Publicité

Ashwin Dookun: « Bachoo est usé, il devrait prendre sa retraite »

14 juillet 2013, 12:47

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Ashwin Dookun: « Bachoo est usé, il devrait prendre sa retraite »

Il s’envoie une Red Bull, grille une Benson rouge. Le président de la CNT est pharmacien, ça ne se voit pas tout de suite. Il a surtout un sérieux problème avec son ministre de tutelle, et là, ça se voit très vite. Interview taurine.

 

 

 

Est-ce que quelqu’un vous a prévenu ?

 

De quoi ?

 

Vous êtes un nominé politique, vous savez ?

 

Effectivement. Et alors ?

 

On attend d’un nomi né politique qu’il soit un peu plus doux avec Anil Bachoo...

 

J’ai été nommé pour travailler, pas pour faire plaisir à Anil Bachoo. La mission du chairman de la Compagnie nationale de transport (CNT) est de veiller au respect de la loi et des procédures. Que cela plaise ou non à M. Bachoo, je m’en fous. Ma ligne de conduite est la NTC Act, pas Anil Bachoo.

 

Vous savez que vous commencez à lui courir sur le haricot ?

 

(Il lève les bras au ciel) Moi aussi mo plin ar li ! Sorry pour l’expression.

 

Vous le connaissez depuis longtemps, non ?

 

Depuis l’enfance. Anil Bachoo était un ami de mon papa, il passait à la maison souvent. Je n’ai rien de personnel contre lui, nos différends sont purement professionnels.

 

Qui craint le plus l’autre, selon vous ?

 

Je ne crains pas M. Bachoo. Lui, par contre, je pense qu’il me craint.

 

Depuis quand le n°4 du gouvernement craint-il un puceau politique de 36 ans ?

 

(Très calme) Le puceau apprend plus vite que vous ne le pensez. Il était conseiller municipal à 28 ans, maire de Vacoas à 29 ans. Certes, je n’ai pas l’expérience de M. Bachoo, mais j’ai au moins compris deux choses. La première, les pires ennemis du Parti travailliste ne se trouvent ni au MMM ni au MSM, où j’ai d’ailleurs beaucoup d’amis. Les pires ennemis du Parti travailliste se trouvent au Parti travailliste. Et deux, M. Bachoo et moi, nous ne fonctionnons pas de la même manière. Moi, je ne connais que la bonne gouvernance.

 

 ◗ Vous cherchez à vous faire virer ou bien vous avez la bénédiction du Premier ministre ?

 

(Long silence) Je préfère ne pas répondre à cette question.

 

Vous avez conscience que Navin Ramgoolam en a éjecté pour moins que ça ?

 

Pourquoi voulez-vous qu’il me vire ? Parce que je suis rigoureux, pointilleux, à cheval sur les procédures ? Je suis en contact avec le Premier ministre, on se parle. Je ne vous dirai pas la teneur de nos échanges, mais mon attitude devrait vous aider à deviner sa position.

 

On devine surtout qu’il commence à se mordre les doigts de vous avoir nommé là…

 

Si le Premier ministre regrettait son choix, je ne serais plus en poste. Du reste, aucun chairman de la CNT n’a duré autant [depuis le 1eravril 2008, ndlr]. J’ai une confiance totale en mon leader, en sa ligne de conduite. Je dis bien en mon leader, je ne parle pas de ses ministres.

 

La question n’est pas de savoir si vous avez confiance en lui, mais s’il a toujours confiance en vous.

 

Où voulez-vous en venir ? Est-ce qu’il m’a demandé de la boucler ? La réponse est non.

 

Pas encore.

 

On verra bien…

 

Vous pensez sérieusement qu’entre un Bachoo et un Dookun, le Premier ministre sacrifiera le premier ?

 

Politiquement, Bachoo pèse lourd. Mais c’est du court-terme, il ne représente pas l’avenir. D’ailleurs je le sens usé, il devrait prendre sa retraite. Cela fait plus de onze ans qu’Anil Bachoo est ministre. Sur ces onze ans, il a géré pendant huit ans le portefeuille des Transports. Quand on a dit ça, on comprend mieux la situation de ce secteur (fier de savanne). Les transports en général et la CNT en particulier se porteraient tellement mieux sans M. Bachoo.

 

C’est quoi votre problème avec lui ?

 

Je n’accepte pas qu’il me dise ce que je dois faire.

 

C’est votre ministre de tutelle, vous êtes au courant ?

 

Parfaitement et à ce titre je n’ai aucun problème à ce qu’il me donne des directives. Mais des directives d’ordre général, pas des instructions précises. La loi ne lui permet pas de faire ça. Et quand M. Bachoo sort des paramètres de la loi, mon rôle de chairman est de l’arrêter, pas de m’écraser.

 

Qu’appelez-vous une « instruction précise » ?

 

Imposer à la CNT l’achat de tel ou tel autobus, par exemple. Pour cela, nous avons un board. Ce board n’est pas un gadget, j’aimerais qu’on le respecte et qu’on le laisse travailler.

 

C’est le courrier du 5 juillet dernier qui n’est pas passé ?

 

Entre autres. Mais comment êtes vous au courant de ce courrier ?

 

La vraie question est : que disait-il ?

 

Si vous y avez eu accès, vous savez.

 

Après une deuxième Red Bull, vous en parlerez mieux.

 

(Sourire) Je n’en bois jamais, on m’a offert une canette, je l’ai prise.

 

Qu’y avait-il dans cette lettre ? Le ministère des Transports atenté de se substituer au board de laCNT pour l’achat de 65 autobus. Ilsnous ont dit ceci : on vous proposed’acheter 45 bus à Maurice et 20 àl’étranger. Si vous acceptez, on essaierade négocier avec les Finances une exemption de TVA sur les bus venant de l’étranger. C’est une directive générale, ça ? Clairement pas ! C’est de l’ingérence malsaine dans un exercice d’appel d’offres. Pourquoi cette répartition 45/20 ? Mystère. En tout cas, ça ne correspond pas au tender.

 

Vous en avez reçu beaucoup des courriers comme ça ?

 

Depuis 2008, je les collectionne ! Et pas seulement ceux d’Anil Bachoo. Il y a deux semaines, le Central Procurement Board (CPB) a carrément proposé au board de la CNT de contourner l’appel d’offres pour l’achat de ces 65 autobus.

 

 

Vous pouvez le prouver ?

 

Absolument (il montre un email du CPB envoyé le 28 juin à la CNT). Regardez, c’est écrit là : « To have recourse to emergency procurement », c’est-à-dire sans passer parun appel d’offres. Cette procédureest légale mais elle peut créer desdoutes. De toute façon, ce n’estpas au CPB de décider ça. Dans cemême courrier, ils nous disent aussi« to consider purchasing buses directly from Japan ». (Il hausse le ton) Maisp…, ils me prennent pour qui ?Depuis quand le CPB dit au clientce qu’il doit faire ? Leur rôle est devalider l’appel d’offres, point. L’annéedernière, ils avaient tenté de lemodifier. Et comme par hasard, lanouvelle version collait pile-poil àl’offre d’un soumissionnaire. Il faudraitque je ferme les yeux sur toutça ? Désolé, ce n’est pas le genrede la maison.

 

Vous pensez que le CPB a reçu des instructions ?

 

Je me pose la question.

 

Xavier Duval a pourtant expliqué, mardi au Parlement, que le CPB avait agi en toute légalité.

 Oui, il a dit aussi qu’il ne maîtrisait pas le dossier [Anil Bachoo a jouéles souffl eurs, ndlr]. Le ministre des Finances a été induit en erreur, du coup il a induit en erreur le Parlement. J’ai des documents qui le prouvent.

 

On n’entend pas Robin Soonarane [le directeur général de laCNT, ndlr]. Il en pense quoi de tout ça ?

 

(Sec) Le plus simple est d’aller le lui demander.

 

Comment qualifieriez-vous vos rapports ?

 

Très conviviaux… même si j’ai parfois à lui rappeler que c’est auprès du board qu’il doit prendre ses instructions, pas chez le ministre ni au CPB. Robin a un peu trop tendance à l’oublier.

 

Quand vous vous serez débarqué, vous ferez quoi de vos journées ?

 

Je m’occuperai de ma pharmacie à Bonne-Terre.

 

Ce sera moche de rentrer en bus après avoir roulé cinq années en Jaguar.

 

Je rentrerai à pied. J’habite à deux pas du siège de la CNT.

 

Ce jour-là, vous direz librement pour qui vous roulez ?

 

Je peux vous le dire tout de suite : je roule pour mes principes. Même isolé, je resterai debout sur mes principes, j’irai jusqu’au bout. Je roule aussi pour mon parti, pour mon leader, je suis un Ramgoolamien pur jus.

 

Le jus coulerait encore si votre leader « oubliait » votre ticket en 2015 ?

 

J’ai la jeunesse pour moi, je peux attendre.

 

C’est vous, le Bachoo de 2020 ?

 

Surtout pas ! J’espère valoir mieux que ça. Moi, je ne mange pas à tous les râteliers. La fi délité est une valeur en laquelle je crois.