Publicité
Le corps de Jeff
Quand il n’est pas un serial gréviste de la faim, Jeff Lingaya se présente comme un artiste. Quelle est l’œuvre de celui que l’on voit le plus souvent avec une guitare ?
La plus saisissante de ses productions, c’est bien son corps. Corps qu’en mars 2011, il avait privé de nourriture, en soutien aux employés d’Infinity BPO.
Le corps d’un gréviste de la faim, c’est une oeuvre qui change heure par heure. Au fi l des jours, l’absence d’alimentation redistribue les couleurs, met du gris là où il y avait du rose, donnant un air à la fois fatigué et farouche à l’ensemble.
Celui des convaincus qui luttent en s’allongeant sur un lit de fortune.
Ce corps, cette oeuvre, sympathisants comme curieux ont besoin de la voir. De l’approcher, de la toucher, du bout des yeux, à pleines mains. C’est vrai qu’un gréviste de la faim est un être fragilisé.
Mais, pour que l’oeuvre ait un impact sur le public, il faut qu’elle soit près du public.
Si un soir de veillée de soutien, une table barre l’entrée du kiosque du Jardin de la Compagnie, où s’est installé le gréviste, mettant de la distance entre l’oeuvre et son public, c’est que l’on a raté le coche quelque part. Car, le public a aussi besoin de voir pour croire. Jeff Lingaya se revendique artiste. S’il mérite une standing ovation, c’est bien pour sa manière de s’engager. D’agir. Et pas uniquement de se lamenter des décisions de l’Etat. Il aurait des leçons à donner à des artistes dont les œuvres sont beaucoup plus connues que la sienne.
 
Publicité
Les plus récents