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Laurent Baucheron De Boissoudy : «La communication : le meilleur moyen de prévention»

27 juillet 2010, 09:51

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¦ Qu’est-ce que le suicide?

Techniquement, c’est la mise en oeuvre d’actions par une personne ayant pour conséquence d’entraîner sa mort. On distingue la tentative de suicide qui prend une valeur d’appel au secours, du suicide à proprement parler qui lui, vise bien à mettre fin à ses jours.

Le dénominateur commun est toujours la souffrance physique et psychologique qui devient trop aigüe et insoutenable.

¦ Qu’est-ce qui amène une personne à y penser?

Face à l’adversité, aux épreuves imposées par la vie, il arrive que nos ressources, notre pulsion de vie créatrice, notre combativité ne soient pas en mesure d’être mobilisées. C’est alors la pulsion de mort, l’effondrement et la fuite qui prennent le dessus.

¦ Quel est l’état d’esprit de cette personne?

La personne qui envisage le suicide est submergée par les émotions négatives liées à diverses situations - professionnelles, financières ou affectives - stressantes. Ce que vit l’individu lui apparaît comme sans issue, il se sent bloqué et souvent victime.

Ces circonstances peuvent résulter d’un stress qui dure dans le temps, tel un harcèlement, une spirale infernale, une manipulation… ou bien ce stress peut frapper d’un coup et «tomber» sur la personne. Le licenciement d’un employé, chef de famille, ou la rupture brutale d’une relation amoureuse sont, par exemple, des déclencheurs d’idées suicidaires.

¦ Comment peut-on lui venir en aide?

L’expérience montre qu’à partir du moment où une personne en situation de crise extrême, dans un état suicidaire, peut partager son ressenti avec quelqu’un, le risque de passage à l’acte est radicalement diminué.

La première forme d’aide consiste donc à permettre à la personne en souffrance de parler, de vider son sac. Notons que même si la situation n’aura pas changé pour autant, c’est la pression interne si douloureuse et anxiogène qui aura diminué et cela est déjà essentiel pour éviter la réalisation du suicide.

Dans un second temps, la personne aura besoin d’être soutenue, accompagnée, afin de ne plus avoir l’impression de porter seule son problème et il faudra la guider pour trouver des solutions concrètes ou un «aménagement» de sa situation qui d’invivable prendra du sens et deviendra gérable et viable.

¦ Il paraît qu’il faut prendre au sérieux toute personne qui dit qu’elle va se suicider, même sur le ton de la plaisanterie.

Y a-t-il d’autres signes perceptibles, indicateurs de tendances suicidaires?

Oui, pour les travailleurs sociaux en général, nous considérons qu’une telle menace doit toujours retenir notre attention. En affinant notre analyse nous pouvons évaluer le risque d’un réel «acting out». Une personne qui parle peu de façon générale ou qui parle moins qu’elle n’en avait l’habitude, qui se met à moins communiquer ou qui montre des signes de dépression, de repli sur soi en ne manifestant plus d’intérêt pour ses activités habituelles, ses hobbies : sport, musique, sorties entre amis, tous ces éléments sont autant d’indicateurs qui devront inciter les proches ou les professionnels à s’inquiéter et à maintenir leur vigilance.

¦ On dirait que les adolescents sont les plus enclins à avoir des tendances suicidaires. Est ce vraiment le cas et pourquoi?

Toutes les périodes de transition dans la vie d’un être humain sont des moments de fragilité au cours desquels des pensées suicidaires peuvent émerger.

L’adolescence est la période la plus critique car les adolescents, en pleine mutation, cherchent de nouveaux repères et sont donc particulièrement vulnérables. Les crises de la quarantaine, de la cinquantaine, la ménopause pour les femmes, le passage à la retraite sont aussi des périodes de troubles, de crises, qui nécessitent un travail psychique de réadaptation à de nouvelles conditions de vie.

¦ Le suicide: sujet encore tabou à Maurice.

En parler ouvertement ne serait-il pas une meilleure approche pour prévenir des drames à l’avenir?

Oui, en parler est probablement une bonne chose.

On peut aller plus loin et dire que la communication reste probablement le meilleur moyen de prévention face au stress, aux crises, aux situations bloquées…

La jeunesse «pousse au portillon», elle cherche à modifier, à faire évoluer, à ouvrir le cadre proposé par les générations précédentes.

Ainsi, certaines notions taboues, comme le suicide, peuvent être l’objet d’une prise de parole.

¦ Quelles sont les raisons les plus souvent évoquées?

Lorsqu’une personne se sent vraiment désespérée, que l’angoisse devient envahissante, alors certains patients se trouvent dans des états suicidaires.

La dépression, avec le sentiment dominant de tristesse qui l’accompagne, ne pousse pas forcément au suicide.

Il faut une part de colère, d’agressivité, pour agir mais, dans ce cas, l’agressivité, au lieu d’être dirigée vers un objet extérieur, est retournée contre le sujet lui-même.

Dans la majorité des cas cliniques, les sentiments de solitude et d’incompréhension sont présents et se rajoute aussi la sensation insupportable qu’il n’y aura pas d’issue, que la situation est bloquée.

C’est justement sur ce point que nous pouvons agir car ce n’est pas la situation qui est bloquée mais bien la façon de la percevoir, de l’interpréter et de la ressentir.

¦ Y a-t-il une corrélation entre le niveau de développement d’un pays et le nombre de suicides?

Dans les cultures traditionnelles où chaque individu a une place reconnue et bien marquée par le clan ou la communauté familiale et sociale, le suicide est plus rare.

Nous savons tous que l’évolution de notre mode de vie, plus d’individualisme, plus de stress lié à la nécessité de «faire sa place», travailler, réussir, gagner de l’argent, rend nos contemporains des pays industrialisés plus vulnérables. Le défi est donc d’envisager l’évolution sans perdre le sens de la vie et conserver des repères qui évitent de se retrouver dans des impasses.