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Ils se disent descendants d’esclaves qui défient des promoteurs fonciers

22 décembre 2008, 01:00

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Ils se disent descendants d’esclaves qui cultivent des terres de la montagne Danzak, en face du Morne. Pour parvenir jusqu’à leurs terres, ils avaient l’habitude d’emprunter un sentier dont l’accès leur est désormais interdit.

Celui-ci se trouve en partie sur un terrain appartenant à Tatorio Holdings (Mauritius) Ltd. C’est une société, gérée par des étrangers, qui a un projet d’Integrated Resorts Scheme (IRS) au pied de la montagne Danzak. C’est sur leur terre que se trouve ce sentier utilisé par les familles Labonne, Lapoule, et Lamarque, entre autres.

Cela pourrait être une histoire de promoteurs fonciers contre cultivateurs. De développement contre le patrimoine. Mais les choses ne sont jamais ni tout à fait dans un sens ni tout à fait dans l’autre. Carl Lamarque aujourd’hui se dit «en captivité» sur les terres de la société Tatorio. Depuis le 18 décembre dernier, il se refuse de traverser le grillage installé par les promoteurs fonciers.

Il nous raconte son histoire: «Jeudi dernier, je suis arrivé vers 7h30 pour rejoindre nos terres sur la montagne Danzak où on cultive fruits et légumes. Il se trouve qu’en rentrant après, je constate qu’on avait fini d’installer un grillage. A ce jour (ndlr: lundi 22 décembre), je suis toujours en captivité sur ces terres», déclare-t-il à travers le grillage. De ce côté du grillage, amis et membre de la famille sont là pour le soutenir.

«Nous voulons que nos droits soient respectés»

Quelle est donc cette histoire de passage obstrué et de grillage? Carl Lamarque remonte le temps. «Nous sommes tous des descendants d’esclaves qui ont hérité de 40 arpents de terres qui se trouvent sur la montagne Danzak. Puisqu’elles sont difficiles d’accès et éloignées des grands centres, nous avons décidé d’aller habiter ailleurs. Tout autour en fait. Certains sont à Coteau Raffin. D’autres à La Gaulette. Mais nous avons toujours nos contrats pour les terres à Danzak. Moi-même, j’ai grandi au flanc de la montagne. Les anciens propriétaires des terres au pied de la montagne nous laissaient utiliser le passage qui se trouve sur leur terrain. Nous pouvions ainsi continuer à cultiver nos terres.

Aujourd’hui, on a mis ce grillage et on a obstrué le sentier. Nous demandons aux autorités d’intervenir afin que nos droits soient respectés. Nous craignons qu’ils empiètent sur nos terres pour la construction de leurs villas. Mais nous le disons aussi: nous ne sommes pas contre le développement. Au contraire. Nous voulons seulement que nos droits soient respectés. Je tiens aussi à faire ressortir que le passage en question figure dans le document de l’Unesco lorsque Le Morne a été décrété patrimoine mondial. Et l’Unesco avait demandé que ce passage soit protégé», raconte Carl Lamarque.

«Nous avons réagi face à des actes de vandalisme»

L’autre son de cloche nous vient évidemment du côté de Tatorio. L’un de ses porte-parole, qui souhaite garder l’anonymat, explique que la décision de poser des grillages a été prise après que les promoteurs aient constaté que des actes de vandalisme ont été commis sur leurs terres. Une déposition à été consignée à la police en ce sens.

Avec son Environment Impact Assessment en poche, Tatorio compte ériger 115 villas IRS sur ses terres pour son projet Corniche Bay. «Notre projet a même été mentionné par le ministre des Finances lors de sa présentation du mini-budget. Nous, nous n’en faisons pas une histoire de passage, d’accès. On a laissé faire pendant un temps. Mais, aujourd’hui, face au vandalisme, il fallait réagir. On leur a aussi proposé un autre accès. Certains étaient même d’accord mais M. Lamarque, lui, a refusé», confie notre interlocuteur.

Qui dit vrai?

Ce sera certes à la police de décider. Mais il n’empêche qu’il y aura forcément un perdant dans cette histoire. Une solution de compromis? Peut-être sera-t-elle trouvée. Dans ce cas, pourquoi être allé presque à la confrontation? Affaire à suivre parce qu’elle symptomatique de nombreux maux de la société mauricienne.

Nazim ESOOF