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Bus «défectueux» : la série de mauvaises décisions de la CNT…

1 septembre 2013, 15:25

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Bus «défectueux» : la série de mauvaises décisions de la CNT…
Ce rapport interne émanant de la CNT elle-même a été mis en lumière par l’express dans le courant de la semaine. Il vient expliquer pourquoi les autobus de la CNT, les Blue Lines de 2007 notamment, souffrent de tant de problèmes techniques. Et les explications sont accablantes…
 
 
Les Blue Lines de 2007 ne sont pas dangereux. Nous avons vérifié et contre vérifié, cette série ne présente aucune défaillance technique. Déclaration du directeur général de la Compagnie nationale de transport (CNT), Robin Soonarane, faite le 12 mai dans les pages de l’express dimanche. Un mois plus tard, dans un rapport confidentiel interne, il dira l’exact contraire : les 20 Blue Line d’Ashok Leyland tombent en pièces. Et  la CNT s’est laissée piétiner par le fabricant indien Tata dans l’achat de 80 autobus en 2007...
 
 
Extrait du rapport que Robin Soonarane, directeur général de la CNT, a soumis au «board» de la compagnie, le 13 juin. Il y évoque plusieurs changements apportés aux spécifications des autobus après l’octroi du contrat.
 
 
Ce rapport de Robin Soonarane avait été commandé par le board le 16 mai 2013, soit peu après l’accident de Sorèze. Le document soumis le 13 juin souligne que des modifications ont été apportées aux spécifications après l’octroi du contrat. 
 
 
Le rapport met directement en cause Pradeep Kumar Dash, directeur adjoint. Nous avons tenté de contacter Pradeep Kumar Dash à plusieurs reprises, en vain. Dans une note adressée au directeur d’alors, Raj Daliah, ce dernier affirme que les prototypes inspectés en Inde lors d’une visite en 2007, sont conformes aux spécifications. Ce qui serait «misleading», selon Soonarane, le directeur adjoint ayant approuvé des modifications à l’insu du board de la CNT.
 
 
Fac-similé d’un rapport confidentiel commandité après l’accident de Sorèze. Selon Robin Soonarane, DG de la CNT, «ACC Ltd» tenterait de se mettre à l’abri de tout blâme.
 
 
Ces modifications concernent notamment le remplacement des panneaux galvanisés avant et arrière des 20 bus par du plastique. «This material is weaker, brittle and highly inflammable», commente Robin Soonarane. En sus d’être fragile, cassable et hautement inflammable, la majorité de la structure en métal du bus est en acier doux, plutôt qu’en acier galvanisé.
 
 
D’autres parties censées être en acier galvanisé ont été remplacées par de l’acier noir. «This explains the rapid and significant corrosion of the bus bodies and their weaker resistance to impact», conclut Robin Soonarane, en mettant en doute la capacité de ces bus à résister à l’impact d’un accident. Il fait également le lien avec deux bus de la série Blue Line 2007 dont les portes se sont détachées à cause de la corrosion.
 
 
Quant aux autobus qui semblent prompts à prendre feu, Soonarane explique que les radiateurs et les fils électriques qui surchauffent en sont la cause. D’autre part, le rapport rappelle que quatre mois à peine après la livraison des Blue Line 2007, certains d’entre eux n’ont pu quitter le garage pendant 35 jours consécutifs à cause de problèmes de transmission dans le moteur et d’injection de carburant.
 
 
Et après l’accident de Sorèze, la CNT a fait une demande de devis à Ashok Leyland pour 30 pièces devant servir à réparer les systèmes de freinage des bus Blue Line. Le 14 juin, Ashok Leyland finira par répondre que les pièces demandées ne sont pas disponibles en stock. Et la CNT attend toujours... De quoi donner froid dans le dos quand on sait qu’il reste 19 de ces bus dans sa flotte.
 
 
Puis, il y a aussi l’achat de 80 bus en 2007 auprès cette fois du fabricant indien, Tata. «La CNT n’aurait pas pu conclure un accord plus mauvais qu’elle ne l’a fait avec les bus Tata 1618 […] Tata expérimentait un nouveau produit aux dépens de la CNT», affirme Robin Soonarane. Ce dernier évoque une fois de plus le nom de Pradeep Kumar Dash par rapport à des changements «illicites» apportés à la structure des 80 bus Tata.
 
Dans une lettre envoyée à Tata le 25 septembre 2006, le directeur adjoint aurait même demandé que les plans des autobus soumis par le fournisseur soient modifiés afin de faire croire sur papier, «de manière trompeuse», que les spécifications de l’appel d’offres ont été respectées. 
 
Puis viennent les interventions d’Associate Commercial Company Ltd (ACC Ltd), le fournisseur local de Tata Motors alors que l’exercice d’appel d’offres est encore en cours. Le 24 mars 2006,  ACC Ltd écrit à la CNT en «recommandant fortement l’utilisation d’un ralentisseur sur les autobus à transmission automatique».
 
Et propose alors que Tata Motors fournisse, sans frais additionnels, des bus équipés de ralentisseurs s’il obtient le contrat.
 
 
Outre l’ajout de ralentisseurs, ACC Ltd propose de remplacer l’acier galvanisé, qui devait composer la structure principale, par de l’acier doux. Procédé également utilisé pour la série Blue Line. Le rapport fait remarquer que la proposition d’ACC aurait dû être rejetée car il s’agissait d’une «déviation de l’offre originelle». Mais le board de la CNT approuvera ces changements le 8 juin 2006 et le Central Tender Board en fera de même le 26 juin. 
 
 
Une fois le contrat obtenu, ACC Ltd ne s’arrête pas là. D’autres changements sont apportés. Le 14 août, le fournisseur informe la CNT des changements au niveau du modèle de transmission automatique à être utilisé et le châssis proposé pèse 16 tonnes, plutôt que les 11,5 tonnes à 13 tonnes des autres autobus du parc. Un détail qui a été «négligé» par la CNT. 
 
 
Dans un rapport qui fait suite à une visite d’inspection effectuée début 2007, d’autres modifications conséquentes sont relevées : les panneaux avant et arrière, ainsi que le pare-chocs arrière, censés être en aluminium et en acier galvanisé, sont en réalité faits de plastique renforcé. Ici encore, le parallèle avec la série Blue Line est frappant. Et la CNT se soumettra à ces changements sans broncher. 
 
 
ACC Ltd et Tata Motors Ltd ne vont pas hésiter à pousser le bouchon encore plus loin: le 14 mars 2007, ils proposent que des officiers haut placés de la CNT se déplacent en Inde, à leurs frais, afin d’approuver les modifications apportées. Proposition que va accepter la CNT. Par cette manœuvre, le fournisseur se met ainsi à l’abri de tout blâme, commente Robin Soonarane…