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Kashmira Banee : «L’environnement et la société mis en avant»

7 octobre 2010, 09:47

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? Qu’est-ce que la décroissance ?

Pour définir la décroissance, il faut tout d’abord parler de la croissance elle même.

Celle-ci défi nit le progrès d’un pays par rapport à sa richesse économique qui est mesurée par un mécanisme basé sur la quantité plutôt que la qualité.

Par exemple, il ne tient pas en compte le taux de chômage, de licenciement, d’autosuffisance, d’éducation de la population, de santé ou encore l’écosystème.

L’économie mauricienne est basée sur la production et la surconsommation. Elle est fondée sur la croyance que le développement économique peut être infini, qu’on peut profiter indéfiniment de la terre et des ressources naturelles.

La surproduction comprend aussi l’exploitation des travailleurs. On assiste, de plus, à un phénomène, celui de l’utilisation de la main-d’oeuvre étrangère, dite plus productive que les travailleurs locaux. Avec ce souci de productivité, on voit se développer le travail sur contrat.

Qui dit décroissance, dit bien-être et le rétablissement de l’équilibre social. Décroissance économique sous entend croissance sociale et en même temps bonne gestion des ressources naturelles.

? Qu’impliquerait une transition de la croissance à la décroissance comme mesure du progrès humain ?

Cela impliquerait une profonde restructuration de l’économie, de revoir nos modes de production et une meilleure gestion des ressources naturelles. Cela implique donc moins de gaspillage d’énergie, moins de production de gaz à effet de serre, de déboisement en vue de réduire le réchauffement climatique.

Les gouvernements et les grandes sociétés parlent de développement durable, d’énergie propre etc. C’est bien. Cependant, ils maintiennent cette même structure économique qui est toujours basée sur la surproduction et la surconsommation.

La question à se poser c’est : est-ce que cela va marcher ? Surtout quand nous voyons que cette surproduction et cette surconsommation entraînent toutes sortes de dégâts au niveaux de l’environnement et de la société. Une restructuration économique sera basée sur ces deux facteurs.

? La décroissance, avec le système existant et toutes ses structures bien ancrées dans les moeurs, ne risque-t-elle pas de se heurter à des réticences à la fois politiques, économiques et sociales ?

En fait, c’est justement là que ressort le besoin d’une politique alternative. La politique traditionnelle, telle que nous la connaissons, vise à promouvoir les intérêts de certains. Restructuration économique sous-entend donc également restructuration politique qui se base sur la mise en avant de la société et de l’environnement.

? La société mauricienne est-elle prête pour celle-ci ?

Je pense que oui. Quand je parle de décroissance économique avec une restructuration économique radicale, elle doit aussi prendre en compte la redistribution de la richesse, la revalorisation du travail à travers le salaire, la création d’emplois, mais aussi la création d’industries qui promeuvent l’autosuffisance alimentaire.

Avec l’exploitation des travailleurs dans les usines, nous voyons que ceux-ci se manifestent, à travers leurs syndicats, par exemple.

C’est justement une façon de montrer l’intérêt de la décroissance et le fait qu’ils sont prêts à l’adopter.

? Les travailleurs peut être…

Les travailleurs oui, mais nous n’avons pas vraiment le choix, par ce qu’avec le système actuel – hormis la pollution qu’il engendre – nous assistons à l’apparition de plusieurs crises. Crise financière, crise de l’euro, crise énergétique, réchauffement climatique… Nous n’avons pas le choix. Nous serons obligés de passer à un autre système de production qui prend en compte, encore une fois, l’environnement et la société. Tôt ou tard, nous devrons tous réaliser qu’autrement, nous allons vers notre autodestruction.

? La décroissance et l’écologie sont liées. Pourtant, l’écologie, après avoir longtemps été ignorée, a été transformée en item de consommation. Labels «bio», «green», «eco» vendus à tous vents. La décroissance ne risque-t-elle pas de subir le même sort et d’entrer dans les rouages du capitalisme ?

Encore une fois, si nous gardons la même structure économique, cela ne marchera pas. Nos ressources naturelles ne sont pas infinies, même si les énergies renouvelables ou le recyclage sont employés.

Le système capitaliste est une contradiction. Il est basé sur cette économie de surproduction et de surconsommation.

En prônant le green tout en continuant à épuiser les ressources naturelles de la même façon, il ne fait que s’accaparer un nouveau marché pour vendre plus de produits et attirer une plus grande clientèle. Là réside la contradiction.

? Etant donné la lenteur des mutations politiques et administratives, la décroissance sera-t-elle l’affaire de la prochaine génération ?

Le peuple se manifeste déjà, montre sa désapprobation du système actuel.

Même si les gouvernements ne tarissent pas de belles paroles sur le recyclage ou les énergies renouvelables, nous avons besoin de cette restructuration. Nous voyons que les organisations non gouvernementales écologiques sont plus nombreuses.

Les jeunes sont également plus écologiquement conscients et se détournent de ce système à la dérive. Reste encore à attirer l’attention sur l’exploitation de la main-d’oeuvre il s’agit donc du volet social de cette surproduction.

? Pourtant, l’économie mauricienne repose sur sa capacité à se montrer compétitive sur les marchés internationaux en matière de production. De ce fait, comment faire adopter cette décroissance ?

Maurice doit commencer par créer des industries qui ont pour objectif de promouvoir l’autosuffisance alimentaire.

Le gouvernement parle d’ouverture vers de nouveaux marchés, comme l’Inde ou la Chine. En d’autres mots, nous allons vers une nouvelle dépendance.

Au contraire, l’enjeu est de rechercher l’indépendance.

A travers celle-ci, nous arriverons à créer plus d’emplois, moins d’importation.

Les fonds nécessaires à cette transition sont déjà disponibles. Nous devons juste revoir notre politique de taxation, directe et indirecte.

Et surtout, faire moins de gaspillage, en organisant des fêtes grandioses, entre autres. Cet argent pourrait être redirigé vers la création d’industries, par exemple.

La bonne gouvernance reste le maître mot.