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Denis Vellien , président de l’ « Equal Opportunities Tribunal »

3 janvier 2013, 07:19

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Parlez- nous du rôle de ce tribunal.

Un plaignant doit, conformément à l’ Equal Opportunities Act , déposer une plainte devant l’ Equal Opportunities Commission . Après investigation, si la commission parvient à la conclusion qu’il n’y a pas de preuve de discrimination, elle informe les deux parties qu’il n’y aura pas de suite.

Au cas contraire, la commission procède d’abord par voie de conciliation en privé. En cas de réussite, un accord rédigé par la commission et signé par les deux parties est enregistré à l’ Equal Opportunities Tribunal . En cas d’échec, la commission rédige un rapport contenant ses recommandations et le fait parvenir aux parties concernées. Un des parties peut, dans un délai de 45 jours, informer la commission si la plainte a été résolue ou pas.

Sinon, cette dernière, avec l’accord du plaignant, doit immédiatement référer la plainte au tribunal.

Le tribunal est une institution complémentaire ayant pour objectif de combattre la discrimination et promouvoir l’égalité des chances. Il est investi d’un pouvoir considérable allant jusqu’à l’imposition d’une compensation ne dépassant pas Rs 500 000 au cas où l’action discriminatoire a été prouvée. Le tribunal peut aussi faire des recommandations, comme demander à la partie défenderesse de prendre des mesures afi• de réduire l’effet nuisible de toute action discriminatoire envers le plaignant.

Combien de cas avez- vous traité depuis la création de l’ « Equal Opportunity Tribunal » ?

Nous n’avons pas eu de cas référé par la commission pour être jugé. Cependant, je dois préciser que nous avons eu trois accords déjà enregistrés au tribunal et cinq autres sont en voie d’aboutissement.

Pourquoi n’y a- t- il pas de cas entendu devant ce tribunal ?

À mon avis, il y a deux raisons principales.

La première est que, pour arriver jusqu’au Tribunal, il faudrait d’abord que la plainte soit jugée recevable auprès de la commission. C’està- dire il faut la preuve qu’il y a eu acte discriminatoire et que la plainte ne peut être résolue par conciliation, ou que la commission a essayé de la résoudre par conciliation, mais en vain. Je pense que les multiples épreuves de conciliation réduisent les possibilités de saisir le tribunal.Deuxièmement, je suis persuadé que l’existence et les pouvoirs énormes du tribunal ne sont pas connus du public. Ce travail de vulgarisation ne doit pas être fait par le tribunal lui- même mais par d’autres institutions gouvernementales.

Qu’est ce qui a changé depuis la création de ce tribunal et l’introduction de la loi ?

Beaucoup de choses ont changé. Le public en général est maintenant conscient de son droit à l’égalité des chances et à la protection contre la discrimination. Les gens connaissent aussi l’existence des institutions compétentes pour entendre leurs revendications. D’autre part, les employeurs et le patronat sont en général conscients qu’une maladresse dans ce domaine peut avoir des conséquences graves. Par ailleurs, le rapport intérimaire de la commission cite le chiffre de 205 plaintes examinées par la commission. Ce chiffre démontre clairement que le public fait confi ance aux institutions nouvellement créées pour combattre la discrimination et promouvoir l’égalité des chances et n’hésite pas à les saisir.

Est- ce que le tribunal a sa raison d’être puisque les litiges sont résolus devant la commission ?

Evidemment. Par l’étendue de ses pouvoirs, le tribunal a sa raison d’être. Une plainte déposée devant la commission peut fi nalement être entendue devant le tribunal. L’existence même d’une possibilité de se retrouver devant le tribunal incite bien souvent les parties à faire de leur mieux pour arriver à une résolution à travers la commission qui prône généralement des conciliations en privé. Les parties, surtout le secteur commercial, veulent éviter le passage au tribunal pour des raisons évidentes, entre autres la protection de leur image au cas où ils sont trouvés responsables d’une action discriminatoire. De plus, c’est une chose d’être sommé par un tribunal de payer une compensation monétaire après avoir été trouvé coupable d’une action discriminatoire et c’est une autre d’accepter de payer une somme d’argent à une personne en vue d’un accord à l’amiable. Les deux n’ont pas les mêmes effets juridiques et dissuasifs à l’égard du public.

Dans le cas de Mega Gunputh, la commission était impuissante. Est- ce que le tribunal aurait pu intervenir ?

Je ne connais pas les détails de l’affaire Gunputh, mais en lisant les extraits de la décision de la commission publiés dans le rapport intérimaire, je pense que la question d’impuissance de la commission ne se pose pas. Après avoir entendu les deux parties, la commission est parvenue à la conclusion que le plaignant n’a pas pu fournir les preuves d’actes discriminatoires relatifs à son « statut » . De ce fait, la commission a statué que Monsieur Gunputh n’a pas de « ground for complaint » conformément à l’article 31 de l’ Equal Opportunities Act . Par conséquent, elle n’a pas donné suite à cette affaire. Dans ces circonstances, la possibilité d’intervention du tribunal est inexistante. Il faut se rappeler que pour saisir le tribunal, il faudrait au préalable que l’acte discriminatoire allégué dans la plainte soit prouvé devant la commission, ce qui n’était pas le cas de Monsieur Gunputh.

Dans un rapport préliminaire, la commission parle d’un amendement à la loi afin de permettre d’intervenir dans des cas concernant les fonctionnaires. Êtesvous de cet avis ?

Bien sûr. Une loi de cette importance doit pouvoir protéger tous les citoyens de Maurice. A l’Assemblée nationale lors des interventions, il était clair que cette loi s’appliquerait à tous les citoyens mauriciens. Un amendement, si nécessaire, est tout à fait louable. Cependant, il faudrait examiner toutes les implications par rapport aux dispositions constitutionnelles déjà en vigueur concernant une catégorie de fonctionnaires. La contribution du judiciaire sur ce sujet doit être prise en considération. Hélas dans la mesure où la plainte de Monsieur Gunputh a été rejetée par la commission, la Cour Suprême n’aura pas la possibilité, via le tribunal, de se prononcer sur ce sujet.