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Kalyanee Juggoo : « Je me sens humiliée…»

24 septembre 2011, 05:12

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Après «réflexion», vous acceptez donc le poste de Secrétaire général (SG) du Parti travailliste (PTr) ?

Ce ne serait pas élégant de ma part de vous confirmer quoi que ce soit avant de parler au Premier ministre.

Et c’était élégant de manifester votre mécontentement publiquement ?

Mes mandants n’ont pas manifesté publiquement. Ce sont des partisans du PTr de la circonscription, dont le leader est Navin Ramgoolam, et qui doivent pouvoir s’exprimer quand ils veulent.

«Koz for» pour demander un poste de ministre pour vous ?

Non, il n’y a eu aucune demande, pas de ma part du moins. Je n’ai jamais rien demandé au Premier ministre et je le lui ai rappelé quand nous nous sommes vus.

Mais voulez-vous plus ?

C’est normal d’avoir des aspirations. Quand les six ministres du MSM avaient démissionné, mes mandants ont cru que j’allais devenir ministre ! (Rires…) Les activistes sont comme cela, ils font leurs calculs – ils pensaient que j’avais une chance parce que deux femmes ministres étaient parties.

Donc, cela vous aurait fait plaisir d’être nommée ministre ?

Bien sûr. Une promotion fait toujours plaisir. Mais, si on ne l’a pas, c’est ok aussi quand on n’a rien demandé. Et quand je reçois mes mandants et qu’ils me disent : «Ayo madam, si ou ti pou vinn minis, ou ti pou kapav fer boukou pou nou», je leur réponds que c’est un faux argument, car tout ce qu’il y avait à faire pour eux, je l’ai fait.

Sauf que vous ne pouvez pas leur donner des jobs et des nominations !

Ils n’attendent pas cela de moi. Pour eux, c’est une question de justice. Ils me disent : «Ounn vini, ounn aste blok, ounn aste sima, ounn ranz lakaz, ounn met meb, rido me kan bizin vinn reste, enn lot vini.» Vous comprenez ?

Une injustice, vous dites. Pour eux... mais pas pour vous ?

Pour moi, c’est une question d’ancienneté. Certains disent que c’est de l’orgueil, mais ce n’est pas vrai, c’est humain. Je ne veux pas critiquer les autres – je suis contente pour Mireille. (Silence…)

Mais je pense que ce sera difficile pour moi de continuer à travailler dans la circonscription. (Hésitations…) La nature humaine étant ce qu’elle est, la situation sera intenable. Déjà j’entends des gens dire : «Alalila, ti pe deklare pou vinn minis la !», «Ti dres linz ti garde, so kamarad inn pas lor so latet...» Ce genre de choses me blesse, je me sens humiliée. C’est pour cela d’ailleurs que j’ai pris la décision de ne plus assister à certaines fonctions. Je ne veux pas entendre ces choses-là. Je vais continuer à faire mon travail en tant que députée, et en tant que PPS, je resterai membre du PTr. Mais, il y a quelque chose qui a changé. Je ne veux pas me mettre en colère contre les gens, je ne peux pas changer mon caractère mais c’est difficile, parfois, de rester indifférente à ce qui se passe.

Je suis contente que vous admettiez avoir été blessée…

…Non, je ne suis pas blessée. Ces choses-là ne peuvent pas me blesser. Au cours de ma vie, je suis passée par les moments les plus durs auxquels une femme puisse être confrontée : j’ai perdu mon enfant dans un accident de voiture. Si j’ai pu surmonter ça et qu’aujourd’hui, je peux vous dire que je suis contente que ma fille est en paix, croyez-vous vraiment que ne pas avoir été nommée ministre peut me blesser ? Ma philosophie est que les choses arrivent parce qu’elles doivent arriver et il faut savoir gérer les émotions.

Avez-vous rencontré des émissaires du MMM et du MSM avant votre départ pour la Chine ?

J’ai beaucoup d’amis, vous savez ! Avec les MSM, il ne faut pas oublier que nous étions en alliance pendant un an. Si je suis amie avec quelqu’un, dois-je arrêter de lui parler simplement parce que mes autres amis ne lui parlent plus ?

Vous a-t-on fait des offres politiques ?

Je crois que tout le monde a eu des offres. De tous bords. J’entends dire que même des ministres sont en train de recevoir des offres. Ce sont des rumeurs !

Je vous demande justement si ces rumeurs sont fondées ?

(Rires…) Ce sont des rumeurs.

Avez-vous rencontré Paul Bérenger ?

Non, non.

Des gens influents au MMM ?

Ils me fatiguent un peu (rires…) Des agents me rencontrent dans la rue et disent «madam, vinn ar nou, madam !»

Avez-vous été tentée par une des offres ?

Non, non. Les MSM aussi me disent «ou lintere pa dan travayis». Mais si je devais partir, je serais partie depuis 2010.

Peut-être que vous espériez que la loyauté serait récompensée et pas le transfugisme... En 2010, vous ne le saviez pas, vous le savez maintenant !

Mais, c’est la troisième fois que je suis candidate. Il ne faut pas oublier mon parcours. Il ne faut pas oublier que j’étais candidate à Rivière-du-Rempart contre SAJ dans des moments difficiles.

Oui, mais votre parti ne vous en est pas reconnaissant et ne récompense pas votre loyauté. Et pour cela, les gens ont beaucoup de sympathie pour vous.

Que mon parti ne soit pas reconnaissant envers moi, ne me fait ni chaud ni froid. Ce qui importe pour moi, c’est que mes mandants continuent de me soutenir, que leur attitude envers moi n’a pas changé parce que je ne suis pas devenue ministre.

Certains au PTr disent qu’il ne fallait pas prendre le mécontentement de vos partisans au sérieux, car ils ne sont qu’une cinquantaine à vous soutenir !
Il y avait 258 personnes à la première manifestation. J’ai 500 agents ici. Un agent représente beaucoup de personnes. Et puis, je n’ai pas à écouter ce que certains Travaillistes disent. J’ai été élue à deux reprises dans une circonscription difficile, je n’ai rien eu sur un plateau. Après 28 ans, grâce à moi, les gens votent travailliste ici.

Nita Deerpalsing dit que ceux qui ont manifesté leur mécontentement ne sont pas de vrais Travaillistes.

Mes partisans demandent si Nita Deerpalsing voulait en fait leur demander de se joindre au MMM ? Elle nous a traités de roder bout à deux reprises. De quoi parle-t-elle ? Quel «bout» ai-je cherché ?

Connaissant Nita Deerpalsing, elle a dû réagir car elle pensait que tout cela embarrassait le PM. Partagez-vous cet avis ?

Non. Pourquoi serait-il embarrassé ? Mais je dénonce le fait que certains ont osé remettre en question ma loyauté ! Je reste loyale au parti malgré tout, mais je ne voudrais pas que dans le futur, il y ait des circonstances qui fassent que je remette en question cette loyauté.

C’est une menace ?

Non. Mais les gens disent que le Premier ministre est remonté contre moi. Cela m’étonne car je n’ai rien fait pour mériter cela. Donc, je me dis que tout ce qui doit arriver va arriver. Et ce, pour le meilleur. Et si cela arrive, je considérerai que le temps est arrivé pour arrêter de faire de la politique.

Nous n’en sommes pas encore là. La perception est qu’à un moment où Ramgoolam traverse une période difficile, vous l’avez embarrassé. Et la rumeur veut que cela ne lui ait pas fait trop plaisir...

J’ai entendu des gens dire cela, effectivement. Certains sont même allés jusqu’à dire qu’après cela, il ne me donnera pas de ticket la prochaine fois. Si c’est vrai, cela m’étonne. En tout cas, il n’a jamais été question d’embarrasser le PM.

Avez-vous songé à la possibilité que l’on vous fasse payer pour cet épisode, plus tard ? L’on dit que Ramgoolam est revanchard qu’arrivera-t-il si, effectivement, il ne vous donne pas de ticket aux prochaines élections ?

Ecoutez, je ne sais pas. Certains me disent qu’il me lance des piques lors de ses discours. S’il ne me donne pas de ticket ? Eh bien, we’ll cross that bridge when we come to it!

Entretien réalisé par Deepa Bookhun

 

Deepa Bookhun

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