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Jacques Li Wan Po CEO de «Food Canners Group»

7 novembre 2012, 11:59

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«Aucun ministre des Finances ne peut dire qu’il a suffisamment de marge de manœuvre

? A J-2 de la présentation du Budget, quelles devraient être les priorités du ministre des Finances ?

Il faut d’abord relancer l’investissement pour pouvoir créer de nouveaux emplois et remplacer ceux qui seront perdus en raison de la crise. Il faut aussi soutenir la croissance économique. Nous sommes tous d’accord qu’il faut une croissance de 5 % à 6 % pour assurer la stabilité de l’emploi. Or, elle est à 3 % actuellement.

Aussi, il faut, tout en préservant les pôles de développement existants, identifier d’autres, comme le knowledge hub.

Le ministre des Finances gagnerait à investir dans la formation, la productivité et l’efficience. Il devrait également encourager l’emploi des jeunes, plus particulièrement ceux qui n’ont aucune expérience professionnelle.

Sans doute, le budget 2013 peut accorder des incitations fi scales à ce sujet. En permettant aux entreprises qui emploieraient des jeunes de bénéfi cier d’exemptions fi scales pendant une certaine période. Une démarche qui les aiderait à être prêtes pour la reprise économique, le moment venu.

? Le ministre des Finances a-t-il suffisamment de marge de manœuvre pour satisfaire les attentes de la population et redonner confiance aux opérateurs économiques ?

Aucun ministre des Finances ne peut dire qu’il a suffisamment de marge de manoeuvre, peu importe le contexte économique dans lequel il est appelé à présenter son budget.

Toutefois, la finalité de sa démarche est de s’assurer qu’il y ait une stabilité économique dans le pays.

Ce qui est réconfortant pour le ministre des Finances, c’est le défi cit budgétaire, qui est à 3 % du PIB et la dette publique ramenée dans des normes acceptables. Ces deux indicateurs positifs donnent à Xavier-Luc Duval une plus grande marge de manoeuvre car il n’y a pas de contraintes à ce sujet.

? Pensez-vous qu’on ait pris suffisamment de mesures pour rendre l’économie résiliente face aux crises qui se sont succédé ces dernières années ?

Jusqu’à présent, je dirai oui. La preuve est que l’économie ne va pas si mal. Nous n’avons pas de perte d’emplois massive, même si de gros nuages se profilent à l’horizon. Il y a évidemment des incertitudes et il faut se préparer à faire face à une longue crise mondiale.

D’ailleurs, je me demande si on peut raisonnablement espérer tabler sur une croissance relativement élevée, celle que le pays a connue avant la crise, quand la reprise viendra ou s’il faudra se contenter du niveau de croissance qu’on connaît actuellement.

Vous allez me demander pourquoi. Tout simplement parce que la consommation telle qu’on l’a connue dans les pays industrialisés est insoutenable dans le temps. De plus, elle est financée par des crédits bancaires.

De ce fait, il faut forcément s’adapter à cette situation et survivre dans ce contexte en trouvant des solutions qui correspondent à ces nouvelles réalités.

? Certains opérateurs clament que si l’économie mauricienne a pu résister aux effets de la crise sans trop de casse, c’est grâce aux grandes réformes économiques et fiscales engagées en 2006. Etes-vous de cet avis ?

Il n’y a pas l’ombre d’un doute que ces grandes réformes ont été bénéfiques au pays vu qu’elles bénéficient toujours aux opérateurs qui en sont conscients…

? Les opérateurs s’attendent à ce que le Budget 2013 comprenne des mesures pour doper la croissance. Quels sont les secteurs susceptibles d’apporter de la croissance à notre économie ?

A priori, tous les secteurs existants peuvent potentiellement générer de la croissance. Il s’agit de faire les ajustements nécessaires dans leur façon d’opérer. Il faut chercher à diversifi er nos marchés et ne pas dépendre sur l’Europe qui est confrontée aujourd’hui à une sérieuse crise économique.

Au niveau du textile, il n’y a pas de choix.

Il faut produire à haute valeur ajoutée pour trouver un marché niche. Le textile a déjà survécu au démantèlement de l’accord multi- fibre. Les opérateurs de ce secteur ont su trouver d’autres marchés comme en Afrique du Sud.

Parallèlement, il y a les TIC qui offrent de bonnes perspectives de croissance. Il nous faut capitaliser sur notre principal atout qui est la maîtrise de deux principales langues étrangères, l’anglais et le français

? La Banque de Maurice et les opérateurs économiques estiment que la monnaie locale est surévaluée par rapport aux principales devises. Comment analysez-vous cette situation ?

Je persiste à croire que le vrai débat est entre la croissance économique et l’inflation.

Le taux de change est un facteur qui affecte ces deux indicateurs. Nous savons tous qu’une roupie compétitive aide à favoriser la croissance, surtout au niveau du secteur d’exportation. En revanche, elle fait grimper le taux d’inflation car il ne faut pas oublier que nous importons 80 % de ce que nous consommons.

De ce fait, il y a un choix à faire. C’est le gouvernement ou l’Etat qui doit faire cet arbitrage. Toutefois, on peut se demander s’il a vraiment le pouvoir de déterminer le taux de change de la roupie à moyen terme.

La vraie question se résume à : Faut-il favoriser la croissance au détriment de l’inflation ou vice-versa ? Cette décision sera dictée par la conjoncture économique locale et internationale et les niveaux de ces deux indicateurs économiques.

Pour le moment, nous savons tous que le taux de croissance est en deçà de celui nécessaire pour assurer une stabilité économique et générer des emplois aux milliers de jeunes qui entrent sur le marché du travail chaque année.

Pour y parvenir, il nous faut impérativement tabler sur une croissance de 5 % à 6 %. Bien entendu, il ne faut pas mettre l’inflation à l’écart de cet objectif de croissance.

Il faut peut-être que tous les partenaires économiques arrivent à un consensus pour établir le taux de croissance qui conviendrait à notre économie à l’étape actuelle de son développement. La même démarche peut être appliquée pour un taux d’inflation ciblé.

Ainsi, si l’inflation est en déca du taux ciblé et que la croissance est loin du niveau souhaité, soit entre 5 % et 6 %, il est clair qu’une roupie compétitive sera bénéfi que pour stabiliser l’économie du pays.

? L’«Association of Mauritian Manufacturers» (AMM), dont vous aviez été président, lance actuellement une campagne autour du label «Made in Mauritius». Quelle est votre appréciation de cette campagne ?

Réaliser un tel objectif est certes une démarche valable qu’il faut bien entendu encourager. Mais pour moi, c’est une question qui relève beaucoup plus du réalisme qu’autre chose. Quand j’étais président de l’AMM, nous avions lancé des campagnes dans le même sens. Mais elles n’ont pas été suivies par la suite. J’estime que convaincre la population à consommer ce qui est fabriqué à Maurice demeure une tâche qui nécessite beaucoup d’efforts en termes de communication.

La disparité quant à la qualité des produits offerts aux consommateurs rend la tâche encore plus difficile.

? L’Afrique s’ouvre aux investisseurs étrangers. Face à l’étroitesse du marché local, ne pensez-vous pas qu’il est temps de se tourner vers le continent noir avant qu’il ne soit trop tard ?

Cette ruée vers l’Afrique n’est pas sans risque. Le continent noir doit prouver qu’il peut rester stable sur le moyen terme. Il y a des signes encourageants. Mais on ne peut ne pas s’attarder sur les risques liés à certains investissements à long terme dans cette partie du monde.

Par ailleurs, je pense que l’étroitesse du marché local aura été une motivation pour les entreprises locales à investir en Afrique. Je sais que l’expérience de certaines a été décevante dans le passé. Mais cela ne devrait nullement diminuer notre intérêt à toujours considérer les opportunités qu’offre l’Afrique.

J’estime que nous avons notre part du gâteau africain à prendre. Il s’agit de faire surtout le bon choix en se basant sur nos compétences techniques et le degré de risque que nous sommes disposés à prendre.