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Henri Souchon : « Etre absent de la politique, c’est être absent de la vie »

3 août 2010, 10:12

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L’abbé Henri Souchon, témoin des grands bouleversements sociaux à Maurice ces cinquante dernières années, prend sa retraite bientôt. L’homme religieux revient sur ce qui a déterminé l’orientation de sa vie.

 

Vous êtes le neveu de Malcolm de Chazal. Peut-on dire que votre vie a été chazalienne, en termes de couleurs, de poésie, de tournures surprenantes ?

Ma mère était la soeur de Malcolm de Chazal. J’ai passé toute mon enfance auprès de mon grand-père et de ma grand-mère, des de Chazal, chez qui j’assistais toujours au déjeuner de Noël. Celuici était présidé par le docteur Lucien de Chazal. Deux rues portent aujourd’hui son nom, lui qui a oeuvré pour les pauvres.

Ma vie a été certainement très colorée et riche en satisfactions, en émotions, en risques. Par exemple, pendant les émeutes, j’ai circulé toute la nuit à moto, zigzaguant entre les feux allumés au milieu de la route.

La famille de Chazal a des racines swedenborgiennes, dans une large mesure. Vous est-il arrivé d’envisager que vous auriez pu être swedenborgien vous aussi, et non pas catholique?

Quand je suis allé à l’enterrement de mon grand-père, c’était à l’église swedenborgienne. J’ai moi-même célébré les funérailles de Malcolm de Chazal, moi, prêtre catholique, dans une église swedenborgienne. Il n’y avait pas de prêtre swedenborgien au pays à ce moment-là. Envisager d’être swedenborgien? Non. J’aimais mon grand-père, mes oncles. J’ai eu l’habitude, depuis ma tendre enfance, d’être très ouvert sur les questions religieuses. Ma grand-mère elle-même était une Anglaise de foi anglicane.

Parlez-nous de votre jeunesse, et surtout de votre passion pour le football.

Le foot, quand j’étais jeune, c’était toute ma vie. J’étais absolument passionné! Le sport, en général, me passionnait, plus que les études d’ailleurs. J’ai joué au foot, mais aussi au hockey, au volley-ball, au basket-ball. J’ai fait de l’alpinisme aussi. J’ai gravi le Morne, et également le Pieter Both, plusieurs fois. Pour celui-ci, il fallait traverser une planche qui ballottait. Je me souviens que mon frère a refusé de me suivre une fois, me disant qu’il avait femme et enfants.

Quand vous quittez Maurice pour aller étudier à l’université grégorienne, vous rencontrez sur le bateau un jeune Réunionnais. Il s’agit de Raymond Barre…

J’ai même joué au bridge avec lui et il est devenu Premier ministre de la république française.

Par la suite, vous n’arrêterez pas de côtoyer bien des politiciens, allant de Sir Kher Jagatsingh à Harish Boodhoo, entre autres. Pourquoi cet attachement au monde politique?

La démocratie demande la politique. Etre absent de la politique, c’est être absent de la vie. Bien sûr, en tant que prêtre, je ne pouvais me présenter comme candidat, mais je participais. Tout est politique. En démocratie, chaque citoyen a le devoir de participer à la politique. La dictature tue la démocratie.

Vous avez été ordonné en 1952, au cours d’une cérémonie conventionnelle, en latin. Six ans plus tard, c’est l’élection du pape Jean XXIII et l’aventure du Concile Vatican II. L’idée du pape était d’ouvrir les fenêtres de l’Eglise. Henri Souchon peut-il imaginer sa vie de prêtre sans Vatican II ?

Le Concile Vatican II a sauvé l’Eglise. Il était impossible de continuer à faire la liturgie en latin pour le monde entier. Imaginez : j’ai fait sept ans d’études à l’université grégorienne, avec des livres en latin, des cours en latin, des examens, écrits et oraux, en latin. C’était aberrant ! Dans l’histoire de l’Eglise, il y a eu des hauts et des bas, des scandales innommables. Heureusement, l’Esprit Saint veillait aussi. Il y a eu des saints qui ont marqué l’Eglise. Ici, on a eu le Père Laval. Sans le Père Laval, que serait l’Eglise à Maurice aujourd’hui? S’il n’y avait pas eu Vatican II, on aurait continué à lire la messe en latin et j’aurais été coupé de la population.

Le pape Benoît XVI semble vouloir revenir sur Vatican II, justement. A la fin de votre ministère actif, comment réagissez-vous par rapport à cela?

Il veut surtout essayer de sauver l’Eglise conservatrice. Je pense qu’il veut tenter de lui tendre une perche lui donner une occasion de se retrouver et de changer.

Quels sont les sentiments qui vous animent, alors que se termine votre ministère actif?

La joie! La joie d’avoir été fidèle à ma vocation. L’humilité de reconnaître que ma santé ne me permet pas de continuer. J’ai tout un plan pour continuer à travailler pendant ma retraite.

Des regrets?

Pas de regrets ! Surtout pas de regrets ! J’ai travaillé, je suis heureux de l’avoir fait. Je reconnais que le temps de partir est venu.

Laissez-vous votre paroisse, voire votre église, en toute sérénité de coeur et d’esprit?

Oui, en totale sérénité de coeur et d’esprit. J’ai été enthousiasmé par l’attitude de mes paroissiens, quand j’ai annoncé mon départ. On m’a dit que des gens ont pleuré. Je pars avec le sentiment que la relève est assurée. Je pars, mais je serai remplacé par Gérard Mongelard et Laurent Rivet, de bons amis et de bons prêtres. Les pères Adrien Wiehé et Serge Ah- Kong continueront, quant à eux, à résider à la cure et à célébrer les messes à l’Immaculée Conception.

Le mot de la fin…

Un prêtre heureux d’avoir travaillé, de s’en aller, et qui continuera à travailler selon ses moyens.

Entretien réalisé par Ludovic AGATHE.

Ludovic AGATHE