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David Martial : «Le CAJAC a enregistré plus de 100 cas concrets de corruption»
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David Martial : «Le CAJAC a enregistré plus de 100 cas concrets de corruption»

Le membre du comité exécutif de Transparency Mauritius (TM) explique que le CAJAC permet de donner des conseils en toute confidentialité aux personnes victimes ou témoins de cas de corruption qui ne font pas totalement confiance aux institutions.
Qu’est-ce que le CAJAC ?
Le CAJAC, ou Centre d’assistance juridique et d’action citoyenne, est une structure créée par Transparency International pour permettre aux citoyens victimes ou témoins de cas de corruption d’avoir une assistance juridique et d’être conseillés quant aux démarches possibles pour dénoncer ces cas. L’équipe du CAJAC évalue le sérieux des dossiers afi n de voir s’il s’agit bien de corruption et aide la personne qui nous contacte à monter, éventuellement, un dossier pour l’Independent Commission Against Corruption (ICAC), la Mauritius Revenue Authority (MRA) ou la police.
Depuis combien de temps est-ilen activité et quel est son bilan à ce jour ?
Nous avons ouvert le CAJAC, avec sa hot line*, il y a un an environ, mais il est vraiment opérationnel depuis six mois.Nous avons eu de nombreux appels téléphoniques sur la hot line et enregistré un peu plus de 100 cas concrets de corruption.La moitié de ces cas ont été référés à l’ICAC et quelques-uns à la police. Cela démontre la réalité de la corruption à Maurice et offre un véritable levier à la population pour intervenir concrètement en vue de la dénoncer.
Le CAJAC n’est pas un concurrent ou un substitut à l’ICAC. Dans les faits, comment se défi nit la cohabitation entre les deux ?
Effectivement, le CAJAC n’a pas pour mission d’enquêter. Il sert d’intermédiaire entre les citoyens et l’ICAC. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec celle-ci. Pour la population, le CAJAC permet d’avoir un premier conseil en toute confidentialité. Les personnes victimes ou témoins de cas de corruption qui ne font pas totalement confiance aux institutions ou ne souhaitent pas avoir d’ennuis peuvent ainsi avoir une première assistance, des conseils, voire même un soutien pour monter solidement des dossiers si finalement ces personnes veulent poursuivre les démarches entreprises auprès de l’ICAC.
Pendant longtemps, on a reproché à «Transparency Mauritius » (TM) de miser trop sur la parole et pas suffisamment sur l’action. Le CAJAC vient-il défaire cette impression ?
Sans aucun doute. En réalité, nous avons toujours voulu être plus actifs. La première contrainte est le manque de ressources et de temps. Pendant longtemps, TM a fonctionné de façon complètement bénévole. Aujourd’hui, nous avons des employés à plein temps et la structure du CAJAC pour agir véritablement. La seconde contrainte est la difficulté de prouver des faits de corruption. Nous sommes une organisation sérieuse. Même si nous avons des doutes sur des cas spécifiques, nous ne pouvons condamner publiquement des personnes sans preuves solides. Le CAJAC permet aussi de constituer dès le départ des dossiers consistants pour l’ICAC.
Est-ce être trop optimiste de dire, au fil des scandales dévoilés, des manifestations citoyennes ou des initiatives comme le CAJAC, que la population a levé le tabou et rejette la corruption ?
Je ne serai pas aussi indulgent envers la population. Si la corruption existe à Maurice, c’est qu’il y a bien des corrupteurs et des corrompus. Beaucoup de Mauriciens acceptent la corruption comme une réalité et l’utilisent dans le but d’arriver à leurs fi ns. Le clientélisme politique est également une forme de corruption très fréquente à Maurice que nous dénonçons sévèrement. Cependant, il est vrai qu’il y a un réveil des consciences chez beaucoup de Mauriciens.
La marche des 15 000 jeunes ou encore ce congrès à l’université de Maurice sont des exemples d’actions concrètes des citoyens pour dire «non» à ce fléau et continuer à sensibiliser la population et l’encourager à refuser la corruption.
De par la nature du CAJAC, est ce exact de dire qu’il s’adresse aux démunis, que ce soit en termes juridiques ou financiers ?
Le CAJAC est ouvert à tout le monde mais, bien entendu, grâce à l’assistance gratuite qui est apportée, il sera d’autant plus utile aux personnes qui n’ont pas de connaissances précises au sujet de la loi ou de ressources pour faire appel à un avocat.
Corruption et pauvreté : deux problématiques qui, de par leur histoire et leur persistance semblent intimement liées. Est ce le cas et pourquoi ?
Les victimes finales de toutes les formes de corruption sont toujours les plus démunis. Les trafics d’influence et les cas de corruption dans les marchés publics ou le «procurement» dans le secteur privé favorisent forcément les moins méritants. Ces cas de corruption ont des conséquences néfastes pour notre sécurité, les prestations de santé ou d’éducation publiques, le niveau des infrastructures, la performance des entreprises ou des départements de l’Etat, en raison de l’absence de méritocratie dans ce type de transactions. A long terme, la corruption entraîne toujours plus d’exclusion sociale en favorisant ceux qui ont les moyens de payer.
Propos recueillis par Ludovic AGATHE
 
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