Publicité
Chris Benoit, agent de joueurs FIFA
Par
Partager cet article
Chris Benoit, agent de joueurs FIFA
Chris Benoît est chargé de représenter et promouvoir le football de l’Afrique à travers le monde. Agent de joueur –agréé par la FIFA – il pense que Maurice peut avoir une grande équipe à condition «d’y croire, d’avoir du coeur et du courage et de s’entourer des bonnes personnes ».
Chris Benoît, vous êtes agent FIFA et vous avez découvert de nombreux talents. En quoi consiste votre métier au quotidien ?
– J’habite et je travaille à Kinshasa (Ndlr: au Congo), mais je voyage souvent en Belgique et au Maroc (Ndlr : où il possède une société de management de joueurs). Le recrutement est ma fonction numéro 1. Mais le président de la Fédération congolaise de football, Constant Omari, m’a dit que ma première mission était de représenter le  football africain et congolais dans le monde, et d’aider à améliorer le niveau du foot africain. Je trouve ça magnifique ! C’est une véritable passion pour moi, si je  peux aider les autres et en faire bénéficier à l’Afrique, alors je suis heureux. Il  n’y pas que l’argent et les gros transferts dans la vie…
Vous avez quand même contribué à quelques gros coups, en termes de transferts…
– J’ai fait venir les meilleurs Africains en Belgique et je dis ça sans prétention.
C’est ma passion. Au Congo j’ai créé un site internet pour la diaspora de la République du Congo. Cela sert à s’informer sur nos compatriotes, il y a toutes les infos sur chacun.
Chacun peut y mettre son CV et ensuite on s’occupe du recrutement. Cela marche très bien. On est présent au Canada, en Pologne, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en France… on est partout (rires).Tenez, c’est comme ça que j’ai découvert Rio Mavuba, révélé à Bordeaux, il y a quelques années. Il avait mis son CV sur le site…
Il y a aussi Rita Ilunga qui a été le meilleur arrière-gauche, l’an passé, en Angleterre, avec West Ham.
Je l’avais trouvé à l’Espanyol Barcelone, en équipe B, puis il est passé par St Etienne et Toulouse. Ah oui, il y a aussi Trésor Mputu ! C’est un grand prodige africain, il a remporté la Ligue des champions d’Afrique avec Mazembe. Il réfléchit comme moi. Il pense d’abord à son pays avant de penser à lui, alors qu’il pourrait aller jouer en Europe.
C’est beau…
Parlez-nous de Marouane Fellani, l’une de vos plus belles trouvailles…
– Ah lui c’est la classe mondiale ! Ses qualités sont : une présence physique et un jeu de tête irréprochables, un calme olympien balle au pied. Il connaît son corps.
 On sent le fan là !
– Attention, je ne suis pas son agent hein ! (rires) En fait je l’ai découvert à 15 ans. Je suis allé chez lui à Bruxelles. Il est issu d’une famille modeste, son papa était chauffeur de bus. Mon club de La Louvière (D1 belge) n’en voulait pas, alors je l’ai envoyé au Standard Liège qui l’a pris tout de suite. Je ne revendique pas quoi  que ce soit, mais ça me fait plaisir de l’avoir découvert…
Le « scouting », c’est un sens inné chez vous ?
– On ne pourra jamais m’enlever les yeux pour découvrir un talent. C’est ma force, c’est en moi. Chacun a un talent dans la vie. J’ai celui-là. Je ne juge pas un joueur parce qu’il marque trois buts, mais, selon des attitudes, sur plein de points. Sa réaction, quand il encaisse un but, quand il sort… C’est ça qui fait la qualité d’un joueur.
Quel bon vent vous amène à Maurice, Chris ?
– Mon ami David Magri, qui s’occupe de l’ASPL 2000 (Ndlr : nommé directeur sportif récemment) m’a souvent parlé en bien de votre pays. J’avais hâte de le découvrir…
Et sur ce que vous avez vu, d’un point de vue footballistique, il y a du potentiel à Maurice ?
– Oui, il y a des possibilités ! J’ai vu jouer l’ASPL et j’ai remarqué trois ou quatre bons joueurs…
« Bon » ca signifie quoi pour vous ? Qu’ils peuvent évoluer en Europe ?
– Un ou deux pourrait réussir en Europe oui. Mais, attention, pas qu’en Europe ! On peut aussi s’exporter en Afrique, en Asie, dans les pays du Golfe… On joue bien aussi  dans d’autres endroits du monde. Il ne faut pas vendre de faux rêves aux Mauriciens,  en leur faisant miroiter l’Europe, car la plupart de ceux qui vont là-bas ne  réussissent pas. C’est un drame humain, beaucoup d’Africains en souffrent…
Et si demain Maurice a de l’ambition et veut se qualifier pour une Coupe du monde,  comme Trinidad en 2006 par exemple, vous croyez que c’est possible ?
– Evidemment ! Il faut s’encadrer des bonnes personnes. Il faut y mettre tout son coeur et tout son courage. Vous savez, vous aurez beau vous plaindre sur vos mauvais résultats, ici, à Maurice, mais le Congo en est au même niveau que vous. On ne fait  pas la CAN 2010 non plus ! Il y a pourtant 70 millions d’habitants chez nous et on  n’est même pas capable de se qualifier. Pourtant on a un entraîneur français (Ndlr :  Patrice Neveu) et tout… Mais pour réussir, il faut les bons hommes au bon moment. Il  y a un manque de financement énorme aussi en Afrique. Il faut des gens qui  connaissent le terrain. Pas obligatoirement quelqu’un de l’encadrement technique  français qui a souvent des exigences excessives et qui a du mal à s’adapter au  contexte africain…
L’encadrement technique français est sûr selon vous ?
– Disons qu’ils ont bien vendu leur projet depuis la Coupe du monde 1998... Ils ont  convaincu le monde qu’ils étaient les meilleurs coaches et ils s’en sont servis pour voler les talents africains. Ils ont tissé une grande toile d’araignée et tout le  monde tombe dedans…
Tenez, quel entraîneur français a déjà gagné un seul trophée hors de son pays ? Il  n’y en a qu’un… C’est Roger Lemerre… Mais prenez la dernière Coupe d’Afrique des  Nations, qui étaient les sélectionneurs hein ? En Afrique, on a toujours le complexe  du « blanc». Il n’y a pas assez de gens de la diaspora africaine.
Comme Antoine Kombouaré, l’entraîneur du PSG, que je voulais faire venir en Belgique  il y a cinq ans.
Lorsque vous étiez directeur sportif à La Louvière ?
– C’est ça. On m’avait dit non, pas de noir sur le banc… C’est malheureux à dire,  mais cette réalité existe en Belgique. Alors moi je dis, autant rester en Afrique et  faire son travail.
Je préfère qu’un joueur mauricien aille en Afrique du Sud plutôt que de tenter sa chance en Europe… Par exemple, je préférerais qu’il joue aux Orlando Pirates, en Afrique du sud, pendant trois ans. Comme ça il gagnerait bien sa vie, s’exporterait  et apporterait même un plus en sélection.
Est-ce que votre travail porte ses fruits au sein de l’équipe congolaise ?
– Oui, mais c’est plutôt une génération sacrifiée. On est obligé de passer par là  pour avoir de bons résultats futurs. On est des précurseurs, on prépare l’avenir chez  nous et pour l’Afrique. Vous savez, Cristophe Colomb a découvert l’Amérique, puis il  est parti et d’autres ont fait de l’Amérique ce qu’elle est aujourd’hui. Mais  personne ne l’a oublié. C’est pareil pour nous, nous oeuvrons pour demain,  contrairement aux autres qui sont des fossoyeurs et qui exploitent les joueurs  africains, cherchant à gagner de l’argent sur leur dos.
Vous semblez très amer, qu’est-ce qui vous dérange ?
– J’ai été directeur général d’un club africain pendant cinq ans…. Et directeur  sportif pendant deux ans en Belgique, je sais très bien comment ça marche. Je sais ce  que pensent les «blancs » de l’Africain. Je suis «blanc», je connais la mentalité  dans ce milieu. Je ne veux pas faire de politique mais la réalité est là. Pourquoi y  a-t-il plus de blancs qui réussissent dans le foot mondial ? Parce que les Africains  n’ont pas une chance égale. L’Africain doit avoir sa place sur le plan mondial.
Pourquoi donne-t-on sa chance à un blond aux yeux bleus plutôt qu’à un noir aux  cheveux courts ? Il faut s’élever contre cette discrimination.
C’est toute une mentalité à changer…
– Non, c’est l’argent qui dicte tout ! Si le football africain est en baisse dans nos  pays c’est à cause de ça. Qu’on nous laisse tranquille. (il réfléchit) Mais c’est  aussi à l’Africain de changer les moeurs. Par exemple, souvent un joueur appartient à  son président, ce n’est plus possible ça ! Ce sont les joueurs qui font les clubs.
Les dirigeants africains sont également à blâmer, notamment concernant leur gestion  financière…
– Oui, c’est vrai. Où est l’argent ? Il circule souvent dans les mains d’une seule  personne. Là aussi, je dirais que l’Africain a le complexe du «blanc.» Si demain un  joueur africain est bon, on préfèrera l’envoyer au PSG plutôt qu’à l’Espérance de  Tunis.
Mais, sportivement, c’est une erreur !
Mais cette attirance pour l’Europe est normale, c’est plus médiatisé et mieux payé !
– Oui mais est-ce que ce footballeur jouera dans un club européen ? Il y a peu de  chances ! Peu de gens parlent comme moi, franchement… Je ne vais pas me faire des  amis je le sais, mais, tant pis, j’assume ce que je dis, car je sais de quoi je  parle. L’expérience que j’ai, vaut bien celle d’un Français… Et s’ils sont si bons,  qu’ils viennent gagner en Afrique ! Impossible. Ici, il faut connaître le terrain et  faire face à plein de réalité : l’avion qui ne décolle pas, un mauvais terrain,  l’insécurité… Pour ce genre de choses, un entraîneur européen classique n’est pas  préparé et ne pourra pas être plus performant qu’un coach local, à mon avis.
Comment voyez-vous l’avenir du football africain ?
– Nos joueurs doivent être les précurseurs d’un nouveau système en Afrique. Un peu  comme nos ancêtres africains qui ont créé le foot il y a 100 ans. De toute façon, avec la loi du 6 + 5 qui arrive (Ndlr : la FIFA va imposer un quota de 6 joueurs  nationaux et limiter le nombre d’étrangers à 5 dans tous les championnats européens),  l’Africain aura beaucoup plus de mal à s’exporter.
Quel grand pays souffrira le plus de la loi du 6 + 5 d’après vous ?
– Tous ! Il ya beaucoup d’étrangers partout. L’Angleterre, bien sûr, mais aussi la France qui a plus d’Africains. L’Allemagne sera la moins touchée. Cela risque d’être un drame social pour les Africains, avec des retours en charters et des familles qui  souffrent.
Mais après deux Coupes du monde, le niveau du football africain va s’améliorer grâce  à ça. De toute façon, on constate que tous les pays qui ont organisé une Coupe du  monde ont connu un redressement économique spectaculaire. C’était le cas pour France  98, Japon-Corée 2002 et Allemagne 2006.
Dans ce cas, la Coupe du monde 2010 s’annonce comme une aubaine…
– Que ce soit en termes de marketing, de merchandising, de stades, de télé et  d’hôtels, la Coupe du monde génère beaucoup de sous. Vous allez voir, votre saison  touristique sera bonne grâce au Mondial en Afrique du Sud. J’ai aussi appris que le  football mauricien stagne. Mais, au niveau économique, l’Europe ne veut pas que  l’Afrique se relève ! Si l’Afrique devient forte, l’Europe sera mal je vous le dis…
Si on retirait tous les Africains des championnats européens je serai curieux de voir comment ils s’en sortent (rires).
Seriez-vous prêt à mettre votre expertise au sein d’un projet de relance du football mauricien ?
– Pourquoi pas. Je suis un homme de projets, pas un homme en solo. Je ne suis pas en  vacances, le soleil je connais (rires). En fait, je ne connais pas la mentalité mauricienne, mais je pense qu’il faut l’adapter. Le tout est de ne pas imposer ses  idées et de comprendre le milieu où l’on est, contrairement aux Européens.
J’aime aider l’Afrique à progresser. Je ne fais pas ça pour l’argent. Je préfère  rater un transfert que faire un mauvais transfert. Le problème c’est que trop de gens parlent d’eux-mêmes, sont des icônes mais pas des hommes de terrain. Je tire mon  chapeau à Aimé Jacquet, c’est le seul entraîneur français qui ait réussi et que je respecte, un travailleur de l’ombre qui se fout de la réputation. C’est un passionné, pas un bling bling comme les jeunes managers actuels…
Comme qui ?
– Didier Deschamps par exemple… Mais, ça me fait rire quand des gens au Congo me  disent qu’ils ont vu Domenech ou Platini et sont très excités. Bof, ce ne sont que  des hommes comme les autres. Comme nous…
Comment voyez-vous les chances d’une équipe africaine à la Coupe du monde ?
– S’il y a un bon départ, je vois bien une équipe en quarts. Je ne sais pas qui… La  Côte d’Ivoire ? Il faudra voir comment les Ivoiriens auront récupéré de la CAN.
Pareil pour les autres nations. Physiquement, les Européens n’auront pas de championnat d’Europe dans les jambes eux, ils risquent d’arriver plus frais au Mondial. Mais j’espère que l’Afrique sera à la hauteur. Il faut relever le défi !
Et votre favori pour la CAN 2010 ?
– L’Egypte devrait de nouveau remporter le tournoi (Ndlr : entretien réalisé avant la  fin du premier tour). La chaleur a gêné les équipes lors des premiers matches, ensuite on a vu le vrai potentiel des équipes.
Quel est votre favori pour le championnat anglais ?
– Je ne suis pas supporter de club, je ne regarde jamais un match. Je ne suis même  pas les résultats. Cela peut vous paraître bizarre, mais je ne m’intéresse qu’au  talent africain. Le reste…
 
PROFIL
Chris Benoît
A ne pas confondre avec son homonyme, le fameux catcheur ! Chris Benoît est né le 1er juin 1965 en Belgique à Etterbeek. Ancien joueur de football du Racing Jet Wavre (1988) et de l’Olympic Charleroi (1990), son intérêt pour ses origines lui est venu  assez tard via la passion du football en créant la diaspora congolaise pour la  détection et le « scooting » des jeunes de -21 ans à travers le monde entier pour le  compte des équipes nationales de fédération congolaise de football avec son ami  Christian N’Sengi.
Les joueurs Hérita Ilunga, Trésor Mputu, Pitshou Zola Matumona, Christian Kinkela, Rio Mavuba, etc. ont tous fait partie de cette « Dream Team ».
Ensuite, il a travaillé pour le compte du club le plus titré de la RD Congo, le DC  Motema Pembe (Daring Club Motema Pembe), en tant que directeur général et conseiller sportif. Il y a remporté deux championnats de la République Démocratique du Congo avec autant de participations à la Ligue des champions de la CAF et deux coupes  nationales.
Après cette expérience fructueuse du milieu africain, il a été recruté par le club de La Louvière (RAA Louviéroise) en D1 en Belgique comme directeur sportif durant une saison et demie.
Cette expérience en club l’a ramené en RD Congo à Kinshasa et l’a mené à la fonction d’Agent de joueurs FIFA de Football licencié de la FECOFA  de passage sur le plateau de Sports One, il y a deux semaines,  sur Radio One. laise de football association).
 
Publicité
Les plus récents