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Daden Venkatasawmy citoyen engagé :
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Daden Venkatasawmy citoyen engagé :
Les experts singapouriens, à Maurice depuis quelques jours, estiment que le tracé du métro léger doit être revu. Qu’est- ce que cela vous inspire ?
On étudie la question du métro léger depuis les années 70. Le tracé théorique du métro est resté quasiment le même depuis, mais le pays a drastiquement changé, économiquement comme démographiquement, et la population a changé ses habitudes de déplacement. Leur avis ne me surprend pas beaucoup. Faisons un parallèle simple avec le corps humain : le pays a un problème de circulation et, depuis près de 40 ans, on paye des experts pour renforcer notre colonne vertébrale. Le problème est systémique, mais on a payé à coups de millions des études purement techniques.
C’est le comportement des voyageurs qui doit changer, on appelle cela un changement adaptatif, pas technique.Nous avons clairement un manque de vision et de leadership sur le sujet depuis 30 ans, tous gouvernements confondus.
Parmi les contraintes soulevées, on cite les développements infrastructurels comme Ebène ou Bagatelle. Un nouveau retard en perspective, selon vous ?
Ce ne sont pas des contraintes, mais de nouveaux pôles de développement économique sur le trajet Curepipe– Port Louis, des endroits qui attirent des quantités importantes de population pour le travail ou le commerce. Il faut prendre en compte les nouveaux points de développement sans pour autant céder à des lobbies purement financiers. On imagine bien qu’Ebène et Bagatelle seront plus qu’intéressés à devenir des gares du futur métro. Un nouveau retard, je ne pense pas, les retards sont ailleurs. Il est même possible que ces espaces soient plus facilement et rapidement utilisables comme gares avec de grands parkings, notamment.
Doit- on penser que d’éventuels projets d’urbanisation, voire commerciaux, devront ou devraient être tenus en compte pour le tracé du métro ? Si oui, quelle est la logique derrière ?
En fait, c’est la logique inverse qui va s’appliquer : le tracé du métro ou de tout autre mode de transport de masse va encourager des projets d’urbanisation, commerciaux, business et même industriels. Comme plusieurs personnes et moi- même le disons depuis quelques années, le métro léger ( ou un train plus lourd) n’est pas fi nancièrement rentable en lui- même s’il ne sert qu’à faire voyager les travailleurs entre Curepipe et Port- Louis.
Il faut voir la rentabilité économique nationale : gains de temps au niveau des trajets, économies d’essence et de diesel, développements commerciaux et fonciers autour des gares, régénération économique autour des gares… La solution n’est pas seulement de mettre un métro, un train ou un bus, il s’agit de le faire avec une vraie logique d’aménagement du territoire.
Dans les considérations des experts, la Place d’Armes sera vraisemblablement exclue du tracé, alors que cette zone reste un point névralgique en matière de congestion routière. Ne risque- t- on pas d’être avec le même problème, une fois le métro lancé ?
La Place d’Armes n’est que l’un des points à problème. Si les voyageurs utilisent moins leurs voitures et plus un système de transport de masse, les points à problème seront soulagés.
Le métro léger, c’est une chose en soi. Mais quels sont les facteurs qui ne sont pas pris en compte et qui risquent de montrer que ce projet, à lui seul, pourrait ne pas résoudre le problème de congestion routière ?
Pour ce qui est du manque de vision et de leadership depuis 30 ans, les experts locaux ou étrangers ne pourront pas nous aider sur cet aspect. Le projet de métro ( ou de bus), s’il est limité à l’axe Curepipe– Port- Louis, ne va pas résoudre la congestion routière qui bloque déjà Rose- Hill, Quatre- Bornes, Centre- de- Flacq, Phoenix ou même Port- Louis.
Changer l’artère principale va aider, mais ne résoudra tous les problèmes.
Si j’ai un petit conseil pour les experts singapouriens, c’est de commencer par repenser toutes les lignes actuelles de bus. Cela soulèvera la résistance des compagnies actuelles, mais nous n’avons pas le choix. La vraie congestion, c’est le manque de vision, de leadership et de décision depuis près de 30 ans sur le sujet. Les vrais experts en transport, ce sont les voyageurs, il faut travailler et valider les solutions avec eux.
Pour finir, le plus important serait de consulter la population. Il suffi t de voir la croissance des taxis marrons et des « vans 15 places » pour constater que la population a mis en place des solutions informelles et effi caces pour se soulager, pendant que les décideurs tournent en rond depuis 30 ans.
La solution n’est pas de mettre un métro, mais de le faire avec une vraie logique d’aménagement du territoire.
 
 
 
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