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Lance Armstrong : « Je prends sacrément du bon temps »
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Lance Armstrong : « Je prends sacrément du bon temps »
Le nouveau Lance Armstrong ressemble peu à l’ancien. Détendu, relax, il entend bien retourner à son avantage l’hostilité des médias. Et convaincre le public que la lutte contre le cancer arrive en tête de ses motivations. Nous l’avons rencontré à Adélaïde, en Australie, où il effectue son retour dans le peloton, dans le Tour Down Under. Interview.
Ce deuxième retour à la compétition est-il comparable au premier, en 1998, après votre arrêt pour soigner un cancer ?
La première fois, il y avait moins de monde à ma première conférence de presse pour écouter ce que j’avais à dire ! Mais les deux situations restent assez comparables. Comme pour mon premier come-back, je suis extrêmement motivé, mais en même temps dépourvu de la moindre certitude quant à mes chances de réussir. La grande différence est la question de l’âge. Une question dont je n’ai pas encore toutes les réponses.
Ces 37 ans atteints en septembre dernier, vous en sentez le poids ?
Honnêtement, non, je n’en ai pas encore ressenti les effets. Depuis que j’ai repris l’entraînement, je ne me suis jamais senti vidé de me forces, cramé, comme j’ai pu l’être plus tôt dans ma carrière. Ma préparation a été très soignée, progressive. Je ressens seulement un peu plus de raideur, phénomène normal pour quelqu’un ayant dépassé la trentaine. Mais je récupère aussi bien qu’avant. Et mentalement, je me sens nettement plus jeune que lors des deux dernières saisons avant de raccrocher le vélo.
Le cirque médiatique qui entoure votre retour à la compétition vous perturbe ? Les gens semblent vous attendre comme Jésus Christ…
Jésus Christ ? On m’a affublé de pas mal de surnoms, pendant ma carrière, mais jamais celui-là ! Et je ne savais qu’il était capable de rouler à vélo… Ce cirque médiatique, comme vous dites, est sûrement bon pour le vélo et bon pour la lutte contre le cancer. Donc, bon pour toutes les raisons qui m’ont conduit à revenir dans le peloton. Avoir autant d’attention n’est pas simple, surtout à l’entraînement. Cela a pu déranger mes équipiers, sur la route. Mais les gens n’ont jamais franchi la limite, j’ai été tranquille chaque fois que je l’ai demandé. Tout le monde a été très cool. J’ai pu me relaxer quand j’en ai eu besoin.
La vie sans le vélo vous semblait ennuyeuse ?
J’y ai connu des moments très agréables. Ne plus avoir à s’occuper de ce qu’on mange. Pouvoir boire un verre de vin en se disant qu’on pourra en boire un deuxième, puis encore un troisième. Mais je n’ai jamais perdu le goût à l’exercice physique. Je me suis même entretenu tous les jours. Et j’ai compris, en août dernier, dans le Colorado, que j’avais encore ce besoin et cette envie de la compétition.
La lutte contre le dopage s’est intensifiée, depuis votre départ en juillet 2005…
Et c’est très bien ainsi. Je l’ai déjà dit, je suis plus que déterminé à suivre les lois et les règles du cyclisme professionnel. J’ai confié mon suivi antidopage à un expert reconnu, Don Catlin. Avec lui, nous avons mis au point le programme le plus pointu et transparent de l’histoire du sport. Beaucoup de gens sont impliqués. Depuis l’annonce de mon retour, j’ai été contrôlé douze fois hors compétition, la première fois au mois d’août dernier. Et deux fois depuis mon arrivée à Adelaïde. Je mets au défi n’importe quel athlète de pouvoir en dire autant. Les résultats de mes tests et mon suivi biologique seront bientôt disponibles sur Internet.
La justice espagnole vient de rouvrir le dossier de l’affaire Puerto. Un commentaire ?
Je viens de l’apprendre, j’ai peu de commentaires à faire. Mais vous, les médias, avez une grande responsabilité, celle de rappeler au public qu’il ne s’agit pas seulement d’une affaire de cyclisme. C’est une affaire de sport, où il est question autant de foot, de tennis, que de cyclisme.
Depuis votre départ, l’image du cyclisme a également été mise à mal. En Allemagne, par exemple, les sponsors s’en vont et la télévision ne veut plus suivre le Tour de France.
Mais c’est normal. Les sponsors avaient investi de l’argent, le public s’était investi de façon émotionnelle. Les uns et les autres se sont sentis trahis. Ils ont été voir ailleurs. Mais, honnêtement, je me moque que la télévision soit ou ne soit pas présente en Allemagne. J’ai mon job à faire, un entraînement à suivre, des courses à effectuer. Et je fais tout cela pour une cause importante, la première motivation de mon retour à la compétition : la lutte contre le cancer. Si je termine cinquième du Tour de France, en juillet prochain, mais que j’ai contribué à faire reculer le cancer, alors l’empreinte que j’aurais laissé aura une certaine allure.
Les médias vous sont encore hostiles, en France surtout. Vous y pensez ?
C’est fini, tout cela. Une nouvelle ère a débuté. Nous nous sommes tous assis par terre en rond et nous avons chanté une vieille chanson folk (il se marre).
On prétend que vous avez réclamé une prime pour prendre le départ du Tour Down Under…
C’est faux. Ce retour n’a rien à voir avec une question financière. Bien sûr, je cherche à recueillir des fonds pour la lutte contre le cancer. Mais cette cause a aussi besoin d’exposition, dans les médias, pour toucher les gens et sensibiliser les pouvoirs publics. J’ai passé les trois dernières années à parler, en public, comme le font Al Gore et Bill Clinton. Je l’ai fait un peu partout dans le monde, en Corée du Sud, au Danemark. La plupart du temps, j’étais payé pour ça. Mais là, ce n’est pas le cas. Je cours gratuitement.
Cette semaine marque l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche. Vous étiez plus proche de Georges Bush…
C’est vrai, je connais Georges Bush. Il est texan comme moi. Et il est cycliste. J’ai saisi une fois l’opportunité de pédaler à ses côtés, j’en ai profité pour lui demander une contribution d’un milliard de dollars pour la lutte contre le cancer. Je ne les ai jamais reçus. Barack Obama, lui, est basketteur. C’est moins mon truc. Mais je suis très optimiste sur cette nouvelle administration. Je sais qu’il est très concerné par le cancer, du fait de son histoire familiale. La meilleure chose qu’il puisse faire serait de réformer notre système de santé. J’ai bon espoir qu’il y parvienne.
On vous sent très détendu, malgré le risque lié à ce retour et les attentes qu’il suscite…
C’est vrai, je suis très relax, car je vais vous l’avouer : je m’amuse beaucoup, je prends sacrément du bon temps. Sans doute parce que je ne fais tout cela que pour le plaisir, sans toucher un dollar. Les deux dernières années avant mon arrêt, en 2004 et 2005, j’en étais arrivé à ne plus ressentir cette notion de plaisir. Le vélo était devenu seulement mon job.
Propos recueillis par Alain MERCIER pour lexpress.mu
Adélaïde, Australie.
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