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Chronique rodriguaise : Lutte à trois
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Chronique rodriguaise : Lutte à trois
Calé confortablement dans le fauteuil de son salon sur les hauteurs de Mont-Lubin à côté de sa femme Danielle, Serge Clair, bien qu’il fasse preuve de retenue en ce vendredi matin du 6 janvier, sait que, d’une manière ou d’une autre, qu’il reviendra en force à l’Assemblée régionale de Rodrigues après le 5 février prochain.
Pour une fois, le langage n’est pas sectaire : il veut rassembler (les déçus du Mouvement Rodriguais et ses orphelins les nouveaux éléments du Front Patriotique Rodriguais), et ratisser large pour obtenir une majorité ample afin que l’OPR puisse gouverner seul. Sans que la proportionnelle ne lui impose des alliances avec Johnson Roussety, devenu, depuis l’éclatement du MR, son allié objectif et le seul obstacle entre lui et le fauteuil sans partage du chef commissaire.
L’Empereur de Mont Lubin se la joue ainsi modestement. Point d’excommunication, a priori, comme à l’accoutumée. Point d’anathèmes. C’est son dernier mandat quels que soient les résultats. A plus de soixante-dix balais, le vieux leader de l’OPR ne compte pas rempiler pour sillonner inlassablement les routes sinueuses de Rodrigues après 2017. Il a l’intime conviction qu’il retournera à l’Assemblée régionale par la grande porte pour mieux en sortir en laissant l’OPR à un successeur digne de ce nom. Parler de succession au sein de l’OPR, il y a quelques années de cela, c’était comme introduire un cent-pieds dans la maison ! Du coup, il est serein. Les vents lui sont favorables pour un nouveau décollage, ne risquent pas d’éteindre la ‘bougie’(son symbole), mais sont susceptibles de drosser les ‘ti batos’ du MR sur les récifs.
Son argumentaire de campagne est simple : ‘Espoir et libération’ en cette année 2012 pour redonner un contenu à l’autonomie dont il est le père légitime une autonomie que le MR (c’est qui précise) a foulée aux pieds depuis 2006 en livrant l’assemblée régionale pieds et poings liés à Port-Louis. Serge Clair veut ainsi parfaire ce qu’il a commencé et qu’il n’a pu terminer après trois ans et demi. Un discours donc qui galvanise ses troupes, fouette les indécis et rassemble les déçus de 2006. Pas de provocation non plus. Encore moins d’orgueil. Pas question d’un remake de son Waterloo à la Ferme. C’est au sommet de la Grande Montagne qu’il va savourer sa victoire.
Johnson Roussety, version Indiana Jones avec son chapeau de paille, le patron du nouveau Front Patriotique Rodriguais (né d’une scission avec le MR), attablé à la terrasse de ‘La Marmite des Iles’ à Port-Mathurin samedi matin du 7 janvier, ne nourrit pas de grandes ambitions : économiste, il fait de savants calculs. Il pronostique qu’une ‘éventuelle victoire’ annoncée de l’OPR sera très courte, après la nomination issue de la proportionnelle, que Serge Clair ne pourra gouverner seul et que l’OPR sera contraint à une alliance avec lui. Bref, cela lui plait d’être le joker dans le casting de cette élection. Il se réjouit, par exemple, que leader de l’OPR ne l’a même pas égratigné lors de sa conférence de presse la veille.
Toutefois, comme à l’accoutumée, Johnson Roussety a balancé un énorme pavé dans le marigot du politiquement correct à Rodrigues en chevauchant un nouveau dada : l’autodétermination. Pour lui, c’est le prolongement de l’autonomie clairienne qui n’a été qu’une étape dans l’évolution politique de Rodrigues. Une manière de rendre hommage aux anciens et de booster sa campagne pour se démarquer du MR. Pour l’heure, ce qu’il demande n’est pas le lagon à boire : que l’assemblée régionale ait le pouvoir de dissolution, de fixer la date des élections et que les ‘ministres’ rodriguais puissent déterminer leurs politiques de l’éducation, de la santé, du logement, entre autres, sans interférence de Port-Louis !
Sur ce chapitre, Serge Clair et Johnson Roussety partagent une même crainte : que l’alliance gouvernementale s’immisce dans cette élection. Déjà, ils dénoncent ce qu’on appelle ‘donne bagaz’(des bribes électoraux), une pratique dont le MR serait coupable à leurs yeux. Un MR condamné à s’amarrer à Port-Louis pour défendre un bilan. Ce qui n’est pas une posture d’attaque, mais celle de défense ! Pour une joute ou tous les coups vont être permis, ce n’est certes pas la bonne stratégie. D’autant que Nicolas Von Mally avait demandé l’ajournement de ces élections ! Ce qui ne témoigne pas de l’ardeur au combat.
A hier après-midi, Serge Clair semble être conforté dans son sentiment de victoire. Tous les observateurs sur place confirment qu’il a rallié la plus grosse foule à Pointe-Coton lors de ce triple rassemblement politique de ‘le roi boire’, loin devant le MR à Mourouk et le FPR à Grand-Baie.
Reste à savoir quel va être le pouvoir de nuisance de Johnson Roussety, s’il sera capable de faire de grosses brèches dans la coque du ‘ti bato’pour permettre à l’OPR de raviver la flamme de sa bougie pour les cinq ans à venir.
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