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Clairette Ah-Hen: «Pourquoi la FSC n’a pas vu venir les Ponzi schemes»

22 avril 2013, 23:11

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Clairette Ah-Hen: «Pourquoi la FSC n’a pas vu venir les Ponzi schemes»

Sous pression depuis la mise au jour d’une série de chaînes de Ponzi à Maurice, la Financial Services Commission (FSC) annonce des rencontres plus fréquentes avec la Banque de Maurice et la police. Son Chief Executive, Clairette Ah-Hen, explique pourquoi le régulateur du secteur financier n’en savait rien.

 

 Q. Whitedot, Sunkai et Je T’Aime Marketing ont opéré des Ponzi Schemes sans éveiller des soupçons de la part des régulateurs du secteur financier.  Est-ce normal ?

Je vous précise tout de suite que dans un cas, la compagnie s’appelle «marketing» et lorsqu'on regarde quelles sont les activités de toutes ces compagnies, elles n’ont rien à faire avec les services financiers. Elles ne sont pas enregistrées au Registrar of Companies comme des compagnies de services financiers. Intentionnellement, elles ne veulent pas être sur le radar des régulateurs des services financiers.

Ensuite, dans leur contrat avec les clients ces compagnies ont insisté sur la confidentialité.

 

Q. Vous n’étiez pas au courant de ces activités?

Il y a peu de chose que nous puissions faire si les gens ne viennent pas nous apporter des informations. On ne peut pas agir contre une compagnie qui n’est pas licenciée à la FSC. Nous n’avons pas ce mandat. Par contre, nous pouvons dire aux gens, regardez bien, faites attention de ce que vous êtes en train de signer. Si vous ne comprenez pas, prenez conseils.

 

Q. Vous avez pourtant agi contre Nirvi Management Company et Lotus Fund ?

C’est différent. Lotus Fund, comme son nom l’indique c’est un fond et Nirvi Management décide comment gérer le fond. Ils avaient une licence auprès de la FSC. Nous avons agi pour protéger les intérêts des clients. Il ne faut pas confondre avec Whitedot et Sunkai. Selon les informations de presse, l’une offrait 10 % de taux de rendement mensuel sur le dépôt. Sur dix mois vous recevez la totalité de votre capital. De même, celui qui apporte un client reçoit 10 % de commission. Cela ne peut pas marcher. Dans les Ponzi Schemes, il faut constamment de nouvelles liquidités.

 

Q. Quand un régulateur comme la FSC ne sait pas ce qui se passe à côté de son bureau, est-ce qu’elle peut savoir ce qu’il y a dans l’offshore dont vous être le régulateur aussi ?

En premier lieu, nous sommes là pour donner confiance aux investisseurs. Pour leur dire, voilà il y a telle et telle loi et il faut les respecter. Le régulateur doit également se conformer aux lois tout le temps. C’est ce qui donne confiance aux investisseurs. Nous sommes un Etat de droits et le régulateur n’y échappe pas.

 

Q. Nous poussons la question un peu plus loin. En tant que régulateur du centre offshore qui est présenté dans certains pays comme un paradis fiscal, quelle garantie nous donne la FSC qu’il n’y a pas d’argent sale, l’argent provenant d'une bande de mafias ou de trafiquants d’armes dans l’offshore mauricien ?

Personne ne peut donner une garantie à 100 %. Sur 1000 investisseurs vous pouvez tomber sur un qui contourne les lois. Une fois de plus, nous ne faisons qu’appliquer les lois qui ont été édictées. Nous nous assurons que les lois soient scrupuleusement respectées. Nous avons mis certains pays sur une «watch list» selon les engagements pris par Maurice aux Nations unies. On passe beaucoup de notre temps à surveiller certains noms.

 

Q. Vous fouillez dans la vie de certaines personnes ?

Je n’aime pas ce mot. Nous faisons très attention dans certains cas suspects. Nous surveillons les informations dans les journaux et lisons les avis ainsi que les publicités. Si quelqu’un nous alerte sur une personne, il y a toute une procédure à respecter pour faire des vérifications. Nous regardons toujours les sources de richesses d’une personne et les sources de financement. Il n'y a pas de mal à ce quelqu’un soit riche s'il a travaillé pour y parvenir.

 

D’autre part, les Nations unies demandent à surveiller toutes les personnes qui sont politiquement exposées. Nous respectons les lois du pays et les engagements pris par le pays aux Nations unies.

 

Q. Y a-t-il des leçons à tirer avec la série d’affaires qui défraie la chronique ?

Il y a toujours des leçons à tirer pour nous améliorer. Nous avons redoublé de vigilance, même si cela devait retarder nos activités. En termes d’échanges d’informations, nous allons  avoir des rencontres plus fréquentes avec la banque de Maurice. Au lieu de nous voir chaque trimestre, ce sera tous les mois. Nous communiquons davantage avec la police.

 

En ce qui concerne la recherche d’informations, nous avons augmenté notre effectif. Maintenant, il faut un plus grand effort national. Dans le secteur touristique, par exemple les hôtels pourront faire plus de KYC (Know your client) comme le font les banques. Dans le secteur financier, il nous faudra aussi un «Money Laundering Reporting Officer». Les entreprises devraient également songer à se doter d’un «Money Laundering Reporting Officer».

 

Q. Etes-vous satisfaite de vos partenaires, à commencer par la Financial Intelligence Unit ?

Whitedot et Sunkai n’ont pas de licence à la FSC. La FIU va se demander pourquoi faut-il échanger des informations sur des compagnies qui ne sont pas licenciées à la FSC et sur lesquelles vous n’avez pas d'autorité. Il y a d’autres organismes beaucoup plus appropriés, peut-être la Police, puisque ce sont des activités criminelles. Ce n’est pas dans nos compétences d’agir sur des compagnies qui n’ont pas de licence à la FSC.

 

Q. Il semble que le faible taux d’intérêts des produits bancaires a favorisé l’émergence des pyramides financières. Qu’en pensez-vous ?

En France et en Angleterre, il faut payer les banques pour qu’elles gardent votre argent. A Maurice le taux et de 4 ou 5 %. Cela peut paraître peu, mais c’est beaucoup plus qu’ailleurs. Et puis, pourquoi faut-il systématiquement faire fructifier votre argent. Vous pouvez garder ce que vous avez déjà économisé pour votre sécurité.

 

Vous ne pouvez pas toujours aller à l’encontre du marché. J’espère que les Mauriciens sont plus avisés maintenant. Mais il faut faire attention à d’autres systèmes.

 

Q.Y a-t-il d’autres chaînes de Ponzi ?

Je crois que les plus grosses ont été découvertes. Nous sommes sur d’autres pistes, mais elles sont de moindre envergure.

 

Q. Vous les traquez ?

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Nous travaillons tous jusqu’à fort tard. L’équipe de la FSC fait en ce moment un effort spécial, sans pour autant se détourner de son objectif premier qui est de réguler le secteur financier.