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Kalyanee Juggoo : «Ce que j’ai est unique, je suis LA dame du Parti travailliste»

3 mars 2013, 00:00

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Kalyanee Juggoo : «Ce que j’ai est unique, je suis LA dame du Parti travailliste»

La nouvelle secrétaire générale du Parti travailliste, Kaylanee Juggoo, répond aux questions insolentes de l’express dimanche. Ses réponses ne sont pas moins audacieuses. Elle se laisse même aller à certaines confidences… comme «j’ai créé une danse…la-la-la-la».


Ambition perso, road trip en Zambie, prince du Swaziland et danse du ventre : Kalyanee Juggoo dit tout. Le Parti travailliste a mis 77 ans avant de confier son secrétariat général à une femme. Cela valait le coup d’attendre.
Pas trop insultant ce lot de consolation ?
Consolation ? On parle de quoi là ?

Votre nomination comme secrétaire générale du Parti travailliste (PTr).
C’est un honneur, certainement pas une consolation.

Même quand on rêve d’un ministère ?
C’est vous qui rêvez, monsieur !

Vous avez revu vos ambitions à la baisse ? « Le Premier ministre sait exactement pour quel ministère je suis taillée. Un jour, il m’y nommera ». C’est ce que vous disiez il y a 18 mois.
J’ai bien dit « un jour ». A la prochaine élection, si j’ai un ticket, le Premier ministre me nommera sûrement ministre. Pour le moment, ce qui m’intéresse, c’est le Parti travailliste. Je suis fi ère de mes nouvelles fonctions, fi ère d’être la première femme secrétaire générale du plus grand parti de l’île Maurice. Des ministres, il y en a 24. Ce que j’ai est unique : je suis LA dame du Parti travailliste. L’autre jour, mon leader m’a dit : « Si to pa le vinn sekreter zeneral, mo kapav fer twa vinn minis ». Je lui ai dit non.

Il était sérieux ?
Il est comme vous, il aime me taquiner (rires). J’ai des envies, des objectifs, mais tout dépendra de mon leader. Je ne vis pas dans l’illusion, je ne suis pas un petit oiseau qui vole dans le ciel (elle mime avec ses bras un battement d’aile). Au fond, je suis très différente de ce que perçoivent les gens. On me connaît mal.

Que serait-on surpris d’apprendre sur vous ?
Je suis quelqu’un de calme, stable, posée, je sais être à l’écoute.

Pourquoi vous, comme secrétaire général ?
Comment pourrais- je lire dans le coeur du Premier ministre ?

Parce que c’est encore une affaire de coeur !?
Enlevez ce mot : je ne peux pas lire dans ses pensées.

Alors, pourquoi vous ? Pour calmer vos envies d’aller voir ailleurs ?
Je n’ai jamais eu l’intention d’aller voir ailleurs. Mon sang est rouge et le restera.

Vos caprices, il y a 18 mois, vous avez déjà oublié ?
Je n’ai fait aucun caprice, ce sont mes agents qui n’étaient pas contents. Donner un ministère à Mireille Martin, pour eux, c’était récompenser quelqu’un du MSM. Je leur ai expliqué que le gouvernement avait besoin d’élargir sa majorité, ils ont compris. Aujourd’hui, ils sont ravis.

Vous dites avoir 600 agents à votre service. Vous êtes une chef de meute ?
Si vous voulez. Ce réseau est le résultat d’un quart de siècle d’activisme. J’en ai emmené, des gens, au Parti travailliste...

Il paraît que vous goûtez peu au partage des responsabilités...
Et vous, monsieur, il paraît que vous allez goûter à la Cour (avec le sourire).

Dire que vous aimez travailler en solo, c’est injurieux ?
C’est faux, je ne suis pas une one woman show. Après, s’il y a des choses que je peux faire seule, je les fais. De toute façon, il faut un chef. Que ce soit dans un bureau, dans une entreprise ou dans un foyer, s’il n’y a pas de chef, rien ne marche.

Vous vous sentez plus « général » que « secrétaire », non ?
Ni l’un ni l’autre.

Ne craignez-vous pas de devoir jouer les potiches : les hommes décident, vous exécutez ?
Non, parce que j’ai été bien claire là- dessus. Je ne serai pas une secrétaire en général, mais LA secrétaire générale. J’aime la discipline. Sur les délais, notamment, je serai intransigeante.

Vous avez déclaré que votre leader vous avait fait trois propositions. Quelles étaient les deux autres ?
Je ne vous le dirai pas.

Elles étaient si indécentes ?
Non. J’ai eu ce que j’ai voulu, c’est tout.

Votre côté diva, vous l’assumez ?
(Rires) Bien sûr !

On dit que vous savez parfaitement jouer avec les coulisses…
Ceux qui le disent ont dû me voir à l’œuvre. Pour bien gérer, il faut savoir tirer les ficelles. Dans la circonscription N. 4 []]]Port-Louis-Nord/ Montagne-Longue], je descends partout, y compris là où il y a des problèmes. Je suis une fonceuse, une bosseuse. Seul Dieu me fait peur, et encore, je sais qu’il m’aime bien.

Où avez-vous appris à diriger ?
Au côté de mon père. Il importait des voitures, il avait un garage à Plaine- Verte. Quand j’étais enfant, c’était un peu ma deuxième maison. Papa n’écrivait pas très bien, il me demandait de rédiger des courriers. De fil en aiguille, je suis devenue son associée.

Quand le ministre des Finances défie l’autorité du Premier ministre, vous y voyez un acte héroïque ou suicidaire ?
Le problème est réglé, no comment.

Vos opinions sont- elles solubles dans vos nouvelles fonctions ?
Pas du tout. Je n’évite pas, j’invite. Je vous ai invité aujourd’hui. C’est juste que les problèmes internes du PMSD ne m’intéressent pas. Qu’ils lavent leur linge sale en famille.

Pensez-vous que les femmes font de la politique autrement, ou est ce juste un slogan ?
Autrement, c’est- à- dire ? Vous voulez dire ça ? (Regard de braise)

Non. Est- ce que la femme est un homme politique comme un autre ?
Je pense que oui… (Elle est interrompue par un coup de fil. Son interlocuteur lui demande des documents. Elle règle l’affaire en deux appels express.) Vous voyez, la différence est là : nous, les femmes, on ne perd pas de temps. Pour le reste, nous ne sommes pas très différentes des hommes.

On se demande même si la politique ne fait pas ressortir les travers masculins des femmes.
C’est vrai. Il arrive que les femmes politiques imitent la vulgarité de leurs homologues masculins. Parfois, on se sent un peu obligées. Les mollassonnes, on les ignore.

Le Parlement est composé de 57 hommes et 13 femmes. C’est un problème ?
Le problème, c’est que les hommes refusent de laisser la place. Mon leader, j’en suis sûr, saura en mettre quelques-uns dehors. De mon côté, comme secrétaire générale, je compte faire monter mes amies dans la hiérarchie du parti.

Comment ?
Nous avons déjà fait pas mal de choses. La Local Government Act a été amendée pour fixer un quota de 30% de candidates aux élections municipales et villageoises. L’exécutif du PTr est composé de presque 50% de femmes. Promouvoir le rôle des femmes, c’est déjà fait.

En gros, vous n’avez pas de nouvelles idées.
On va y réfléchir. Sheila Bappoo dirige l’aile féminine. Nita Deerpalsing vient de prendre la direction de l’aile jeune. Moi, je suis secrétaire générale et Stéphanie Anquetil est Deputy Secretary General, que voulez- vous de plus ? Nous ne sommes que quatre femmes dans le parti (sic), et nous avons toutes des positions-clés.

De petites clés, alors.
Je ne suis pas d’accord. Aujourd’hui, une élection se gagne auprès des jeunes et des femmes.

Que comptez-vous faire pour promouvoir le rôle de Nandanee Soornack ?
Comment !? C’est une question très bête. Pourquoi devrais-je la promouvoir ?

Parce que vous dites vouloir aider vos amies. Et parce que tout le monde loue ses qualités d’activiste.
Mme Soornack est effectivement une bonne activiste, solide. C’est une femme de terrain qui connaît les moindres recoins. Elle ferait une bonne députée.

Quelle est la femme politique dont vous vous méfiez le plus ?
Je me méfie des hommes, pas des femmes.

Vos crises de jalousie par rapport à Mireille Martin, c’est fini ?
Ma dernière crise de jalousie, je l’ai faite à l’âge de 10 ans. Mireille est devenue une copine, on a appris à se connaître.

En parlant de vos 10 ans, racontez-moi cette adolescence au Botswana…
Mon père avait décroché un job de Central Transport Officer pour le gouvernement botswanais. Il est parti avec ma mère, au début des années 1970. Je suis restée à Maurice avec ma grand- mère, ce n’est qu’après la Form V que j’ai rejoint mes parents. Cette vie d’expatriée a duré dix ans.

Très vite, vous trouvez du travail, comme enseignante…
Je rencontre un prince du Swaziland et il me trouve un poste de prof de français. J’avais 17 ans, je me faisais pas mal chahuter. Mes élèves passaient leur temps à m’écrire des billets doux (rires) ! Ça n’a pas duré très longtemps.

C’est quoi ce road trip en Zambie ?
Ah…une histoire folle ! Après l’enseignement, je suis devenue consultante en affaires.
Avec deux collègues, nous sommes parties en voiture signer un gros contrat en Zambie. Deux jours de route en passant par le Zimbabwe, un sacré périple. Une fois sur place, on nous a volé notre voiture. Le voleur était passé au Zaïre. Je ne me suis pas dégonflée, je suis allée négocier avec lui. Finalement, j’ai réussi à ramener la voiture et mes deux collègues au Botswana. Quand mes parents ont appris cette histoire, ils étaient très fâchés ! En 1986, ils sont rentrés à Maurice. Moi, j’étais bien installée, j’ai décidé de rester. Mais mon papa avait d’autres plans pour moi...

C’est- à- dire ?
Ma soeur avait épousé un Canadien. Il ne voulait surtout pas que sa deuxième fille épouse un étranger. Il m’a fait croire qu’il était très malade, il m’a envoyé un billet d’avion et m’a demandé de rentrer tout de suite. Je l’ai cru…

Vous lui en avez voulu ?
Non. Grâce à ce mensonge, aujourd’hui je peux servir mon pays. En rentrant, j’ai été embauchée au Haut - commissariat de l’Inde à Maurice, comme Trade Promotion Officer . Je suis restée 14 ans à ce poste.

Et l’amour dans tout ça ?
Je dois chercher quelqu’un (rires). Non, je plaisante, je suis très bien seule.

Aux élections générales de 2000, vous êtes candidate pour la première fois. C’est un échec. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était une bonne expérience. Deva Virahsawmy s’était désisté au N. 7 []]Piton/ Rivière- du- Rempart], Navin Ramgoolam m’a demandé de le remplacer. Je ne connaissais personne. Après deux petites semaines de campagne, je sors 6e avec 47 % des voix 33 % en réalité, ndlr. Pour une première, c’était encourageant. Ensuite, mon leader m’a confié la circonscription de Port-Louis-Nord/ Montagne-Longue, où j’ai été élue en tête de liste en 2005, et réélue en 2010.

A quoi ressemble votre journée type ?
Elle commence à 5h30 par une heure d’exercice et de méditation. J’ai créé une danse qui mélange le taïchi, le qi-gong, le reïki et la danse du ventre : j’ai appelé ça la «modern dance». Tous les matins, mo bouz bouze, lala-la-la (elle mime une danse du ventre). Treadmill, séance de méditation, puis je reçois les gens qui attendent devant ma porte. Un jus, la prière et je pars au bureau ou sur le terrain. Je rentre généralement vers 22 heures.

Vous gagnez combien ?
Cent mille. C’est trop, j’en distribue dans la circonscription. Pour manger, j’ai les repas de maman. Pour m’habiller, mes saris sont bon marché. Un peu de fond de teint, de rouge à lèvres, c’est tout... Bon, Arvin Boolell veut me voir, il faut que j’y aille.

C’est votre nouveau patron ?
(Ferme) Non ! Le secrétaire général occupe la deuxième position dans la hiérarchie du parti. (Elle sort un poudrier Dior.)

C’est pour lui que vous vous refaites une beauté ?
Pas uniquement. Avant de descendre dans la rue, il faut que je sois présentable, quoi !

«Ce que j’ai est unique: je suis LA dame du Parti travailliste.»

«Mme Soornack ferait une bonne députée.»

« J’ai créé une danse. Tous les matins, mo bouz bouze, la- la- la- la...»