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Au moins 62 morts à Madagascar

28 janvier 2009, 01:00

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Au moins 62 morts à Madagascar

Le conflit politique qui a déjà fait sept morts lundi a pris une tournure dramatique. Le bilan s’est brusquement alourdi hier avec au moins 55 morts dont 25 à Tana, 24 à Tuléar, 3 à Majunga et 3 à Tamatave. Les pilleurs ont aussi fait la loi à Antsirabe, Sambava, Vohémar, Fianarantsoa, Ambositra, Andapa et Nosy Be.

Comble de l’horreur : les pompiers ont découvert 20 corps calcinés sous les décombres du centre d’affaires Trading Center à Analakely au cœur de Tana incendié par des pilleurs.

Selon un habitant du coin, joint par téléphone, parmi ces personnes prisonnières des flammes, nombreuses pourraient faire partie du groupe de pilleurs eux-mêmes.

“Ils n’ont pas eu le temps de sortir avant que le feu allumé par les incendiaires ne s’empare de tout le bâtiment. D’autant que les couloirs de cet immeuble sont de véritables labyrinthes”.

 

Violents affrontements entre les pilleurs et les forces de l’ordre

Pourquoi le Trading Center, qui n’a rien à voir avec les affaires de Ravalomanana, cibles des actes de vandalisme depuis lundi ? “Les pilleurs s’en prennent à tout ce qui bouge ! Il n’est plus question de Ravalomanana ou Rajoelina maintenant”. En tout cas, l’appel au calme du chef de l’État et la décision de son opposant Andry Rajoelina d’annuler le grand rassemblement prévu hier n’ont pas suffi pour stopper l’hémorragie. Toujours à Tana, une demi-heure à peine, après les interventions matinales respectives des deux hommes, vers 9 h 30, les pillages ont repris à Tanjombato, déjà cible des manifestants, la veille. En effet, “6 cadavres ont été découverts au Magro de Tanjambato” selon le commandant Lala Rakotonirina, chef du service de la communication de la gendarmerie nationale malagasy qui précise que “les victimes ont succombé à des piétinements entre pillards et à cause de piles de sacs de riz qui se sont effondrées sur elles”. Les magasins Shoprite (Sud Africains) à Ampefiloha, à Analakely et à Tsiadana ont également été attaqués puis incendiés. Le secteur de Tsiadana, situé à proximité de la prison d’Antanimora et d’un camp militaire, était aussi le théâtre d’un violent affrontement armé entre les pilleurs de Shoprite et les forces de l’ordre.

L’Opposition condamne tout acte de violence

Les militaires tiraient à vue, faisans 5 autres morts. En dehors de la capitale, une dizaine de villes étaient aussi en proie à la violence. À Tuléar où l’on déplore 24 morts hier soir, les affrontements ont “démarré depuis 11 h (heures locales) et continuent jusqu’en soirée. Ils sont plus d’une centaine de bandits à s’être constitués en groupe depuis ce matin, puis ameuté la foule avant de procéder au pillage de Magro, du nouveau bureau du Bianco (Brigade anti-corruption), des commerces et de la maison d’un opérateur karana. Ça continue au moment où je vous parle (22 h à la Réunion). Les militaires sont intervenus”. Les pilleurs font la loi aussi à Majunga. Témoignage d’un journaliste : “Le calme qui régnait lundi ne laissait rien présager de ce qui allait se passer aujourd’hui (ndlr : hier). D’autant qu’en fin de journée, après avoir pris connaissance de la situation à Tana, la plate-forme de l’opposition locale a organisé une conférence de presse indiquant qu’ils sont contre tout acte de violence. Apparemment, ils n’ont pas été entendus. Vers 10 h, un groupe d’environ 500 personnes s’est formé à l’extrémité de la ville et marchait en direction du dépôt de Magro. Le rang grossit en cours de route. Autour puis à l’intérieur du bâtiment, ils étaient près d’un millier à sortir les sacs de riz, de farine et les bidons d’huile, revendus sur place même. Une fois Magro mis à sec, ils l’ont incendié. Les pilleurs s’en prenaient ensuite aux rares boutiques qui sont restées ouvertes”.

“Ça continue à tirer”

Quid des forces de l’ordre ? “Ils ne sont pas intervenus ce matin mais ont tiré en l’air pour disperser le rassemblement. Ils ont organisé des patrouilles et ont prévu des rondes de nuit”. D’autres sources font état de 3 morts hier soir. Ce sont des scènes similaires qui se sont déroulées dans les autres villes comme Toamasina où la cible était, là aussi, le magasin Magro. Un restaurateur désemparé raconte exactement les mêmes scènes qu’à Majunga, suivant les mêmes méthodes : “Ils ont dévalisé puis brûlé le Magro. Les militaires ont tiré. Jusqu’à maintenant (hier à 21 h heure de la Réunion), le bâtiment continue à s’embraser et on entend encore des coups de feu de temps en temps”. Aux dernières nouvelles : 3 morts. À Nosy Be, selon un restaurateur, “les pilleurs ont saccagé le siège de Tiko sans l’incendier. Les policiers sont arrivés à temps pour les en empêcher”. Sur la RN7, même scénario à Fianarantsoa, à Ambositra puis à Antsirabe où il n’y avait pas de coup de feu selon le réceptionniste d’un hôtel local : “Le magasin Shoprite et bien d’autres petites boutiques ont été dévalisés. Magro a été incendié mais pas Tiko qui visiblement était mieux protégé. Les militaires n’ont pas tiré”.

Expéditions organisées

Les actes de violence ont aussi touché le Nord Est de l’île : à Andapa le siège de Tiko a été dévalisé et à Sambava, c’est la station MBS du Président qui a été prise pour cible et brûlée. À Vohémar, on signale le pillage d’une vingtaine conteneurs de vanille et de sucre. Le nombre de pertes humaines lors de ces deux journées sanglantes s’élève au moins à… 64 morts en 2 jours de conflit. D’où viennent ces pilleurs “super” organisés ? Les expéditions semblent avoir été coordonnées. Ça a démarré pratiquement au même moment, en milieu de journée pour la plupart. Les méthodes utilisées dans au moins 10 villes sont pratiquement les mêmes : un noyau dur de 200 à 300 personnes qui ameutent la foule pillage puis incendie. À qui profite le crime ?

Pana Reeve
(Source : Le journal de l’île de la Réunion)

Le journal de lle de la Runion