Harish Boodhoo, qui a joué le rôle d’entremetteur dans l’accord «MedPoint», en 2000, s’énerve à l’idée du «remake» de l’alliance qu’il avait aidé à façonner. Cette alliance, si elle se concrétise, se fera sur la base d’intérêts personnels, dit-il. Il s’en prend aussi au leader des Mauves, qu’il accuse d’être «complexé». D’où le fait qu’il est toujours à la recherche de «béquilles»…

? Vous vous plaignez que la police ne s’émeut pas de l’incendie qui a eu lieu chez vous, il y a un an. Vous dites que c’est à cause de la politique. Pourquoi vous sentez-vous autant persécuté ?

Vous savez, j’ai aidé tellement de personnes dans ma vie que les gens sont généralement bien disposés à mon égard. Si j’ai des ennemis, ce sont des ennemis politiques. Et eux, ils ont peur de mon ombre, car ils savent que quand j’aide le pays, je ne demande rien en retour. Quand j’avais arrangé les élections en 2000, ils m’ont demandé ce que je voulais en retour et j’ai répondu : «rien». Quand je donne, mo lame ress lao. Zame mo lame pou anba. Je ne deviendrais jamais un mendiant.

? Justement, vous qui aviez joué un rôle important dans l’alliance de 2000, quelle part allez-vous tenir dans le «remake de 2000» ?

Aucun. Loin de là. Je suis contre cette alliance. La meilleure chose que les trois partis puissent faire, c’est que chacun aille seul aux prochaines élections. Personne n’a besoin de béquilles. Si Bérenger insiste et va de l’avant avec cette alliance, elle ne va pas tenir. Bérenger a eu plus de divorces qu’Elizabeth Taylor !

? Et pourtant, en 2000, vous aviez bien joué à l’entremetteur !

Oui et on peut me blâmer tant qu’on veut pour cela, mais il fallait que je sauve le pays. Cependant, Bérenger a, depuis, tenté sa chance avec Anerood Jugnauth, puis avec Pravind Jugnauth. Puis il a essayé avec Ashok Jugnauth, mais a réalisé qu’il ne faisait pas le poids. Bérenger est, donc, reparti vers Pravind Jugnauth, puis s’est frotté à Navin Ramgoolam. Et là, on sait qu’il veut retourner vers Anerood Jugnauth. C’est malsain. Qu’est-ce que cela dit sur le MMM ? Qu’il pense que les hindous ne sont pas avec lui ! (Il hausse le ton …) Ek ou pe vinn koz kominal dan sa pei la ? Si le MMM pense qu’il lui faut à tout prix s’accommoder d’un parti qui, selon lui, représente la communauté majoritaire, cela veut dire que le MMM accepte qu’il n’est qu’un parti qui représente les minorités. C’est un mauvais signe pour le MMM !

? Et c’est maintenant que vous découvrez cela ?

Après que je me sois rendu à l’ICAC pour dénoncer l’affaire MedPoint – il ne faut pas que les gens oublient que c’est moi qui suis à l’origine de cette dénonciation à l’ICAC – le MMM a pris le relais et a fait un travail extraordinaire. Pendant ce temps, Bérenger était le meilleur leader de l’opposition que le pays ait jamais connu. Le MMM était alors au sommet de sa popularité et jamais Bérenger n’aura été aussi fort. S’ils avaient décidé d’inciter les gens à descendre dans la rue, cela aurait été comme le MMM des années 70.

? Ils ont essayé mais n’ont pas pu…

Non, ce n’est pas cela. Ils ont un Hindu Complex. Et à chaque fois qu’il y a un hindou empêtré dans des maldonnes, ils ont peur de l’attaquer. Il faut attaquer Doongoor ? Le MMM a peur, attention que telle communauté ou telle caste ne s’offusque ! Mais on ne peut pas faire de la politique ainsi. Si l’on veut faire une omelette, il faut casser les oeufs ! Le problème, c’est que dans l’affaire MedPoint, le MMM commence à impliquer les Jugnauth. Puis, décide de les laver à l’eau de javel, car, quand Bérenger commence à négocier avec les Jugnauth, il implique Ramgoolam. Mais il faut que je mette la population en garde les Jugnauth ne viendront pas pour servir le pays, ils viendront pour servir leurs propres intérêts, pour sauvegarder le Sun Trust. Et je peux vous dire que le Sun Trust n’est que le sommet de l’iceberg.

? Et vous ne saviez pas cela, quand vous avez joué à l’entremetteur, en 2000 ?

Non. Ce sont surtout ces dix dernières années qui m’ont le plus éclairé sur la vraie situation. Le problème, vous savez, c’est que parfois, il faut trier les déchets et dans ces cas-là, il faut prendre celui qui est le moins toxique. Et alors, l’on se dit que la bouse de vache n’est peut-être pas si mal que cela, puisqu’on peut l’utiliser comme fumier, comme fertilisant, biogaz etc. Mais les conditions ont changé et cette alliance n’est pas dans l’intérêt du pays. J’ai peur que le pays ne choisisse la bouse de vache parmi les déchets.

? Pourquoi avez-vous peur, puisque l’un n’est pas mieux que l’autre ?

La situation dans laquelle se trouve le pays actuellement peut s’apparenter à celle d’une rivière qui ne coule plus. Et quand l’eau stagne, elle commence à pourrir et à attirer les moustiques. Cela commence à puer et à devenir un danger pour l’environnement et la société. C’est comme un membre qui a été attaqué par la gangrène. Il faut l’amputer pour empêcher que le corps entier ne soit envahi. Eh bien, le pays est gangrené. Les gens ont perdu confiance en les leaders et les politiciens n’arrivent pas à attirer les foules. Idem pour les syndicats. Or, la protestation est le signal vital de la démocratie. Mais ici, il n’y en a pas.

? Pourquoi, selon vous ?

Je ne sais pas. Mais il faut faire bien attention : la nature ne laisse jamais de vide. Notre population tarde à se révolter, mais le jour viendra où elle décidera de lever la tête. Et alors, il ne faudra qu’une étincelle pour allumer ce feu-là. Mais vous avez raison quand vous dites que c’est une question de met kalbas, tir sousou, tir ziromon, met patol. Vire tourne, mem zafer.

? Le MMM passe à un vote secret, aujourd’hui, pour décider si le parti s’engagera dans un «remake» de 2000. Que dites-vous à cela ?

Il n’y aura aucune décision qui sera prise sur la base de principes pour le pays. Les députés des villes voteront contre, alors que ceux des régions rurales seront pour. Sauf qu’ils sont conscients que beaucoup d’entre eux n’auront pas de ticket, puisqu’il faudra partager avec le MSM. Tout dépendra de Bérenger. Car, disons les choses comme elles sont : ce ne sera pas le comité central qui décidera, mais bel et bien Paul Bérenger.

? Excepté que les élections auront lieu dans trois ans. Tout cela n’est-il pas un peu ridicule ?

Je ne pense pas que Navin Ramgoolam va pouvoir tenir encore longtemps. Les électionsgénérales vont venir très vite. Le problème, c’est que l’on croyait qu’Anerood Jugnauth allait démissionner de la présidence. Je ne sais pas ce qui s’est passé et pourquoi il ne l’a pas fait. Mais j’ai cru comprendre qu’il n’était pas sûr de Bérenger. Chacun se méfie de son prochain.

? Sérieusement, ne pensez-vous pas qu’Anerood Jugnauth soit un peu âgé pour reprendre les rennes du pays ?

Quel âge a Robert Mugabe ? Abdoulaye Wade ? Marcos ? L’âge ne compte pas quand il s’agit de prendre sa revanche et de consolider ses propres intérêts. Et Ramgoolam le sait. On sent une certaine nervosité chez lui. D’ailleurs, on le voit sur la MBC. Il y a ce besoin de montrer que Ramgoolam est populaire. Cela signifie la fin. C’est quand le couteau approche le cou de la poule qu’elle se met à se débattre.

? Revenons à l’incendie chez vous vous avez été très critique envers la police, qui n’a jusqu’ici pu résoudre cette affaire. Y a-t-il un agenda, selon vous ?

C’est connu. La police est hautement politisée. La police est stimulée à chaque fois qu’un opposant ose défier Ramgoolam. La police est en train de devenir un danger pour ce pays. Une centaine de policiers est mobilisée à chaque fois que le Premier ministre effecteur un déplacement. Vous savez combien de policiers sont affectés à la VIPSU ? Nous avons actuellement un des pires commissaires de police qui soit. Il est complètement coupé de la réalité et ne se rend même pas compte de la frustration qui existe au sein de la force policière.

Propos recueillis par Deepa Bookhun
(Source : l’express, samedi 3 mars 2012)

Deepa Bookhun