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Julien Blazy, DTN de rugby : « Nous essayons de travailler avec le peu de moyens que l’on nous donne »

8 février 2013, 00:00

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Julien Blazy, DTN de rugby : « Nous essayons de travailler avec le peu de moyens que l’on nous donne »

Dans l’anonymat presque total, et malgré de faibles moyens, le rugby continue sa croissance exponentielle. Son plan de structuration et de développement méthodique explique peut-être les résultats enregistrés en Afrique et l’accession de Maurice au Top 12 africain en 2011. Julien Blazy, directeur technique national (DTN), vise la montée cette année dans le Top 8, ce qui serait une bonne récompense pour tous ceux qui se donnent à fond pour le sport d’équipe qui se porte le mieux à Maurice en ce moment.

Six clubs masculins, trois clubs féminins, et des compétitions en moins de 11 ans, moins de 13 ans, moins de 15 ans et moins de 17 ans auxquelles prennent part trois des six clubs masculins existants. Le rugby est-il le sport d’équipe qui se porte le mieux à Maurice ?

Je ne sais pas si c’est le sport qui se porte le mieux à Maurice, mais nous essayons de travailler avec le peu de moyens que l’on nous donne – le budget du ministère est identique à celui d’il y a trois ans, malgré l’augmentation du nombre de licenciés, les bons résultats des équipes nationales -, afin de développer la pratique de ce sport, tout en proposant un calendrier attractif pour nos pratiquants, une assurance, ainsi qu’une ouverture vers l’extérieur pour les meilleurs grâce aux compétitions internationales auxquelles nos équipes nationales sont convoquées.

Pourtant cette expansion du ballon ovale n’a pas été accompagnée proportionnellement de la même visibilité médiatique. Comment expliquez-vous cette situation qui doit certainement créer de la frustration chez les acteurs de cette discipline ?

En effet, nous n’avons pas la chance des autres sports, qui n’ont pas besoin de faire grand-chose pour apparaître dans les journaux. D’ailleurs je profite de l’occasion pour vous remercier de consacrer un peu de votre temps en vous intéressant un peu à nous. Le rugby, malheureusement, souffre d’un problème d’image qui était peut-être justifiée par le passé mais qui n’est plus d’actualité. C’est dommage de rester sur ces préjugés par rapport au rugby. Car si les politiques et les journalistes venaient un peu plus sur le terrain, au lieu de regarder les photos du passé, ils s’apercevraient peut-être que le rugby est le seul sport collectif à Maurice qui arrive à regrouper dans la même équipe des joueurs de toutes les communautés et de toutes les classes sociales.

Maurice fait partie du Top 12 africain depuis 2011. Elle évolue depuis l’année dernière dans l’Africa Cup 1C en compagnie du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et de la Zambie. Pour les non-initiés que veut dire pareille progression ? Comment s’explique-t-elle ?

Pour être plus précis, la poule 1C, à laquelle on sera confronté en juillet 2013, sera composée de la Côte d’Ivoire, de la Zambie, du Cameroun, du Nigeria et du Maroc. Il faut savoir qu’actuellement près de 40 pays jouent au rugby en Afrique, et qu’actuellement nous sommes classés 11e nation sur ce continent. Je vous laisse interpréter notre niveau continental et le comparer avec les autres disciplines. Mon interprétation est la suivante. Je pense que pour arriver à ce niveau les ingrédients sont les suivants : une culture rugby qui commence à s’imprégner au sein des mentalités mauriciennes un gros travail de la part des éducateurs dans les clubs une prise de conscience de la part des joueurs concernant leur potentiel et qui de ce fait travaillent plus pour progresser et enfin une volonté croissante de continuer à jouer à l’étranger pour se perfectionner pendant les études.

Vous étiez en poste à Mayotte entre 2008 et 2010. Qu’est-ce qui vous a séduit dans le projet rugbystique mauricien ?

Vous savez, même si vous avez un poste de conseiller technique au sein d’une des plus importantes fédérations de rugby, lorsqu’à l’âge de 28 ans on vous offre l’opportunité d’accéder au poste de DTN, ça ne se refuse pas, surtout que cela me donnait la chance de coacher une équipe nationale, et ça, quel que soit le niveau, ça ne se refuse pas. De plus, pour avoir rencontré les dirigeants, les sélections et certains joueurs par le passé, la mentalité du rugby mauricien m’attirait. Je sentais déjà par ces contacts que quelque chose était réalisable là-bas.

Quelles sont schématiquement les structures existantes à Maurice ? Combien d’années a-t-il fallu pour les mettre en place ?

Au niveau structures, nous avons, depuis janvier 2011, un centre de formation de rugby à 7 pour les moins de 18 ans. Chaque promotion regroupe les 16 meilleurs joueurs de cette classe d’âge. Durant les entraînements, ceux-ci ce spécialisent dans le rugby à 7, avec tout l’aspect technique, physique et tactique que ce jeu nécessite. De plus, le côté technique et physique les aide fortement pour le rugby à 15. Depuis septembre 2011, nous avons monté une classe sport-études rugby au Lycée La Bourdonnais. A partir de la cinquième, dix élèves sont détectés en classe de 6e au mois de mai afin d’intégrer cette classe sport-études en septembre dans laquelle cinq heures de rugby supplémentaires leur sont imposées. Actuellement nous avons donc une classe de 4e et une classe de 5e. Je profite de cette question pour rebondir sur la question de nos infrastructures. Vous semble-t-il normal que nous n’ayons aucun terrain et aucunes infrastructures propres au rugby, et de ce fait devoir louer des terrains privés toute l’année pour que nos clubs puissent jouer et s’entraîner ? Je remercie tout de même le Mauritius Sports Council (MSC) qui nous permet de bénéficier des infrastructures du centre Blacquart pour nos sélections nationales ainsi que pour le centre de formation.

Comment opère le maillage entre clubs et centres d’entraînement ?

Actuellement, il existe trois « coaching centres », situés dans trois régions différentes, le Nord, l’Ouest et le centre. Ce qui, pour le moment, profite logiquement aux trois clubs suivants : les Northerns Pirates (nord), les Highland Blues Curepipe Starlight (centre), et les Westerns Cowboys (ouest). En effet, ces trois clubs dominent le championnat, ce qui peut être en relation au fait qu’arrivés en seniors la plupart des joueurs ont un vécu rugby de plusieurs années derrière eux. De ce fait, nous sommes en plein travail pour que les STAGS aient eux aussi leur « coaching centre », pour les aider à progresser tout en développant notre activité sur la région Trianon, Quatre-Bornes, Rose-Hill et Moka.

On parle de rugby à sept et aussi de rugby à quinze. Comment est-ce que ces deux variantes interagissent entre elles et contribuent à l’amélioration de la qualité du jeu à Maurice ?

Je pars du principe que l’un n’est pas le concurrent de l’autre, mais qu’au contraire, les deux sont complémentaires. De ce fait en faisant pratiquer à nos joueurs ces deux disciplines, cela fait d’eux des joueurs beaucoup plus complets, surtout sur le plan physique et technique. De plus avec l’intégration du rugby à 7 aux Jeux olympiques de Rio 2016, je pense qu’il faut savoir prendre le bon wagon en avance afin de pouvoir en temps voulu bien représenter notre pays lors des qualifications dans notre zone. Attention, je ne parle pas de qualification de Maurice – il y a trop peu de places pour la zone Afrique -, mais je parle de faire bonne figure en représentant fièrement nos couleurs sur le continent africain.

La saison 2013 sinon s’annonce comment ?

Et bien la saison devrait commencer le premier week-end de mars. Du coup, dans l’attente de l’ouverture des terrains que nous louons pour nos clubs, ceux-ci commencent à faire du fitness, pour ne pas perdre de temps.

La qualification pour la Coupe du monde 2015 a-t-elle agi comme un catalyseur sur le moral et la motivation des joueurs ?

Vous savez, n’importe quel sportif, dans n’importe quelle discipline que ce soit, serait motivé pour participer à des matchs qualificatifs pour la Coupe du monde, surtout que pour nous c’était la première à laquelle nous étions conviés. De ce fait, les joueurs ont préparé cela le plus sérieusement possible et ont donné tout ce qu’ils pouvaient sur le terrain. On loupe de peu la qualification pour le tour suivant et par la même occasion la montée en 1B.

La prochaine étape pour le rugby mauricien reste la division 1B africaine ?

En effet, c’est l’objectif pour cette année. Rentrer dans le top 8 africain serait une bonne récompense pour le rugby mauricien et pour tous ses acteurs, joueurs, dirigeants et éducateurs qui se donnent ou qui se sont donnés à fond pour que ce sport en arrive là où il est maintenant. On n’est pas passé loin l’an dernier face au Botswana, pays hôte. Nos joueurs se sont promis de revenir encore plus forts cette année.

Le rugby a été lancé l’année dernière dans plusieurs collèges : Le Bocage International School, l’Ecole du Centre, le collège Saint-Esprit et le collège d’Etat de Palma. Est-il parvenu à séduire les collégiens ?

Pour la plupart, cela part d’une volonté des écoles, ce qui prouve l’intérêt que certaines écoles peuvent avoir pour le rugby en l’intégrant dans leur programme scolaire. Pour les autres, cela s’inscrit dans notre programme de dynamisation de la région centrale – Quatre-Bornes, Rose-Hill etc. - pour ouvrir un « coaching centre ».

C’est le même esprit qui préside au projet CSR lancé en 2009 à Rivière-Noire et visant les groupes de jeunes vulnérables de Rivière-Noire, Petite Rivière-Noire, La Gaulette et Case Noyale ?

En effet, grâce au projet CSR, nous pouvons faire découvrir notre sport à des groupes de jeunes qui ne seraient peut-être pas venus d’eux-mêmes dans le rugby. De ce fait des éducateurs rémunérés par le biais du CSR vont durant la semaine animer des séances d’initiation au rugby dans les villages avoisinant nos « coaching centres », par exemple à Rivière-Noire. Par la suite, pour les plus motivés, un bus les récupère le vendredi et le week-end pour aller s’entraîner et jouer les matchs avec les « coaching centres ».

C’est grâce à tout ce travail que le nombre de licenciés augmente chaque année et que notre sport permet de briser la barrière des classes sociales et des communautés au sein des équipes.

Le beach rugby s’inscrit-il dans la même logique ?

Le beach rugby est différent. Celui-ci s’apparente à un sport loisir et fun qui permet, de par ses règles très simples et très sécuritaires, de faire jouer ensemble toutes les générations, et ainsi tous les sexes mélangés.

A terme quel objectif souhaitez-vous atteindre en élargissant la base de jeunes pratiquants ?

Je pars du principe qu’il ne faut pas non plus aller trop vite, avant d’augmenter. Il faut structurer pour pouvoir accueillir de la meilleure des manières toutes les personnes qui voudraient s’essayer au rugby. De ce fait la formation des éducateurs est indispensable. On ne peut pas développer à tout va sans par la suite assurer un encadrement de qualité au sein des clubs.

De plus tant que l’on ne sera pas considéré à notre juste valeur, surtout d’un point de vue financier, par les instances ministérielles, nous ne pourrons nous développer plus par manque de moyens.

En résumé on peut dire qu’au final, le rugby est un sport pour tous, encore faut-il vouloir le voir !

Et les femmes dans cet univers très masculin ?

Ceci est une très bonne question en effet. Les filles dans le rugby ne sont pas assez mises en valeur, alors que c’est très certainement la catégorie qui a subi la plus grosse évolution, aussi bien en termes de nombre de licenciées, qu’en termes de qualité de jeu. En deux ans, nous sommes passés d’un sport loisir à un sport compétition, tant dans les mentalités des joueuses et des entraîneurs que dans la préparation de ces équipes.

Nous avons multiplié aussi par deux les effectifs, et de ce fait nous sommes passés de trois équipes féminines à cinq équipes féminines, en deux ans. Chaque année la sélection féminine participe à un tournoi de beach rugby océan Indien, à La Réunion, dans lequel elle est tenante du titre, ce qui prouve encore le potentiel que les Mauriciennes ont dans ce sport.

 

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