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Audrey Kelly : « Nos parlementaires sont embarrassés par l’homosexualité »

3 juillet 2011, 00:00

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Audrey Kelly : « Nos parlementaires sont embarrassés par l’homosexualité »

Malgré sa satisfaction sur le fait que Maurice ait signé la résolution à Genève sur la discrimination basée sur l’orientation sexuelle, Audrey Kelly une des porte parole du Collectif-Arc-En Ciel, dit remarquer une gêne auprès des politiciens, dès que l’homosexualité est évoqué. Elle explique espérer des débats intelligents, selon les principes d’une République laïc.

Le Premier ministre a, lors de la séance parlementaire du mardi 28 juin, indiqué qu’il est en faveur  d’un débat sur  l’homosexualité. Qu’en pensez-vous ? 

Je suis d’abord satisfaite, de savoir que Maurice ait signé cette résolution. C’est un pas dans le bon sens pour les droits humains. Le Premier ministre, a aussi ajouté être pour l’institution d’un Select Commitee, j’ai à ce sujet quelques appréhensions, car il est clair que les politiciens semblent embarrasser. Cela s’est d’ailleurs vu lors de la PNQ du leader de l’Opposition. Pourtant ce qui est demandé aux parlementaires est simple: est-ce qu’ils veulent que tous les citoyens de ce pays aient les mêmes droits ?

Vous êtes d’accord que défendre la cause homosexuelle, n’a jamais fait partie des promesses électorales d’aucun politicien ?

Est-ce que c’est si difficile pour un parlementaire qui représente la population de se dire qu’une personne homosexuelle a une vie ? Je pense qu’il est dans l’intérêt de tout un chacun de garder l’esprit ouvert. A force de vouloir être conservateur d’un modèle et d’oublier que d’autres modèles existent, on finit par ne plus être capable d’être ouvert et respectueux de l’autre. Nous espérons cette fois avoir des débats intelligents et selon les principes de notre République laïc.  
 
L’ONU compte prochainement faire une étude dans plusieurs pays afin de répertorier les cas de discriminations sexuelles dans différents pays. Y a-t-il, à Maurice, les structures nécessaires, qui pourront aider l’ONU, à faire cette enquête ?

Ce sera au gouvernement de mettre en place les structures afin d’aider au maximum l’ONU. Il y a la Commission des droits humains qui sera certainement mise à contribution. Le Collectif Arc-en-Ciel ainsi que nos partenaires locaux seront aussi présents pour aider au maximum l’ONU dans son enquête. Nous espérons que tout sera mis en œuvre pour que l’ONU ait accès à toutes les informations dont elle aura besoin. Le Collectif apportera toute son aide afin de faire avancer au mieux l’enquête.

Aujourd’hui que le débat est officiellement lancé à Maurice, quel sera le rôle du Collectif Arc-en-Ciel ?

Le Collectif Arc-en-Ciel a déjà lancé le débat depuis sa création en 2005. Pourtant, malgré nos différentes demandes pour rencontrer des politiciens, pour les inviter à nos marches ainsi qu’à d’autres activités, nous n’avons jamais pu compter sur leur présence. Le seul élu à avoir oser a été Rama Valayden, l’ancien Attorney General. Le seul parti qui nous soutient ouvertement est Lalit. Nous allons demander à rencontrer le Premier ministre, le leader de l’opposition ainsi que les différents leaders de partis. Mais ce n’est pas tout. Nous travaillons aussi sur la démystification de l’homosexualité dans la population. Les homophobes sont souvent des personnes qui ne comprennent pas ce qu’est l’homosexualité. Il est donc important d’expliquer, d’écouter et de conseiller. C’est ce que nous faisons.

Le Collectif Arc-en-Ciel,  semble uniquement se limiter à l’organisation de la Rainbow Parade annuelle.  Ce qui pousse à penser que les membres du collectif semblent très timides…

Ce n’est qu’une impression. Le Collectif a six ans aujourd’hui. Nous savons où nous allons et ce que nous voulons. Le Collectif Arc-en-Ciel travaille sur plusieurs projets. Prévention et sensibilisation en ce qui concerne le VIH/Sida et les IST, démystifications de l’homosexualité, sensibilisation sur la santé féminine, aide légale, écoute… nous faisons beaucoup de choses pour aider la communauté Lesbiennes-Gays-Bisexuels-Transsexuels (LGBT) ainsi que son entourage. Lorsqu’un parent apprend que son enfant est homosexuel, ce n’est pas un moment facile. Nous sommes là pour l’écouter, l’aider à mieux comprendre. Car il est souvent aussi stigmatisé que son enfant par son entourage. Dans ces moments, il est important d’avoir une personne neutre en face de soi qui n’est pas là pour culpabiliser qui que ce soit mais pour écouter et soutenir. Au Collectif Arc-en-Ciel, nous n’avons pas devant nous des cas mais des êtres humains. Donner son avis, c’est facile parce que l’on parle d’un sujet, d’une orientation sexuelle, sans au final être impliqué.

Si le gouvernement mauricien n’avait pas décidé de signer cette résolution onusienne relative à la discrimination basée sur l’orientation sexuelle, il semblerait que le débat à ce sujet n’aurait pas été lancé ici ? Qu’en pensez-vous ?

On oublie que Maurice a signé en 2009, une convention concernant la dépénalisation de l’homosexualité aux Nations Unies. Le Collectif Arc-en-Ciel a encore beaucoup à faire. Le débat existe. Le travail se fait. Débattre c’est bien, agir mieux ! Et nous agissons

En France par exemple, il est question d’une loi reconnaissant le mariage homosexuel. Les politiciens sont-ils en train de réaliser l’existence de la communauté LGBT ? La communauté LGBT, est-elle un réservoir politique ?

On espère bien que les politiciens réalisent qu’entre 5-10% de la population fait partie de la communauté LGBT. Celui qui pense que l’homosexualité n’est qu’un phénomène de mode, que cela a été importé de l’Europe ou des Etats-Unis, ne doit pas oublier que l’homosexualité existe dans tous les pays du monde. Ceux qui pensent qu’en tapant des pieds, l’homosexualité n’existera plus, se trompent lourdement. 

Votre Collectif, s’est officiellement fait un adversaire en la personne de Cehl Meeah, qui envisage d’organiser une protestation contre l’homosexualité…

Monsieur Meeah a le droit d’avoir son opinion. Mais ce n’est pas aux religieux de décider. La religion est une affaire privée et elle doit le rester. Maurice est une République laïc. Elle prend en considération les sensibilités des uns et des autres. L’Etat doit néanmoins prendre en considération prioritairement la sensibilité de la communauté LGBT qui est directement concernée. Monsieur Meeah parle de l’homosexualité comme d’un choix mais cela n’en est pas un. Ce n’est pas une maladie. Il est temps que l’Etat prenne ses responsabilités et applique les principes de la laïcité.