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Geoffrey Robertson, QC : «Ma relation avec le premier ministre n’influence pas mes opinions
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Geoffrey Robertson, QC : «Ma relation avec le premier ministre n’influence pas mes opinions
Son rapport sur les médias a été retardé à cause des développements en Grande-Bretagne sur la réglementation des médias et sur la vie privée. En attendant, Geoffrey Robertson regrette l’absence des juges à la conférence sur les médias, boycottée par le gouvernement.
? Vous avez été l’intervenant principal à la conférence sur les médias et vous avez été témoin de la tension entre le gouvernement, les organisateurs et le président de la République. Vos sentiments ?
Oui, oui, j’ai compris qu’il y avait des tensions.
? Cela vous a-t-il embarrassé, étant donné votre proximité avec le Premier ministre ?
(Un peu agacé…) Je suis au-dessus de tout cela. Ma relation avec le Premier ministre n’influence pas mes opinions. Ce serait absurde que je prenne une position politique ou partisane, car je serai critiqué à l’échelle internationale. J’interviens lors de conférences internationales, mes livres sur le droit des médias sont des références en Grande-Bretagne et si je donne l’impression de faire des fleurs au Premier ministre, ma réputation risque d’en pâtir.
? A-t-on tenté de vous faire savoir que le gouvernement n’était pas très heureux de la tenue de cette conférence et de votre participation ?
Non. Je n’ai eu aucune indication à cet effet. Au contraire. Ce n’est pas l’absence du gouvernement à cette conférence qui m’étonne, mais l’absence des juges. Si cette conférence avait eu lieu n’importe où dans le monde, les juges auraient été présents.
Mais bon. Dans une petite société, les rumeurs et les palabres se développent vite.
J’essaie de garder mes distances par rapport à tout cela. Mais je peux vous dire que le Premier ministre était heureux que je participe à cette conférence.
? Les rumeurs disent qu’une première ébauche de votre rapport aurait été rejetée par le Premier ministre. Vous confirmez ?
Non, ce n’est pas vrai.
? Depuis qu’il vous a commandé ce rapport, vous avez eu des rencontres occasionnelles avec le Premier ministre. A-t-il partagé ses inquiétudes et sa frustration en ce qui concerne la presse ?
Il est très relax. Il m’a accordé une totale liberté pour rédiger le rapport. Ma mission est de faire une proposition qui aligne le droit des médias aux principes fondamentaux des droits humains de la convention européenne.
Mes propositions ne se limiteront pas à la régulation, mais s’attacheront à revoir toutes les lois ayant trait aux médias. Mon rapport sera long, je vous préviens ! Mais la décision finale ne me revient pas, ce sont les parlementaires qui décideront et qui voteront.
? Votre réputation permet de supposer que vos propositions auront un fort parti pris pour la liberté d’expression ?
J’ai passé ma vie à défendre la presse.
? Et c’est pour cela que beaucoup ici sont surpris que le Premier ministre vous ait contacté pour le conseiller sur les médias.
(Rires…) Ah bon ? Les gens sont surpris ?
? Le Premier ministre fait de jolis discours, mais dans la pratique, c’est le contraire qui se passe.
Il y a un dicton qui dit que «the proof of the pudding is in the eating». Donc, attendons voir ! L’engagement du gouvernement en faveur de la liberté d’expression va pouvoir être testé quand mon rapport sera rendu public. J’ai déjà donné quelques indications sur ce que contiendra le rapport : l’abolition de la loi sur la sédition (soulèvement contre l’autorité, NdlR) et l’introduction d’une Freedom of Information Act, entre autres.
? Et le Premier ministre sait que vous recommandez cette loi ?
(Rires...) Il l’a su suite au reportage que vous avez fait de mon discours lors de la conférence sur les médias. Il sait ce que je pense de la chose et il m’a encouragé à aller de l’avant avec mes propositions. Mais je ne peux pas vous dire s’il sera d’accord avec mes recommandations finales. Attendons voir !
? Le Premier ministre est un fan de rapports, mais très souvent, ils finissent dans un tiroir...
(Rires…) C’est vous qui le dites. Je ne sais pas si ce sera le cas en ce qui concerne mon rapport. Mais je sais que le gouvernement va présenter un nouveau programme en avril, j’imagine que mention sera faite de la réforme des lois sur les médias. Ce sera probablement la première indication de ce que pense le gouvernement à ce sujet.
? Vous avez consacré beaucoup de temps et d’énergie à travailler sur ce rapport. Ne vous demandez-vous pas ce qu’il en adviendra ?
Ce sera au peuple de Maurice de décider.
Je suis entré en scène quand le Premier ministre s’est inquiété de la 59e place de Maurice au classement mondial de la liberté de la presse.
? C’est la raison qu’il vous a donnée pour justifier la réforme de la loi sur les médias ?
(Sourire…) Vous êtes en train d’essayer de savoir ce que le Premier ministre a pu me dire ! Mais ce n’est un secret pour personne que le gouvernement veut que
Maurice grimpe dans le classement de la liberté de la presse. Le fait que le Premier ministre m’ait demandé ce rapport indique qu’il veut améliorer la place de Maurice dans ce classement. Maurice jouit d’une bonne réputation au niveau international, mais il faut maintenant rectifier le tir par rapport à ses relations avec la presse.
? Vous admettez donc que les relations presse-pouvoir sont mauvaises ?
Tout ce que je dis est basé sur ce que je vois : il n’y a pas de Freedom of Information Act, il y a toujours la loi sur la sédition, il y a une confusion sur la loi sur la diffamation, il y a litige sur la réglementation de la presse... Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que ces relations difficiles ne sont pas uniques à Maurice.
? On ne va pas grimper dans ce classement tant qu’on continue d’arrêter des journalistes et de boycotter des journaux non complaisants...
Il y a eu des journalistes arrêtés ces derniers temps ?
? Plusieurs oui. Yatin Varma a oublié de vous le dire quand il s’attaquait au président...
(Hésitations…) Oui, eh bien, les journalistes ne sont pas au-dessus de la loi.
? Certes, mais vous avez dit qu’il fallait abolir les lois criminelles sur la presse.
Oui, sauf dans des cas de corruption, d’écoute téléphonique.
? Ferez-vous aussi des recommandations sur la MBC ? Vous avez entendu le président de la République lors de l’ouverture de la conférence sur les médias...
Le président ne cache pas le fait qu’il est en train d’être partisan et qu’il voudrait retourner en politique.
? Mais ce qu’il dit est vrai, la MBC est un sujet qui inquiète beaucoup.
La seule façon de régler ce problème est de nommer des gens dans les corps publics sur la base du mérite et non par affiliation politique. Tous les politiciens espèrent laisser un héritage. Ils veulent que l’on se souvienne d’eux à travers les institutions qu’ils vont léguer au pays.
Tout le monde en Grande-Bretagne se souvient du politicien qui a introduit le NHS (service de santé gratuit, NdlR). Donc, que ce soit un gouvernement Ramgoolam ou un gouvernement Jugnauth… (Rires.)
Ce pays est comme les Montagues et les Capulets. Bref, ils doivent comprendre que les institutions doivent être raisonnablement libres.
? Nous, on le comprend, eux, ce n’est pas sûr.
Tout gouvernement a le désir et le droit d’avoir un bureau de presse pour que sa politique et ses décisions soient adéquatement répercutées dans le public.
? Une télévision nationale ne peut pas être le service de presse du gouvernement.
Bien sûr que non. Et c’est pour cela qu’il serait bon, comme l’a souhaité le président, d’avoir des télévisions commerciales.
Mais ce n’est pas aussi simple. On ne peut pas le faire sans réglementation.
 
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