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Dinesh Hurreeram : « La recherche constitue un gros manquement de l’université de Maurice »

21 juin 2010, 10:55

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Le président de la University of Mauritius Academic Staff Union se prononce sur les possibilités de recherche et des cours du soir sur le Campus de Réduit. 

 

? Le ministre de l’Education tertiaire et de la Recherche, Rajesh Jeetah, propose d’étendre les cours jusqu’à 22 heures. Que pensez-vous de ce programme ?

On a l’impression que le ministre Jeetah veut aligner l’éducation tertiaire sur la norme internationale. Cependant, le plan Jeetah n’est pas un plan à court terme il est plutôt à long terme. Possiblement dans dix ou quinze ans, mais pas maintenant. Il ne met en place que la base. Cela dit, ce plan-ci ne repose pas que sur lui. Il dépend d’autres ministères, comme celui des Infrastructures publiques.

Il faut aménager le climat de sorte que les étudiants voudront rester jusqu’à fort tard à l’université. De plus, il faut revoir le système de transport de même que celui de la sécurité. La bibliothèque de l’université ne reçoit que dix étudiants entre 18 heures et 20 heures. La raison réside dans le manque de disponibilité de transport à ces heureslà. Si les logistiques ne sont pas disponibles, le projet ne marchera pas.

? Quelles sont les raisons expliquant le manque de travaux de recherche à l’UoM ?

La recherche constitue un gros manquement de l’université. Les raisons sont le manque de temps des chargés de cours et le manque de personnel. En effet, les chargés de cours doivent enseigner, corriger des copies et aussi effectuer des travaux administratifs. Le ratio des chargés de cours aux étudiants est en moyenne d’un pour 34. Pour certaines facultés, comme celles de Law and Management et d’Engineering, le ratio est presque d’un chargé de cours pour 50 étudiants.

En conséquence du nombre d’étudiants, l’enseignement dévore tout le temps des chargés de cours. Il est à noter qu’il y a 80 postes vacants pour des chargés de cours.

En outre, peu nombreux sont ceux qui veulent être des Research assistants, car ils ne sont pas bien rémunérés. Aussi, les plus intelligents des étudiants ne veulent-ils pas travailler comme tels : ils obtiennent facilement un emploi bien rémunéré ou tout simplement ils ont de meilleures perspectives d’emploi à l’étranger. Or, un universitaire ne peut à lui seul effectuer des travaux de recherche.

Il doit impérativement avoir une équipe. Dans les universités étrangères, le chargé de cours dirige les travaux et ce sont les étudiants qui préparent leur thèse de doctorat qui les font et qui sont rémunérés. Pourtant ici, on doit payer l’université pour pouvoir y faire des travaux de recherche. Les étudiants n’ont pas vraiment cette culture de la recherche. J’espère que les Rs 100 millions que Rajesh Jeetah vient de mettre à notre disposition encourageront plus de personnes à réaliser des travaux de recherche. J’espère aussi que le ministre n’a pas diminué le budget pour l’université en créant ce fonds pour les recherches.

? Partagez-vous la préoccupation de plusieurs de vos collègues sur la qualité des étudiants qui auront accès à l’université sous le programme Jeetah ?

Depuis des années, tous les gouvernements ont mis la pression sur l’université de Maurice pour qu’elle augmente le nombre d’étudiants. De ce fait, le niveau pour être admis à l’université a baissé.

Alors, ces étudiants qui ont eu de faibles résultats au Higher School Certifi cate prennent sept ans, au lieu de trois ans, pour terminer leurs études tertiaires. Toutefois, il est faux de dire qu’on abaisse la qualité à l’université. On ne baissera jamais la qualité de l’enseignement pour faire réussir tous les étudiants. Même les examinateurs externes nous félicitent sur la qualité de notre enseignement.

C’est une noble idée d’avoir un diplômé par maison, mais n’oublions pas que, dans le futur, ces élèves qui détiennent un School Certifi cate ou qui ont réussi à une seule matière à l’Advanced level deviendront des médecins, des avocats, des ingénieurs et des enseignants, entre autres. L’accès à l’éducation tertiaire doit être élargi, mais avec un standard minimum.

? A l’université, il y a plusieurs chargés de cours à temps partiel qui n’ont aucune expérience de l’enseignement et qui n’arrivent pas à enseigner…

Il y a de nombreux chargés de cours à temps partiel et ils apportent leur expérience du monde professionnel aux étudiants. L’université est obligée de recruter des part-timers pour pyallier le manque de chargés de cours à plein temps ou des chargés de cours contractuels.

? N’est-ce pas farfelu ce nombre qu’avance le ministre de 100 000 étudiants étrangers qui feront leurs études tertiaires à Maurice ?

Ce nombre n’est pas facile à atteindre. Où va-t-on installer tous ces étudiants ? A ce jour, il n’y a qu’une résidence près de Réduit qui peut accommoder seulement 100 étudiants. Des campus résidentiels doivent être construits par le Public Private Partnership.

? Est-ce que les cours de l’UoM répondent aux attentes suscitées par la situation économique et sociale à Maurice ?

Nous avons deux types de cours. D’une part, il y a les cours conventionnels qui existent dans toutes les universités, tels que le LLB, le Management et la Mechanical Engineering. D’autre part, nous avons de nombreux nouveaux cours, surtout dans la faculté d’agriculture, à l’exemple de la marine science et de la biotechnologie.

? Parlez nous du grave problème d’espace à l’université.

En effet, l’espace est un grave problème. L’administration planifi e le nombre d’étudiants par salle d’après le nombre total d’étudiants admis à un cours. Pourtant, ce sont les redoublants qui fi nissent par augmenter le nombre d’étudiants par salle. Peut-être la planifi cation doit-elle se faire en avance.

L’UoM, avec ses infrastructures existantes, a déjà dépassé sa capacité d’accueil du nombre d’étudiants présents. On ne pourra pas augmenter le nombre d’étudiants. La meilleure chose à faire est de construire une autre université avec plus d’espace. Il faut faire ressortir que le manque d’espace concerne aussi le personnel de l’université.

? Qu’en est-il du manque de livres à la bibliothèque et d’équipements dans les laboratoires ?

Il faut faire un audit des équipements et ordinateurs pour savoir combien il en manque et aussi combien ne sont pas à la pointe de la technologie. L’université de Maurice doit investir dans les équipements dernier cri. Concernant les livres, je sais que le Head librarian demande aux chargés de cours les livres qu’il leur faut.

L’éducation tertiaire était négligée par les ministres de l’Education qui se limitaient à donner des fonds à ce secteur. Maintenant, nous avons notre propre ministre. Jeetah propose un plan fabuleux. Cependant, si Jeetah a à coeur le sort de l’éducation tertiaire, son plan ne doit pas rester en termes de propositions. J’espère que, contrairement à Sithanen, il concrétisera son plan sur l’aménagement d’un campus à Côte-d’Or qu’on attend toujours.

De plus, il faut souligner que Rajesh Jeetah n’a qu’un plan, qu’une vision, mais on en attend la concrétisation claire et nette.

Esha DWARKA