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Danesswar Sarjua : «Nous pouvons devenir le deuxième Kenya en termes d’exportation de fruits et légumes»
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Danesswar Sarjua : «Nous pouvons devenir le deuxième Kenya en termes d’exportation de fruits et légumes»
L’exploitation des produits périssables doit se tourner de plus en plus vers l’Asie. Danesswar Sarjua, Secrétaire du Groupement des exportateurs, des producteurs et des transformateurs des produits agricoles (GEPTA), en est convaincu. Le pays doit s’en donner les moyens.
En 1982, vous êtes le premier Mauricien à s’aventurer, à titre personnel, sur le marché du périssable avec l’exportation d’une cargaison de 250 kilos de petits piments en provenance de Congomah vers La Réunion. Si nous devrions nous armer d’audace, quelle ambition serions- nous en mesure de nous fixer ?
Je dirais sans ambages celle de concurrencer le Kenya. Nous pouvons devenir le deuxième Kenya de la région.
Contre un géant avec un volume annuel d’exportation de quelque 110 000 tonnes de fruits et légumes ?
Il y a 25 ans, je prédisais qu’un jour, Maurice serait en mesure de concurrencer les letchis malgaches sur le marché européen. En 2012, mes prévisions se sont avérées vraies. Le volume de notre exportation était de 323 tonnes, celui de la Grande île, 400 tonnes. Nous menons la course au niveau de l’aspect esthétique, du prix et de la qualité de notre produit. La préférence pour notre produit est un acquis indiscutable.
Nous sommes parvenus à satisfaire les exigences rigoureuses du marché du périssable. Le nombre de vergers se multiplient. Nous exportons quelque 2 500 tonnes de fruits et légumes. Nous avons la capacité pour augmenter notre volume de production.
Que faut-il faire pour ajouter de la valeur à des produits qui ont déjà établi une solide assise sur le marché du périssable ?
Les planteurs de fruits, particulièrement ceux de letchi, doivent obligatoirement inclure dans leurs pratiques agricoles la suppression de branches inutiles et qui font de la concurrence à celles porteuses de fruits de qualité. La maintenance des vergers laisse à désirer par manque d’équipements appropriés. Une solution doit être trouvée.
La perte d’un marché en raison du non- respect des normes en ce qui concerne le taux de résidus autorisés serait dramatique pour la réputation de Maurice. D’où la nécessité pour l’Agricultural Research and Extension Unit ( AREU) d’intensifi er sa campagne de sensibilisation auprès des planteurs pour une utilisation raisonnable de stimulateurs de croissance.
La couronne de l’ananas, par exemple, est trop longue. L’ AREU devrait entreprendre des études pouvant déboucher sur la production d’ananas dont la longueur de la couronne correspond aux exigences du marché.
Seule l’introduction d’une subvention au niveau du fret aérien pourrait nous permettre de concurrencer à arme égale les principaux pays fournisseurs que sont Ste- Lucie ou la Guadeloupe. Avec une réduction de 50 % du fret, notre volume d’exportation pourrait passer de 175 tonnes à 1000 tonnes dans quatre ans. Il ne faut plus que les arrière- cours soient les seules sites de la culture de l’arbre à pain. La production doit se faire à grande échelle.
Vous êtes un fervent défenseur de la thèse selon laquelle le pays devrait s’intéresser davantage au continent asiatique. Pourquoi ?
Mon argument repose sur le fait que le pouvoir d’achat de la classe moyenne est passé de l’Europe au continent asiatique, notamment l’Inde et la Chine. La mobilité sociale entraîne un autre phénomène : la préférence pour des produits sophistiqués. Les produits importés en font partie. La seule façon pour nous de repérer les tendances futures en termes de consommation, c’est de participer à des foires sur l’alimentaire. C’est le rôle d’ Enterprise Mauritius , promoteur du label commercial mauricien à l’étranger.
La devise devrait s’articuler autour de notre détermination à faire mieux que nos concurrents potentiels.
Si nous ne disposons pas de variétés appropriées, il faut les importer et encourager les planteurs à les adopter.
Quels sont les obstacles qui empêchent les opérateurs mauriciens du marché mondial du périssable de relever leur niveau de performance ?
Je relève de façon discriminatoire, entre autres facteurs, l’absence de moyens devant nous permettre de pratiquer la pré-vente avancée.
C’est-à-dire, avant même que le produit ne soit mis en terre. Toutefois, une telle initiative ne saurait être mise en route sans l’existence d’un système d’information qui engloberait tous les éléments associés au marché du périssable. Il s’agit notamment du programme de culture étalé dans le temps, la date des récoltes, la spécificité des produits agricoles concernées, les régions impliquées dans les cultures, l’identité des planteurs, la superficie engagée, l’évolution de l’offre et de la demande sur les marchés, la fiche de souscription du producteur aux exigences phytosanitaires. Le manque d’incitations est un sérieux handicap.
Il n’y a aucune volonté de la part des autorités pour prévoir des facilités concrètes à tout opérateur désireux d’innover et de progresser. On aurait pu, par exemple, assouplir les conditions de certaines de ses obligations comme le coût de location d’un bâtiment.
Comment assurer un juste équilibre entre la demande du marché extérieur et celle du marché local ?
Cet équilibre est garanti par l’application des normes du marché extérieur. Tous les produits qui ne respectent pas les paramètres de ces normes et qui sont de bonne qualité sont livrés aux vendeurs locaux. Il n’y aurait pas de différences de prix si l’Etat décidait de mettre les marchands ambulants et ceux des marchés officiels sur un pied d’égalité en supprimant les obligations administratives des marchands des marchés.
 Entretien réalisé par Lindsay Prosper
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