du monde.

Le MSM y survivrait.

C’est pas joli- joli… Quoi donc ?

D’oublier les conseils du gourou, ne jamais mentir…

 Je ne mens pas, je suis un homme de terrain, je sais ce que je dis. Nous avons des assises très solides dans plusieurs circonscriptions.

Et puis, en politique, les vérités du jour ne sont pas forcément celles du lendemain. En 2000, le Parti travailliste était au fond du trou avec 6 députés.

Or tout le monde sait ce qu’il s’est passé en 2005.

Personne ne demande son avis au MSM sur la réforme électorale. Vous le vivez bien ?

Depuis notre départ du gouvernement, quatre dirigeants MSM et quatre dirigeants MMM se rencontrent régulièrement au sujet de la réforme électorale. Nous sommes arrivés très loin dans les discussions. Il reste quelques points de détail à fi naliser mais nous sommes d’accord sur l’essentiel.

Le MSM ne serait- il pas en train de devenir une fi liale du MMM ?

Absolument pas. Notre destin ne dépend que de nous. Je ne sais pas ce que le MMM va décider. Ce que je sais, c’est que depuis la rentrée parlementaire d’octobre, la mayonnaise commence à prendre. Le MSM et le MMM peuvent retravailler ensemble. Nous l’avons fait pendant 5 ans, ça a marché à merveille.

Des nouvelles de l’infi rmerie MSM : Leela Devi Dookun- Luchoomun

Elle se remet petit à petit, elle est à la maison, nous sommes rassurés.
Showkutally Soodhun…

Mari korek. Li an form net la ! Maya Hanoomanjee… Maya korek . De toute façon, c’est une fonceuse.

Nando Bodha a pris sa retraite ?

Pas du tout, Nando est là.

Il est ressorti du bois ?

( Il tique sur l’expression) Vous n’avez pas écouté son discours au Parlement ?

 C’est l’un des plus beaux que je n’ai jamais entendu.

On aurait presque une petite larme.

Sincèrement, ce discours va faire date.

Racontez- moi votre dimanche…

Réveil à 7 heures. Ti jogging, ti lazim . Ensuite je pars à la mer, à Peyrébère. Enn bon natasion, sa mo pa kapav rate. Apre mo met mo ti sort jean, mo ti polo ek mo ti tenis, mars- marse al dan bann supermarse. Lerla mo gayn lokazion zouen mo bann mandan ki mari kontan trouv mwa dans sa stil la . ( Rires)

La fin du monde est annoncée l’année prochaine. Vous avez prévu quoi avant ?

Les Incas se sont trompés : ce sera la fin du règne travailliste, pas la fin du monde.


Entretien réalisé par Fabrice Acquilina