Publicité

Dr Shyam Sungkur : « Le public devrait plutôt aller aux dispensaires »

22 juillet 2010, 12:01

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

L’ancien Chief Medical Officer livre ses idées sur la santé et les pratiques médicales à Maurice.

 

Dr Sungkur, quel est votre avis sur la planification et la gestion de la santé à Maurice ?

L’administration médicale s’occupe de la mise en place et de la planification des directives du gouvernement en matière de santé. Il est à noter, cependant, qu’à chaque fois qu’il y a un nouveau ministre, celui-ci a sa propre manière de travailler, tout en répondant aux demandes du public. En outre, la planification par des experts de l’administration existe mais, avec le temps, les attentes du public ont changé, de gouvernement en gouvernement, et même les maladies ont évolué.

Ainsi, il y a 15 ans, il n’y avait pas de virus H1N1. On découvre aujourd’hui de nouvelles maladies et le gouvernement se doit de répondre aux attentes de la population. Toutefois, il n’est pas seul, les experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève le soutiennent. Ils ont les connaissances et la capacité de formuler des stratégies pour tous les pays du monde. Nous avons besoin de cette connexion pour nous guider. The question is not to reinvent the wheel. L’OMS est là pour préparer les experts médicaux et le gouvernement mauriciens. Elle peut également mettre à notre disposition des médicaments et des vaccins. Nous devons utiliser cette voie, comme le font de nombreux autres pays.

Dans le cas du H1N1, il est faux de dire que le gouvernement ne fait rien il fait son maximum. La machine doit se mettre en marche et l’OMS apportera aussi son aide. Lorsqu’il y a de nouvelles infections et épidémies, chaque population ne réagit pas de la même façon, voire chaque individu. Si quelqu’un doit mourir, cela se produira en Europe comme à Maurice. Ce n’est pas nécessairement imputable à l’erreur d’un médecin ou à la négligence d’un infirmier. Cependant, le public n’est pas très coopératif et les recommandations ne sont pas suivies. Par exemple, il est difficile de faire accepter à une mère dont l’enfant est fi évreux ou grippé de ne pas l’envoyer à l’école.

Aujourd’hui, on peut entendre certaines critiques par rapport à l’effi cacité des hôpitaux et les personnes se tournent de plus en plus vers les cliniques privées. Vous avez été «Chief Medical Officer», que pensez-vous qu’il faudrait faire pour décongestionner et éventuellement réorganiser les services de santé à Maurice ?

Les hôpitaux sont bondés car pour une grande partie du public, c’est le seul endroit où l’on peut recevoir des soins. Pour cette catégorie de personnes, les cliniques sont, en effet, trop chères. Les gens qui arrivent dans les hôpitaux devraient toutefois être canalisés et un suivi effectué.

Tous les cas de grippe ne seront pas mortels, c’est évident, d’où l’importance d’un suivi approprié. Il existe des overwhelming diseases partout, à Maurice comme dans les pays développés comme les Etats-
Unis ou le Canada. Les hôpitaux sont pleins mais le gouvernement fait un effort spécial, surtout en  offrant à tout le monde la possibilité de se faire vacciner. Néanmoins, il faut savoir que le vaccin ne  fonctionne pas à 100%.

Par ailleurs, la collaboration du public - qui a la mauvaise habitude de ne pas aller aux dispensaires - est primordiale. Autrement, se créent des situations de congestion où il y a de nombreux patients et peu de temps aux médecins pour chaque cas. Alors que les gens peuvent recevoir les mêmes soins deryer  zot lakaz, ils iront à l’hôpital pour enn ti boubou.

Quels sont pour vous les problèmes que rencontrent les hôpitaux aujourd’hui ?

Comme je vous l’ai dit, le premier problème reste la congestion. Le public doit comprendre qu’il ne doit pas occuper inutilement les hôpitaux. Les médecins qui y sont ont les mêmes compétences que ceux des centres de santé. Dans un dispensaire, au coeur d’une localité, un patient peut recevoir des soins  plus rapidement et un meilleur service. On doit cesser de dépendre uniquement des hôpitaux.

Dans les cas de pneumonie, il peut toujours y avoir des complications, surtout en raison de la contagion, de l’exposition au froid, à la foule. Or, les précautions ne sont pas prises et les traitements deviennent plus difficiles. Il est surtout dur de convaincre des parents de garder leurs enfants à la maison. Dans ces circonstances, la propagation des maladies se fera beaucoup plus vite.

Comment mieux communiquer et mieux informer les patients ?

On savait que ces nouvelles infections allaient venir. Il suffit de lire le bulletin quotidien de l’OMS et de transmettre les directives aux médecins. Il est nécessaire que le travail de suivi et de partage de l’information soit bien fait.

Les visites d’infi rmiers à domicile pour suivre des patients en cours de traitement sont des pratiques à renforcer. Dans des cas graves, il est ainsi possible d’éviter la propagation dans une famille. C’est peut-être une des faiblesses du système de la santé à Maurice, même dans le privé. Il faut aller voir le patient chez lui. Les pensionnaires peuvent déjà bénéfi cier de ce service à domicile. En effet, les vieilles personnes se négligent et sont souvent négligées et recevoir la visite d’un médecin chaque semaine change les choses.

A l’hôpital, il faut aussi communiquer avec les malades mais ce n’est pas suffi sant il faut que le patient et les personnes qui s’en occupent soient informés de manière claire et intelligente. Malgré tout, dans tous les pays, il y aura toujours des casualties et des décès.

Que pensez-vous de la formation des médecins et des personnels de santé à Maurice? Le coût des études de médecine à l’étranger devient de plus en plus dissuasif…

There is room for improvement, mais le matériel existe. Il faut cependant plus de guidelines pour former le personnel. La médecine est vaste et on ne peut tout savoir. Il faut donner la chance aux médecins et infi rmiers de se reskill. La formation continue est très importante et doit être planifiée. Ce qui est d’autant plus important pour les patients.

C’est également beaucoup moins coûteux de se former à Maurice. Avec Internet, qui est un formidable outil, tout est possible, en matière de distance learning. Il faut se donner les moyens d’avoir des écoles de médecine postgraduate. Il est aussi nécessaire de s’affilier à une université étrangère de réputation internationale. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire des modules à Maurice ou faire venir ici des professeurs pour enseigner. D’ailleurs, certains grands professeurs, médecins et chirurgiens mauriciens à l’étranger pourraient nous faire profiter de leur expérience et de leurs compétences.

Cela ne doit pas coûter cher et il est même possible d’abaisser le niveau d’entrée pour commencer des études de médecine, pourquoi pas ? Il faut trouver une formule permettant d’aider les jeunes qui n’ont pas les moyens de faire des études. C’est d’abord une question d’organisation.

 

Entretien réalisé par ADISH MAUDHO

 

ADISH MAUDHO