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Kee Cheong Li Kwong Wing : «C’est maintenant que nous connaîtrons la vraie résilience de notre économie»

25 mai 2010, 08:56

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Le nouveau député MMM de la circonscription de Beau-Bassin/Petite-Rivière revient sur sa première expérience sur le terrain électoral économiste, il dresse un tableau des difficultés qui nous attendent à cause de la crise européenne.

? Comment avez-vous vécu votre première participation à une joute électorale?

C’était assez spécial. J’ai été candidat dans une circonscription qui a été bien travaillée par Rajesh Bhagwan. Les structures et cellules fonctionnaient déjà. Les militants de la circonscription sont très actifs sur le terrain. Cela fait que j’ai eu l’impression de prendre un train qui arrivait en gare. Par ailleurs, du fait que j’ai toujours été proche des gens et des associations civiles, le contact a été facile. Donc, j’ai intégré aisément la campagne. Je me suis senti comme un poisson dans l’eau. J’y ai vraiment pris du plaisir. Il y a eu une interaction positive et constructive entre les électeurs et moi. Ils s’attendaient à voir un professionnel intellectuellement rigide, ils ont eu droit à un homme très terre à terre. Cela a été une expérience exaltante en tous points.

? Avant de faire de la politique active, vous avez été exposé aux discours de nos politiques. En entrant sur la scène, quel type de discours vous êtes-vous dit que vous alliez tenir?

J’ai toujours côtoyé des politiques. Je connais leurs points faibles et leurs atouts. Pour ma part, j’ai fait très attention au fait de ne pas tenir de fausses promesses. Je ne veux pas leurrer les gens. Il y a des politiques qui, en toute conscience, mentent. J’ai évité cela. J’ai parlé avec le cœur parce que j’ai fait l’expérience de la pauvreté. Cela m’a été difficile de faire des études. Je ne peux pas aujourd’hui prétendre détenir une baguette magique et résoudre tous les problèmes des gens. J’ai dit à mes électeurs que ce sera difficile mais qu’ensemble, nous trouverons une solution. Ainsi, les gens ont senti que je suis un des leurs. J’ai été agréablement surpris d’avoir été accepté aussi rapidement. Tout s’est passé naturellement. Je suis un enfant né dans la famille militante et j’ai retrouvé ma famille sur le terrain.

? Comment s’est passé le contact avec vos adversaires?

Dans notre cas, c’était différent. Nous n’avions pas d’adversaires coriaces. Leur chef de file, Maurice Allet, ne faisait pas le poids. Les gens se demandaient davantage qui étaient les deux colistiers de Rajesh Bhagwan. Lorsqu’ils nous ont connus, ils nous ont adoptés. C’est ce qui explique qu’ils n’ont pas sacrifié un Chinois pour un Créole. Quant à mes adversaires, j’ai à peine mentionné leurs noms. J’avais promis à ma femme et à ma famille que je n’allais pas attaquer mes adversaires et leurs familles. Je ne l’ai pas fait parce que je n’aurais pas souhaité qu’on me le fasse à moi.

? Comment vous êtes-vous senti en devenant député?

C’est une lourde responsabilité parce que j’ai eu la tâche de défendre deux importants dossiers : l’économie et les finances et les Petites et moyennes entreprises (PME). Le premier s’articule autour des enjeux macro-économiques et des grands équilibres économiques du pays. Le deuxième tient à savoir comment mettre en place les politiques appropriées pour plus de justice sociale et d’opportunités pour les plus faibles.

Les PME et les groupes d’intérêts collectifs, comme les coopératives, ont besoin d’encadrement. Les gouvernants parlent de démocratisation de l’économie. Toutefois, nous savons tous qu’ils démocratisent pour leurs proches et leurs alliés. Je veillerai à ce qu’ils ne se contentent pas de lancer des slogans. Pour ma part, je ferai des propositions. Je tiens aussi à dire que je n’ai pas senti de pressions en me rendant au Parlement parce que je n’ai aucune ardoise. Je suis un homme libre. J’ai mes idées et je suis là pour participer aux débats.

? L’Europe est en crise. Maurice subira les conséquences de cette crise. Comment faire pour s’en sortir?

Ce ne sera effectivement pas facile avec cette crise économique et politique européenne. L’euro pourrait disparaître. Nous traverserons une phase très turbulente. Il faudra beaucoup de vigilance et de dextérité pour que nous passions par cette tempête sans grands dégâts. Il importe aujourd’hui de baliser les grands enjeux. Il nous faut comprendre que la grande crise financière dont ont souffert les Etats-Unis était provoquée par des bulles spéculatives liées aux dettes toxiques et à des ingénieries financières hasardeuses. Cela concernait surtout des banques privées et de grandes compagnies d’assurances. Par la suite, il a fallu nationaliser ces banques. L’Etat s’est substitué aux gangsters et a effectué un grand nettoyage. Les Etats-Unis ont pu faire cela parce qu’ils sont une grande puissance économique mondiale. Ils peuvent racheter ces dettes et se tenir garants pour elles car le dollar est une «reserve currency».

? En quoi cette crise est-elle différente de celle que connaît l’Europe actuellement?

Précisément, l’Europe n’est pas les Etats-Unis. Mais je dois d’abord rappeler que le gouvernement sortant et ses dirigeants se targuaient d’avoir su mater la crise. Or, la vraie crise à laquelle nous ferons face, c’est la crise européenne. Il y a les PIGS - le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne - qui en souffrent. La Grèce est déjà à terre. Les autres commencent à sentir les effets de la crise. Ils devront augmenter les taxes pour réduire les déficits, mettre fi n à leurs politiques d’aides aux entreprises et trouver des moyens pour collecter des revenus. Cela entraînera les gens dans la rue. En gros, nous avons eu une crise de la dette souveraine qui s’est transformée en crise économique qui, elle-même, provoque une crise sociale et finalement politique. C’est ce qui fait que des pays menacent de quitter l’euro. L’Union européenne est, elle-même, menacée. Cela veut dire qu’il y a tentation pour que chaque pays retourne à sa devise initiale. Dans un tel cas de figure, c’est le retour au protectionnisme assuré. C’est maintenant  que nous verrons comment le gouvernement agira et s’il a vraiment les compétences dont il se vante. C’est maintenant que nous connaîtrons la vraie résilience de notre économie.

L’Europe, c’est notre principal marché et la principale fournisseuse de prêts. Nous ne pourrons plus faire comme si nous étions dans le vert. Certaines personnes devront démontrer qu’elles ne sont pas que des fils à papa. Il faudra affronter la réalité et prendre ses responsabilités. Il faudra faire preuve de beaucoup de prévoyance et rallier toutes les compétences et forces du pays et non se contenter d’organiser des comités techniques avec le secteur privé. Pour notre part, au sein de l’opposition, nous serons constructifs.

Propos recueillis par Nazim ESOOF

 

Nazim ESOOF