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Inde: la gratuité des repas pour scolariser les pauvres, malgré des problèmes d’hygiène

21 juillet 2013, 17:41

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Inde: la gratuité des repas pour scolariser les pauvres, malgré des problèmes d’hygiène

En offrant un repas par jour à 120 millions d’enfants, l’Inde espère attirer les plus pauvres à l’école. Mais les conditions d’hygiène sont précaires: elles ont coûté la vie à 23 enfants dans l’Etat du Bihar (nord-est).

 

Ce drame a ébranlé la confiance des Indiens dans leur programme de restauration scolaire gratuite - le plus important au monde - qui fournit souvent aux enfants leur seul repas quotidien dans un pays où des millions de personnes souffrent de malnutrition.

 

Mardi, des dizaines d’enfants scolarisés en primaire dans une école publique du Bihar sont tombés malades. Vingt-trois enfants du village de Gandaman, âgés de quatre à douze ans, ont péri. La plupart ont été enterrés dans un terrain de jeu adjacent à l’école.

 

Selon un rapport médical publié samedi, un puissant insecticide se trouvait dans l’huile ayant servi à préparer le repas de lentilles, de pommes de terre et de riz.

 

Dès le lendemain, des dizaines de milliers d’écoliers ont refusé de prendre leur repas à l’école.

 

«Je peux accepter que des accidents surviennent partout. Mais l’échelle de cet incident et la légèreté, la froideur de la réponse, les délais subis pour traiter les enfants, sont choquants», a réagi Dipa Sinha de l’ONG Right to Food Campaign (Campagne Droit à Manger). Selon une enquête publique réalisée l’an dernier, 42% des enfants indiens de moins de cinq ans présentent un poids insuffisant.

 

Le Premier ministre Manmohan Singh avait alors dénoncé une «honte nationale» et, il y a quelques semaines, le gouvernement a approuvé un vaste programme d’aide alimentaire destiné à fournir des céréales subventionnées à près de 70 % de la population, soit 810 millions d’habitants.

 

Malgré la tragédie du Bihar, les experts défendent le programme qu’ils considèrent comme une arme, peut-être la seule, contre l’illettrisme, la fatalité sociale et les préjugés basés sur la hiérarchie des castes.

 

Pour les familles pauvres, «ce déjeuner est souvent le seul repas de la journée», souligne Alex George, de l’ONG ActionAid India’s Child Rights Hub.

 

«Nous n’avons rien à manger à la maison. La seule façon de m’assurer que nos enfants aient au moins un repas était de les envoyer à l’école», a confié Sanjudevi Mahatoshe qui a perdu trois enfants à Gandaman.

 

De fait, la gratuité «a eu un énorme impact, pas uniquement sur sa capacité à attirer (les enfants) mais également à les faire rester» à l’école, assure l’économiste Reetika Khera. «Les enfants pauvres ont tendance à passer plus de temps à l’école désormais, grâce à ce déjeuner».

 

Le Tamil Nadu (sud) a été le premier Etat indien à offrir une restauration à ses écoliers. En 2001, la Cour suprême a ordonné à tous les Etats d’assurer la gratuité des repas dans les établissements publics.

 

Mais ces mêmes Etats ont peu de ressources et en 2010 un rapport du gouvernement a révélé qu’une majorité des écoles manquaient de cuisines bien équipées, d’ustensiles et de lieux appropriés pour conserver les aliments.

 

La plupart des Etats manquent également de cuisiniers, obligeant les enseignants à acheter eux-mêmes les produits et à servir les repas. Dans certains cas, les élèves doivent eux-mêmes faire la vaisselle.

 

Le Bihar était en particulier critiqué pour «sa chaîne erratique d’approvisionnement» alimentaire qui fait se perdre de précieuses denrées.

 

A l’inverse, certains Etats - y compris aussi pauvres que le Bihar - sont parvenus à mettre en place des programmes efficaces, grâce à leur «volonté politique», selon Reetika Khera.

 

«Certains ont pris de l’avance. Deux fois par semaine, le Rajasthan (nord-ouest) fournit aux enfants des fruits frais en plus du repas, l’Orissa (est) un oeuf à la coque», explique-t-elle.