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Asraf Dulull

8 décembre 2012, 09:22

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Asraf Dulull, ministre des Terres et du Logement sous le deuxième régime Ramgoolam, opère un retour sur le devant de la scène avec sa nomination comme «Chairman» de «Mauritius Telecom». Il est convaincu que sa popularité auprès de son ancien électorat le ramènera aux affaires en 2015.

Asraf Dullull, qui agit comme Tax Consultant depuis qu’il n’est plus ministre, nous reçoit dans le bureau qu’il occupe à Heritage Court. Ce n’est qu’à partir de la semaine prochaine qu’il prendra ses nouvelles fonctions.
Il n’a pas le sentiment d’avoir été forcé à effectuer une traversée du désert. «Je n’ai pas l’impression d’avoir été mis à l’écart par le Premier ministre. Au contraire, après les élections de 2010, Navin Ramgoolam m’a rencontré. Il m’a dit qu’il m’offrirait un poste dans une institution importante et de lui donner du temps. C’est fait.»

Présider le conseil d’administration de Mauritius Telecom (MT) alors qu’on est un spécialiste de la taxe, n’est-ce pas singulier ? Il ne le pense pas. «Vous oubliez que j’ai été ministre des Technologies de l’information et de la communication pendant deux ans. C’était suffi sant pour comprendre ce qu’il faut faire pour promouvoir une société de téléphonie mobile et le haut débit. Je crois aussi que j’ai la maturité pour diriger un conseil d’administration et que j’ai le sens de la gestion.»

Bien qu’il soit un professionnel établi, il tient à faire de la politique active. «Elle est tracée dans mon parcours», explique-t-il. Il est issu d’une famille travailliste. Son grand-père, Yacoob Dowlut, était engagé dans «la rédaction à caractère politique», alors que son oncle, Hassam Sohawon, connaissait bien sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) et était très proche d’Abdool Hack Osman, ancien ministre des Travaux sous SSR. «Tous les samedis, mon grand-père recevait mon oncle et des amis politiciens à la maison. J’avais huit ans et j’étais le seul enfant dont ils acceptaient la présence. C’est ainsi que je me suis familiarisé aux idées du Travaillisme. Et, quand le Mouvement militant mauricien était à son apogée, je ne le percevais pas comme un parti de gauche. Je trouvais que c’était le PTr qui incarnait la gauche modérée.»

A travers la politique, ajoute-t-il, il peut non seulement appliquer ses idées, mais aussi servir. «Je n’ai pas dit se servir, mais servir le peuple. Servir en politique me donne plus de satisfaction que de servir dans un bureau comme Tax Consultant. Les pauvres n’ont rien à faire avec la taxe. Lorsqu’on fait de la politique et que l’on est ministre, on peut redresser les injustices et améliorer le niveau de vie des gens. Autant je crois qu’il est important d’être heureux, le plus important est que les gens le soient grâce à moi.»

Asraf Dulull ne se destinait pas du tout à la taxe et aux finances. En fait, lorsqu’il intègre le collège St Mary’s, il opte pour des sujets scientifiques car il s’intéresse à la physique nucléaire. Il obtient même son admission pour
étudier cette matière dans une université anglaise. En attendant de s’y rendre, il prend de l’emploi comme clerc au bureau de l’Income Tax. Quelques mois avant le grand départ, ce département du ministère des Finances dispense une formation aux futurs inspecteurs d’impôts. Il s’y intéresse et suit le cours. Reshad Soormally et Jean Sam Fat, qui étaient à l’époque Deputy Commissionners, lui conseillent de rester. Après avoir pesé le pour et le contre, il accepte et, tout en travaillant, il fait des études de taxe. Au bout de cinq ans, il décide de prendre avantage d’une ouverture faite par le gouvernement australien qui fait appel aux personnes qualifiées en taxe. Il émigre à Melbourne, où il obtient son permis de résidence. Il travaille dans une société d’assurance médicale, tout en étudiant à l’université de Victoria pour obtenir un Bachelor of Business en  comptabilité. Il y reste cinq ans.

C’est sur l’insistance de sa mère qu’il regagne le pays et retrouve un emploi d’Investigation Officer à l’Income Tax. En même temps, il reprend la pratique du football, dont il est féru. «Je pratique le football pour ne pas me faire du souci inutilement. Car le plus grand ami de l’homme, tout comme son plus grand ennemi, est sa pensée.» Il épouse Bilques Allibaccus qui lui donne trois enfants – Amiirah Noreen, 20 ans, qui étudie à Londres en vue d’obtenir une licence en Accounting Finance, Aareef, 16 ans, élève à l’Ecole du Centre, et Zaakir Hassan, quatre ans.

Ses collègues le jugent trop libéral. Il les trouve conservateurs. «You cannot tax and please. J’avais une approche libérale. Il y a un dicton qui dit qu’il y a deux choses inéluctables dans la vie, la mort et les taxes. Si quelqu’un paie moins d’impôts et qu’il consomme, le gouvernement n’est pas perdant car il va entrer dans le fi let de la taxe sur la valeur ajoutée et l’enregistrement. Il faut être juste. Je n’étais pas trop dur avec les amendes et les pénalités pour que personne ne se sente pris à la gorge. J’étais perçu comme trop souple, mais j’apportais des résultats.»

Voulant compléter ses études par une maîtrise en Accounting Finance, il repart pour Melbourne et y reste deux ans. Il obtient non seulement sa maîtrise mais la direction de l’université de Victoria lui offre un emploi de
chargé de cours. Il enseigne six mois avant de regagner Maurice, car le congé sans solde de son épouse allait expirer et elle n’avait plus droit à des vacances. C’est à travers le pédiatre de sa fi lle, qui n’est autre que Rashid Beebeejaun, qu’il fait son entrée dans l’arène politique. Celui-ci est au MMM à l’époque. En 1995, le pédiatre lui propose d’adhérer au MMM et de se porter candidat. Asraf Dulull hésite et Rashid Beebeejaun ne le presse pas davantage. En l’an 2000, ce dernier, qui a entre-temps rejoint le PTr, revient à la charge en lui demandant d’être candidat au numéro 2. Cette fois, Asraf Dulull est partant.

A l’approche du jour du dépôt de candidatures, Rashid Beebeejaun le lui déconseille. «Il ne regarde pas le parti ou lui, mais ce qui est meilleur pour vous. Il m’a conseillé de ne pas démissionner de l’Income Tax car le moment n’était pas encore venu. Je l’ai écouté», raconte-t-il.

Il a bien fait car le PTr a perdu les élections et il aurait mordu la poussière. Au cours d’une conversation avec Navin Ramgoolam, Asraf Dulull déclare lui avoir dit que c’était un mal pour un bien, car c’est dans l’opposition qu’il découvrirait qui étaient ses vrais amis et ceux de convenance. «Je lui ai dit de ne pas faire la même erreur deux fois.» Appelé à évoquer ladite erreur, il avance, sans vouloir entrer dans les détails, que Navin Ramgoolam était «mal entouré». Il ajoute que c’est à ce moment-là qu’il s’est vu offrir une investiture, qu’il a acceptée. Quand arrivent les élections, il est Deputy Commissionner pour les gros contribuables et il a la responsabilité d’application du projet de la Mauritius Revenue Authority. Il abandonne ce poste pour faire campagne. «J’aime prendre des risques calculés. Et puis, étant un professionnel de la taxe, je savais, quoi qu’il arrive, que j’allais retomber sur mes pattes. Je savais aussi que j’avais une assise profonde dans ma circonscription, où j’étais très engagé au niveau social et sportif.» Il sait qu’il sera élu, il ne se doute pas qu’il le sera en tête de liste. Sa plus grande fierté est «d’avoir ébranlé la citadelle MMM».

Il est nommé ministre des Terres et du Logement. Son mandat a été entaché par des allégations de corruption autour d’un projet d’Integrated Resort Scheme à Rivière-des-Anguilles. Il avance qu’il a toujours collaboré avec la police et la commission anti-corruption et qu’il n’a jamais été directement mis en cause. «J’ai tout étalé car je n’avais rien à cacher. Et puis, il n’y avait pas d’accusation directe contre moi. Ce double hearsay et les comptes rendus de la presse m’ont fait énormément de tort.» Il dit avoir beaucoup appris de cette «triste expérience. Avant, je faisais confiance facilement. Depuis cet épisode, je suis plus prudent. Quand une personne me dit quelque chose, je questionne sa motivation».

Il admet qu’il est peut-être passé à la trappe de la perception. «Si j’étais le moindrement mêlé à cette affaire, le Premier ministre m’aurait dit de step down comme il l’a fait pour deux autres ministres travaillistes dans le passé. Bien que j’étais déçu de n’avoir pas eu d’investiture, il m’a dit simplement que c’était reculer pour mieux sauter.»

Il n’est pas homme à se contenter d’un rôle de président de conseil d’administration de MT. «2015, c’est bientôt.» Tout en disant que la politique ne se limite pas à une investiture, il compte «occuper le terrain et ne pas attendre la date des élections pour aller may likou des électeurs. C’est ma popularité qui dictera si j’aurais une investiture ou pas en 2015. Et, je le crois». Qui vivra verra…

Marie-Annick SAVRIPNE