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Eric Guimbeau : « Il ne fallait pas donner autant de tickets au MSM ! »

22 avril 2012, 11:34

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Eric Guimbeau a tenu tête à Paul Bérenger et a refusé d’être partie prenante du «remake» de 2000. Si certains disent que c’est à cause du business familial, le leader du MMSD explique qu’il est temps que les petits partis et de nouvelles têtes émergent en politique.


La page Mouvement militant mauricien (MMM) est donc bel et bien tournée ?

Ecoutez, le remake est fait et c’est l’affaire du MMM et du Mouvement socialiste militant (MSM). A l’époque, j’étais membre du MMM. Mais les choses ont changé, puisque je n’en fais plus partie. Aujourd’hui, je suis un partenaire du MMM.

Selon Paul Bérenger, si on dit l’alliance MSM-MMM-MMSD, cela vient brouiller le message…

Ayo papa. L’alliance du coeur MMMUN-MMSD ne brouillait pas le message ? Si j’accepte cet argument, cela veut dire que j’accepte que le MMSD est quantité négligeable. Cela équivaudrait à retourner à la case départ.

Mais, le MMSD n’est-il pas Eric Guimbeau ?

Non, et c’est justement ce que je veux faire ressortir ! Nous avons plusieurs camarades au MMSD c’est pourquoi nous avons proposé la candidature de Radhika Jagatsingh-Beehuspoteea. Maintenant, nous avons tourné la page et nous allons consolider le MMSD à Curepipe, puisque nous y avons déjà une base. Notre but, à court terme, est de pouvoir aligner trois candidats dans au moins une circonscription.

Ce que Bérenger veut, en fait, c’est que vous intégriez le MMM ?

Oui, ils m’ont demandé de retourner, mais j’ai dit non. Le problème, c’est que si le MMM donne un de ses tickets au MMSD, il lui en reste 29, et c’est déjà en train de créer un malaise. Maintenant, je viens lui en demander un deuxième !

C’est vrai que c’est un peu effronté de votre part de demander deux tickets. D’autant que le quota du MMM a été divisé par deux, alors qu’en 2010, il avait 60 tickets…

Oui, mais le MMSD est un partenaire du MMM et c’est légitime d’aspirer à grandir comme parti politique. Tout ce que je demande, c’est un ticket de plus. Nous avons fait nos preuves, nous avons été loyaux et en plus, nous avons fait un score honorable aux dernières élections.

On est bien d’accord, mais je dis cela dans le contexte où le MMM lui-même a vu son quota réduit par 50 % !

Peut-être que, dans ce cas-là, il ne fallait pas donner autant de tickets au MSM ! Mais bon, j’imagine qu’à ce moment-là, le remake n’aurait pas été fait. C’est dommage qu’on n’ait pas décidé d’attendre un peu. L’Alliance du coeur a fait 44 % en 2010 et je crois vraiment qu’on aurait pu améliorer ce score aux prochaines élections, car il est impensable que le Parti travailliste et le MSM se remettent ensemble. Ce qui aurait facilité une éventuelle victoire de l’Alliance du coeur. Bérenger en a décidé autrement et je respecte sa décision.

 Serait-ce, finalement, une question d’orgueil qui fait que vous avez, aujourd’hui, tourné la page ?

Certainement pas. C’est une question de principe. Nous avons un mouvement, le MMSD, et nous avons une identité. Il faut que les gens comprennent que le MMSD n’est plus Eric Guimbeau.
Vous savez, on dit qu’il faut que les petits partis émergent, que les femmes fassent de la politique. Mais, on écrase le petit parti qui essaie de montrer sa tête, on écrase les femmes qui essaient de monter. Et, finalement, il va toujours rester les mêmes deux gros blocs. Nous, nous venons les mains propres, la vision claire, mais dès qu’on vient avec de nouvelles têtes, fou twa deor. C’est pour cela que je n’ai pas cédé. J’irai jusqu’au bout. Monn met mo latet lor bio, no problem. Ticket ? Pa kas latet.

 Le problème vient du fait que tous ceux qui ont jusqu’ici créé leur parti, comme Anil Bachoo et Madun Dulloo, l’ont vite dissous dès qu’ils ont eu des tickets.

La différence entre eux et moi, c’est que je ne vais pas rentrer dans les rangs. Je ne vais pas dissoudre mon parti. Par contre, parce que nous sommes un vrai parti, même s’il est petit, nous organiserons un congrès, le 1er Mai, à l’hôtel de ville de Curepipe. Ce que je veux faire comprendre, c’est que si je ne pensais qu’à mes intérêts, j’aurais pris mon ticket du MMM, j’aurais dit merci j’aurais dit : «Radhika sori, enn lot kout nou get twa, bann lezot kamarad, monn gayn mo ticket, nou al ek MMM.» Mais, ce n’est pas mon style. Ils ne vont pas casser le MMSD, comme ils ont cassé les autres petits partis.

 L’ironie dans cette affaire, c’est que c’était vous, le premier, qui aviez fait un appel de pied au MSM de la part des Mauves, alors qu’ils étaient toujours au gouvernement. Et, maintenant que l’alliance est faite, vous n’y êtes pas !

(Rires…) En effet, mais cela fait partie du jeu politique. Laissons la situation évoluer entre-temps, je vais siéger en indépendant au Parlement.

Et, qui pourra compter sur votre vote au Parlement ?

Mo na pa pou rant dan okenn sega. Je vais voter selon mes convictions.

Vous êtes certainement conscient que le gouvernement voit d’un très bon oeil votre problème avec le MMM. Pourront- ils compter sur vous ?

Non. On verra après.

Vous a-t-on approché du côté du gouvernement ?

Ah oui, beaucoup. Et, quand Steven Obeegadoo m’a appelé, je lui ai dit que le MMM a ouvert une porte et qu’ils vont me harceler maintenant ! Mais, je vais siéger en indépendant je ne suis pas pressé puisque les élections sont dans trois ans.

 Pensez-vous pouvoir retravailler avec Navin Ramgoolam ?

(Hésitations…) Je ne sais pas. La situation actuelle est très sale. Il faut attendre et voir. Je ne peux pas me permettre de prendre des décisions hâtives, au risque que les gens disent que je suis instable.

Certains disent que vous avez tourné la page «remake», parce que votre business familial ne peut se permettre de se mettre le gouvernement à dos …

J’ai aussi entendu dire cela. J’imagine que c’est à cause de la présence du Premier ministre à Saint-Aubin, lors du lancement d’un projet intégré. Nous l’avons invité parce que le projet s’inscrit dans le cadre de l’initiative Maurice île durable. Mais bon, si des gens ont envie de faire de la politique avec cela, c’est leur problème !

Le business des Guimbeau n’a pas souffert de votre association avec l’opposition ?

Non, pas du tout. Cela n’a rien à voir avec la politique. Il y a eu des investissements, mais cela n’a rien à voir avec le gouvernement. Si nous avons souffert, c’est à cause de certains dans le secteur privé et certainement pas à cause du gouvernement. Il ne faut pas se tromper là-dessus. C’est trop facile de faire cet amalgame.

Pourquoi certains dans le secteur privé vous voudraient-ils du mal ?

Ah ! Le business, c’est la jungle et je peux vous dire que c’est pire que la politique. Surtout le monde des finances. Ayo ! Maintenant, si certains veulent politiser cela, fer piblisite pou rhum St Aubin, mo bien kontan !

Au-delà de vos problèmes avec le MMM, que pensez-vous du «remake» ?

(Sourire…) On me dit de regarder l’avenir, mais on me renvoie en 2000 ! C’est sûr qu’on a eu un joli bilan, les choses marchaient. Il y a cette nostalgie-là, mais douze ans après ? Je ne suis pas là pour critiquer, j’ai beaucoup de respect pour Paul Bérenger et sir Anerood Jugnauth. Du reste, on a déjeuné avec lui et Lady Sarojini à Bois-Chéri récemment et on a bien ri. Vous savez, il y a l’amitié et il y a la politique. Je ne suis pas de ceux qui laissent la politique gâcher l’amitié.

 Et comment voyez-vous le fait que Pravind Jugnauth, qui est leader d’un parti, a désormais un rôle secondaire ?

Je me suis posé la question quand j’ai vu les photos de la conférence de presse : Paul et Anerood devant et Pravind derrière. Alors, je me suis dit : «Be Eric, dan remake la kot to ti pou ete twa ?» Il y a quelque chose qui n’est pas normal. En tout cas, moi, je ne suis pas à l’aise.

Propos recueillis par Deepa Bookhun (lexpress, samedi)