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Jean-Claude de l’Estrac : « J’ai refusé deux fois le poste de président de la République »

30 avril 2010, 00:00

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Jean-Claude de l’Estrac : « J’ai refusé deux fois le poste de président de la République »

Lors d’une rencontre avec la presse, ce vendredi 30 avril, à Port-Louis, le président du conseil d’administration de La Sentinelle, Jean-Claude de l’Estrac, a répondu aux attaques des leaders de l’Alliance de l’Avenir contre le Groupe de presse qu’il dirige.

Le président du conseil d’administration du groupe de presse La Sentinelle a révélé, lors d’une conférence de presse tenue, ce vendredi 30 avril, au Suffren, à Port-Louis qu’il a, en deux occasions, refusé une proposition pour accéder à la Présidence de la République.

Jean-Claude de l’Estrac a fait cette déclaration à la suite des attaques des leaders de l’Alliance de l’Avenir à l’effet que l’express mènerait campagne pour l’opposition.  Le président du conseil d’administration affirme que  « Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth ont déclaré publiquement que « l’express » et les autres publications du groupe « La Sentinelle » leur sont hostiles parce que Jean-Claude de l’Estrac est frustré de ne pas avoir été nommé président de la République ».

Répondant à cette accusation, Jean-Claude de l’Estrac a tenu à préciser un certain nombre de faits. Il a expliqué qu’à deux reprises, Navin Ramgoolam lui a proposé la fonction de président de la République.

La première fois, quelques mois avant les élections de l’an 2000 et la deuxième en 2005. «  Il  est venu me trouver chez moi pour chercher à me convaincre d’accepter. J’ai refusé. Je lui ai alors expliqué que mes obligations à La Sentinelle  ne me permettaient pas d’accepter cette offre », a déclaré le président du conseil d’administration du groupe La Sentinelle.

La deuxième fois, en 2005, le Premier ministre aurait proposé à Jean-Claude de l’Estrac un arrangement transitoire qui aurait permis à Sir Satcam Boolell d’être président de la République pendant six mois, à condition que Sir Anerood Jugnauth accepte de partir. C’est Jean-Claude de l’Estrac qui est chargé de s’enquérir auprès du Président de la République ce qu’il pense de cette éventualité.

Il le fera et apprendra que Sir Anerood Jugnauth avait déjà décidé de quitter la Présidence, mais s’était ravisé après le traitement humiliant qu’il avait reçu à la Place d’Armes, lors de la prestation de serment des nouveaux députés au lendemain des élections. 

Toutefois, Jean-Claude de l’Estrac révèle que Sir Anerood avait revu sa position pour dire que si le Premier ministre insistait pour qu’il parte, il y avait des conditions à satisfaire. Jean-Claude de l’Estrac se dit interloqué par ces conditions, mais refuse d’en dire davantage. Il déclare avoir transmis à Navin Ramgoolmam la proposition de Sir Anerood Jugnauth, tout en lui disant son refus d’accepter d’être président dans ces conditions. Mieux, il informe le Premier ministre qu’il le dénoncera si ces conditions étaient acceptées.

Jean-Claude de l’Estrac a rappelé qu’il a prodigué des conseils au Premier ministre en tant que patriote.  « Je n’ai jamais refusé d’apporter ma contribution à l’avancement de mon pays ». Et de préciser « qu’alors qu’il me critiquait  personnellement, alors qu’il avait même organisé le boycott publicitaire de « l’express », Navin Ramgoolam n’a pas cessé, pendant des mois, de me demander mon avis sur un grand nombre de sujets.  »

En guise de  conclusion à sa déclaration, Jean-Claude de l’Estrac a réaffirmé que « Ni moi, ni « l’express », ne sommes engagés dans cette campagne électorale au-delà de nos obligations journalistiques ».

Il a toutefois  précisé qu’il fallait que la vérité soit dite et que, si nécessaire, il pourrait être encore plus précis.

A l’heure des questions Jean-Claude de l’Estrac a fait des révélations concernant les tractations d’alliance entre le Parti Travailliste (PTr) et le Mouvement Militant Mauricien (MMM). Il s’est également prononcé sur le rôle de la télévision publique dans la campagne électorale. Et il a fait part des dangers qui menacent la cohésion sociale et la liberté de la presse dans la conjoncture.

Lire l’intégralité de la déclaration de Jean-Claude de l’Estrac ci-dessous.


Conférence de presse – 30 avril 2010

J’ai décidé de donner cette conférence de presse parce que j’estime que la presse et les journalistes doivent aussi rendre des comptes à la population qu’ils servent.
 
Les journaux ou les radios qui se proclament indépendants ont l’obligation de démontrer leur indépendance en toutes circonstances. « L’express » et les publications du groupe « La Sentinelle » affirment qu’ils n’ont aucune affiliation politique et que leurs journalistes font leur métier en toute liberté.

Au cours de la présente campagne électorale, les leaders de l’Alliance de l’avenir, Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth, ont violemment mis en doute cette indépendance. Ils affirment que « l’express », en particulier, mène campagne pour l’opposition. Et Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth ont déclaré publiquement que « l’express » et les autres publications du groupe « La Sentinelle » leur sont hostiles parce que Jean-Claude de l’Estrac est frustré de ne pas avoir été nommé président de la République.

Je souhaite préciser les faits.

A deux reprises, Navin Ramgoolam m’a proposé la fonction de président de la République. La première fois, quelques mois avant les élections de l’an 2000, il est venu me trouver chez moi pour chercher à me convaincre d’accepter. J’ai refusé. Je lui ai alors expliqué que mes obligations à « La Sentinelle » ne me permettaient pas d’accepter cette offre. Le préavis était trop court, je devais au préalable préparer ma succession. Les choses en sont restées là et de toute manière, Ramgoolam a perdu ces élections.

Ramgoolam est revenu à la charge en 2005, au lendemain de sa victoire. Entre-temps, fruit de l’accord Medpoint, Anerood Jugnauth, s’était installé au Réduit en 2003. Navin Ramgoolam m’offre à nouveau la présidence à condition qu’Anerood Jugnauth accepte de partir. Il me suggère un arrangement transitoire. Il m’explique que sir Satcam Boolell, malade, est venu le voir, le priant de lui permettre d’exercer la présidence ne serait-ce que pour six mois. Boolell, dit-il, est prêt à signer une lettre à cet effet. J’accepte la proposition. Il reste à savoir ce que fera Jugnauth.

 Mais depuis l’humiliation infligée au président de la République, sur la place du Quai, les contacts sont rompus entre les deux hommes. Ramgoolam m’appelle et me demande personnellement de voir le président – en raison, dit-il, de mes bonnes relations avec lui – afin de connaître ses intentions. Je le fais. Jugnauth laisse exploser sa colère. « Mo tinn fini decide pou alle – dimann Sarojin, nou ti fini coz sa Londres – mais apre se ki zonn fer are moi, mo pa pou alle ! »

Après réflexion, Jugnauth se ravise et me déclare : « Me si li bien envi mo alle,  mo dispoze a enn condition. » Et il me précise cette condition. Je suis interloqué. Je n’en dirai pas davantage aujourd’hui. Je réponds à sir Anerood que je transmettrai sa proposition au Premier ministre. Je vois le Premier ministre et lui communique la condition posée par Jugnauth. Ramgoolam n’est pas surpris. Il m’apprend que Jugnauth a déjà fait part de cette condition à un ancien ministre travailliste qui était allé le voir. Il me révèle l’identité de cet ancien ministre, toujours très proche des travaillistes.
 
Ramgoolam commence à réfléchir à haute voix aux moyens de satisfaire l’exigence de Jugnauth. Je l’arrête et je dis clairement que je n’accepterais jamais de devenir président dans de telles conditions. Je vais même plus loin, je mets Ramgoolam en garde : s’il accepte la condition de Jugnauth et propose un autre président, je dénoncerai cet arrangement. Ramgoolam ne l’a pas fait.

J’ai donc refusé deux fois le poste de président.

Quand ce poste est devenu vacant en 2008, Ramgoolam  m’a confié à quel point Jugnauth faisait pression sur lui. Il estimait alors devoir résister : « mo pou gagne problem : Président Vaish, Premier ministre Vaish, Président parlemen Vaish… Kot pou kapav ? »

La suite, vous la connaissez.

Pour ma part, je sais encore beaucoup de choses. Alors qu’il me critiquait  personnellement, alors qu’il avait même organisé le boycott publicitaire de « l’express », Navin Ramgoolam n’a pas cessé, pendant des mois, de me demander mon avis sur un grand nombre de sujets. Je n’ai jamais refusé d’apporter ma contribution à l’avancement de mon pays. Quand sollicité, j’ai prodigué mes conseils à Ramgoolam, à Jugnauth, à Bérenger. Ils devraient pouvoir en témoigner. Mais Ramgoolam est ainsi fait qu’il pouvait m’insulter au conseil des ministres et venir me consulter juste après. Je n’ai pas été membre de son parti, mais d’une certaine manière, cette histoire est une autre affaire Sithanen. Sithanen est ce proche collaborateur du Premier ministre qui a tant fait pour le pays et pour Ramgoolam personnellement et dont le Premier ministre m’avait dit que jamais, en aucune circonstance, il ne le laissera tomber. 

Voilà ! Ni moi, ni « l’express », ne sommes engagés dans cette campagne électorale au-delà de nos obligations journalistiques. Mais pour l’histoire,  il fallait que la vérité soit dite. C’est fait ! Si nécessaire, je pourrais être encore plus précis.