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Chandan Jankee : « Le gouvernement doit revoir sa stratégie pour le secteur des PME »

30 octobre 2011, 11:29

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Même s’il n’est pas tendre envers le secteur privé, qui, selon lui, souffre en termes d’innovation, Chandan Jankee, professeur associé en économie à l’université de Maurice, concède que le gouvernement a fauté dans certains secteurs de l’économie, tels que les Petites et Moyennes Entreprises.

Pas de budget électoraliste, a prévenu le ministre des Finances, Xavier Luc Duval. La classe moyenne a du souci à se faire ?

Je ne crois pas. Le ministre a déjà annoncé que sa priorité est de relancer l’économie, ceci afin de faire profiter du « gâteau national », à chaque Mauricien. De plus, malgré le fait qu’il ne compte pas présenter un budget populaire, je pense que ce budget aura également un visage humain. Il ne faut pas oublier qu’avant d’être promu aux Finances, Xavier Luc Duval a pendant une année été ministre de l’Intégration sociale. Cela lui a permis d’être confronté à la misère humaine, et je pense qu’en rédigeant ce budget il prendra en compte le sort des personnes qu’il a pu côtoyer pendant toute une année.

Il faudra au ministre des Finances faire les ajustements nécessaires pour la relance de l’économie, dans une conjoncture éprouvante. Le dernier rapport de l’Ease of Doing Business 2012, a relégué Maurice à la 23ème place….

Même si j’estime que nous devons ne pas nous cantonner à ce rapport, la situation de l’investissement à Maurice est grave. Cette situation m’inquiétait déjà même lorsque Maurice était bien classée dans le rapport. Il y a, à mon sens, un véritable problème dans notre système qui paralyse nos investisseurs. Un problème à la fois légal et gouvernemental. Il faudrait, selon moi, étudier ce problème de fond en comble. Je propose, par exemple, d’instituer un bureau d’audit qui pourra examiner la source de ces problèmes qui sont effectivement en train de nuire à l’investissement.

Le secteur privé, pour sa part, maintient que sans une dévaluation de la roupie, l’investissement et l’exportation ne pourront jamais être relancés…

Il est grand temps pour que le secteur privé cesse avec de tels prétextes. Si l’investissement est aujourd’hui en train de souffrir, ce n’est pas uniquement à cause du gouvernement le secteur privé est tout aussi fautif. Le problème est que les têtes pensantes de ce secteur n’ont pas été capables de proposer des idées novatrices. Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer notre ralentissement de l’export. Premièrement, ils n’ont pas pu diversifier leurs produits et ils sont du coup dépassés sur le marché international. D’autre part, le secteur privé est toujours en train de se plaindre du ralentissement économique. Je peux comprendre qu’il y a aussi la cherté de la vie, mais les investisseurs ne se sont jamais adaptés au contexte. Ils ne font que reprendre des concepts provenant de l’étranger et viennent faire du copier-coller à Maurice. C’est ce qui est en train de se passer avec Bagatelle, bientôt Cascavelle, ainsi que la Croisette. Ce sont certes de beaux bâtiments, mais dans le fond que proposent-ils de plus pour inciter les gens à dépenser ? Je déplore ce manque d’effort, d’autant plus que le secteur privé a depuis tout le temps été privilégié par le gouvernement, notamment avec des facilités fiscales, entre autres.

Le ministre des Finances a également fait comprendre que le prochain exercice budgétaire aura pour but d’assurer la protection des Petites et Moyennes Entreprises (PME). N’est ce pas un aveu d’échec ?

Je crois sincèrement que le gouvernement doit revoir de fond en comble sa stratégie d’aide aux PME. Si le gouvernement veut réellement redynamiser ce secteur, il lui faudra d’abord investir massivement dans la formation de ces entrepreneurs, qui n’ont aucune notion du business forecast, du cash flow. En gros, nos principaux acteurs du PME n’ont pas la culture du business. Beaucoup d’entre eux ont été encouragés par certains politiciens à contracter des emprunts auprès de la Banque de Développement pour, après, se lancer dans les affaires. Résultat des courses, beaucoup d’entre eux courent vers une mort certaine. Deuxième chose que je suggérai au ministre des Finances, ce serait d’encourager les PME vers la production alimentaire. Cela aidera parallèlement le pays à devenir autosuffisant et ainsi faire baisser nos importations. Finalement le gouvernement doit continuer avec sa politique d’amnistie envers les PME naufragés.

Xavier Luc Duval avait, il y a quelques semaines, indiqué ne pas être satisfait avec le plan de logement social, et a fait part de son intention de construire des milliers de logements pour les plus vulnérables. N’est ce pas aussi encourager la ghettoïsation ?

Sur un plan, il n’a pas tout à fait tort lorsqu’il dit qu’il veut investir massivement dans le logement social. L’éducation, la santé, et le logement sont des points fondamentaux pour aider les plus vulnérables à s’en sortir. Néanmoins, ce plan de logement social doit aussi prendre en compte d’autres réalités. Par exemple, construire plusieurs logements et y placer des personnes d’une seule communauté ensemble, c’est l’unité nationale qui prend un sacré coup. D’autre part, il faudrait aussi venir avec un programme d’incitation pour ces personnes en difficulté. Il faut leur adresser un discours du genre : si vos enfants réussissent la Form V, le gouvernement viendra avec d’autres plans sociaux qui vous seront encore bénéfiques. Ces personnes auront une motivation supplémentaire et réelle pour pousser leurs enfants vers l’éducation.