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Le PTr « confiant » de résister aux assauts du MMM

15 octobre 2011, 09:11

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Le rapport de forces sur la scène politique évoluera-t-il dans les jours à venir avec la rentrée parlementaire ? Nous évoquons la question avec le président du Parti travailliste (PTr), Patrick Assirvaden et le député du Mouvement militant mauricien (MMM) Kee Chong Li Kwong Wing. Deux hommes qui n’ont pas peur des mots. Sans remettre en cause le bien-fondé de l’action gouvernementale, le premier reste prudent quand il n’est pas convaincu. Alors que le second ne s’embarrasse pas pour dire ce qu’il pense du MSM.

Patrick ASSIRVADEN, député et president du PTr

Etes-vous prêt à admettre que le PTr sera désavantagé lors de la rentrée parlementaire?

P.A : Non. La seule différence sera que cette fois-ci, nous aurons deux oppositions en face de nous. N’ayons pas peur des mots : il y aura une opposition MMM légitime et une autre, illégitime, car n’ayant pas eu de mandat de ses électeurs pour s’asseoir dans ces rangs.

Illégitime ou pas, il n’en demeure pas moins que numériquement, l’opposition sera forte et qu’elle est gonflée à bloc !

La force au Parlement ne se résume pas à une question de nombre. Le Parlement est régi par des lois, des règles bien établies. L’opposition a le droit de poser des questions et nous y répondrons en conséquence. Mais si l’opposition pense qu’elle va nous intimider ou encore frapper sous la ceinture, eh bien, le Speaker est là pour y mettre bon ordre. De notre côté, nous allons ajuster notre stratégie par rapport à l’opposition que nous aurons en face de nous.

En vous écoutant, il est clair que le PTr se sent affaibli par tout ce qui s’est passé !

Pas du tout ! Nous sommes très forts dans notre tête. D’abord, parce que nous croyons dans ce que nous faisons. Ensuite, nous avons un mandat clair pour diriger le pays. Ce n’est pas le PTr qui a trahi. Nous savons au fond de nous que nous n’avons rien à nous reprocher puisque nous n’avons pas crossed the floor. Au contraire, la rentrée parlementaire va nous donner l’occasion d’éclaircir certaines choses. J’entends d’aucuns dire qu’il y aura des scandales chaque semaine. Cela ne suffi t pas de dire «Ah, quelque chose s’est passé, c’est un scandale !». Il faut pouvoir venir soutenir et prouver ce que l’on dit.

N’oubliez pas que le MSM a eu l’occasion, lors de son passage au gouvernement, de s’approprier quelques dossiers !

Je ne le crois pas. Le MSM est un drom vid. Et même le MMM réalise cela. D’ailleurs, n’oublions pas que Paul Bérenger a dit qu’il allait soutenir le MSM tant que cela sert ses intérêts. Et c’est ce qui est en train de se passer. Quand Bérenger vient dire que le MSM et le MMM sont séparés par des années-lumière, cela traduit bien ce qu’il pense de ce parti. Mais stratégiquement, il préfère s’en accommoder pour le moment.

Vous admettez que la situation dans le pays est pourrie ? Ne serait-il pas mieux, dans l’intérêt suprême, d’organiser des élections générales anticipées pour assainir la situation et retrouver une légitimité ?

Non, faites attention – nous n’avons pas de problème de légitimité. Nous avons eu un mandat clair de la population en 2010 pour diriger le pays. Point à la ligne.

Mais les instabilités empêchent le gouvernement de fonctionner et le pays d’avancer !

Il y a instabilité parce que nous avons surestimé la conviction du MSM par rapport aux institutions ! Peut-être que lors d’un prochain accord électoral, il faut mettre noir sur blanc qu’on ne va pas toucher aux institutions.

Parce que le PTr ne s’ingère pas dans les institutions ?

Donnez-moi un exemple d’ingérence.

Difficile car impossible de prouver. D’où ma question !

Ah, vous commencez à tenir un autre langage !

Pas du tout. Comment savez-vous qu’il y a eu ingérence du MSM ?

Quelle a été la condition pour que le MSM reste au pouvoir ? Que dit Pravind Jugnauth à son retour de Suisse lors de sa conférence de presse suivant la démission des six ministres ? Il n’est pas d’accord avec la façon dont l’ICAC est en train de faire son travail par rapport à Maya Hanoomanjee ! Il dit qu’il va attendre le retour du Premier ministre pour décider s’il va rester au gouvernement ou non. Il ne faut pas avoir été à l’université de Californie pour savoir ce que Pravind est en train de dire !

Si l’on s’arrête au sens littéral, vous avez raison. Or, au-delà, il était en train de dire que l’ICAC était utilisée comme un instrument politique !

Est-ce la première fois que l’ICAC arrête des gens à Maurice ? C’est quand des gens proches de lui sont arrêtés que celle-ci ne fait pas son travail ?

Et pourquoi l’ICAC n’arrête pas les gens proches du gouvernement ?

Que faites-vous de Kishore Deerpalsing ? Vishnu Bundhun ? Vinod Boyjonauth ? Gilbert Philippe ? Siddick Chady ? On a un problème de mémoire dans ce pays! Gilbert Philippe était conseiller du PM quand il a été arrêté. Chady était le président de la MPA. Deerpalsing et Bundhun étaient des ministres travaillistes. Ce sont autant de preuves que même s’il y a des proches travaillistes qui sont impliqués, nous ne touchons pas aux institutions.

Vous avez raison de nous rafraîchir la mémoire. Je serai même tentée de vous croire s’il y avait aussi des travaillistes arrêtés dans le sillage de l’affaire «MedPoint»...

Ecoutez, soit on fait confiance aux institutions, soit on ne leur fait pas confiance. Je ne suis pas prêt à discuter de l’affaire MedPoint avec vous puisque je ne connais pas tous les détails. Mais le jour où on décide de ne pas faire confiance aux institutions, c’est la loi de la jungle qui s’instaure.

Il semble y avoir une possibilité que le président de la République démissionne de son poste pour revenir dans l’arène politique. Cette possibilité serait-elle une menace pour le PTr ?

SAJ est le président de la République. Nous, nous respectons les institutions et, donc, tant qu’il occupera ces fonctions, je ne commenterai pas. Je vous ferai toutefois remarquer que les élections générales ne sont pas prévues avant quatre ans.

Et les municipales ?

Je ne sais pas. C’est au Premier ministre d’en décider et je ne suis pas dans le secret des dieux.

Vous m’avouerez que ce ne serait pas correct de renvoyer ces élections une seconde fois ?

Il ne faudrait pas que les choses soient ou noir ou blanc. Le PM a expliqué qu’il fallait revoir la loi…

… Il a eu six ans pour le faire !

(Hésitations…) Je souhaite également que l’on aille plus vite. Mais, je dis qu’il vaut mieux avoir une bonne loi, même avec un peu de retard, qu’une mauvaise loi rapidement.

Vous savez quand on parle de respect des institutions, cela implique respecter la démocratie et les collectivités locales !

Certainement, mais nous avons aussi la responsabilité de moderniser notre système démocratique. Et si nous avons un outil qui permet à nos collectivités locales de travailler et de respirer mieux ? Je peux comprendre que cela gêne les gens mais si c’est une bonne loi ? Ne vaudrait-il pas mieux attendre un peu ?

Il y a, dans vos propos, comme un adoucissement de ton envers le MMM. Est-ce à dire que vous avez besoin d’eux ?

Ecoutez, nous respectons les qualités des membres du MMM. Je reconnais le punch de Paul Bérenger. Je reconnais qu’il y a des gens de calibre et d’expérience au sein de ce parti. Je reconnais que quand le MMM fait de l’opposition, c’est, en général, dans l’intérêt du pays.

Le PM avait dit exactement la même chose par rapport au MSM juste avant de conclure une alliance avec eux ! C’est fou comme les intérêts changent selon la situation !

Mais je vous ai dit que nous avions surévalué le MSM !

Vous parliez des qualités de Paul Bérenger. Et quelles sont celles de Pravind Jugnauth ?

(Sourire…) Difficile à dire. Il n’y a rien qui me vienne en tête.

Et les qualités de Pratibha Bholah ?

(Large sourire…) Ahhh, elle est très gentille. C’est une très bonne dame.



Kee Chong Li Kwong Wing, député du MMM


A quelques jours de la rentrée parlementaire, l’opposition semble aussi déstabilisée que le gouvernement. Un jour vous aimez le PTr, et l’autre, le MSM. Que se passe-t-il ?

Vous plaisantez ? Le MMM est aujourd’hui le symbole même de la stabilité. Il est devenu l’élément stabilisateur que recherchent les autres partis pour éviter l’effritement, surtout de l’intérieur. C’est pourquoi quand les partis viennent fraterniser avec le MMM, ils doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas lui imposer, selon le cas, son agenda dynastique ou sa lubie impériale. D’où votre impression de guerre et de réconciliation avec l’un ou l’autre parti. Il faut  l’Assemblée des délégués est là pour veiller à ce que ces choses-là n’arrivent pas.

Toujours est-il qu’avec ses positions contradictoires, le MMM donne l’impression de valser au gré des humeurs de ses adversaires. Cela ne risque-t-il pas de le déstabiliser ?

(Rires…) Bonne question. A bon entendeur, salut ! Cela dit, ce n’est pas vrai. Nous savons que nous sommes incontournables. Ils peuvent essayer de nous faire les yeux doux si s’ils le veulent et nous serons, certes, flattés mais fondamentalement, ils ne pourront pas nous imposer leur agenda. Ceux qui veulent travailler avec nous doivent le faire on our terms. Sinon nou al tousel !

Sauf que dès que Navin Ramgoolam ferait les yeux doux à Paul Bérenger, ce dernier lâcherait prise sur les dossiersembarrassants. N’est-ce pas frustrant un député de l’opposition sans agenda ?

Il faut remonter l’histoire pour comprendre cette relation insolite d’amour et de haine entre ces deux leaders. Paul Bérenger est hanté par ce vieux rêve de rebâtir le PTr des Curé, Anquetil, Sahadeo, etc. Il avait vu dans le jeune Ramgoolam, charmeur et non communaliste, un allié naturel, un dieu donné, qui lui permettrait de concrétiser ce rêve. Or, les militants ont vite réalisé que Ramgoolam est, en vérité, un faux prophète qui a embobiné les gens, qui a débauché de nombreux dirigeants militants et qui, maintenant, cherche à embrasser le MMM, pour mieux l’étrangler. Mais, aujourd’hui, lizie sat finn ouver. Nous sommes dans l’opposition et nous faisons notre devoir parlementaire sans complaisance, sans compromis. Ce ne sont pas des civilités et des fumisteries qui calmeront nos ardeurs d’opposants farouches à un régime sans scrupule et en déliquescence.

Cela peut s’appliquer à vous mais pas à votre leader certainement !

Je pense que vous avez tort. Bérenger sait que Ramgoolam est un faux prophète mais old habits die hard !

N’empêche, cela doit être dur pour les membres du MMM de vivre dans la peur que Bérenger retombe dans le piège de Ramgoolam à n’importe quel moment !

Pas du tout ! Car, au final, ce sont les militants qui décideront. Et nous avons bien vu que quand on leur parle d’alliance, ils ne sont pas intéressés. C’est quand on leur dit que nous irons seuls, qu’ils se réveillent. Eux, préfèrent la seconde option car ils savent que Navin pou touy nou et que Pravind nous étouffera avec sa dynastie.

Depuis quelques mois, nous vivons une instabilité politique néfaste pour le pays. Or, malgré toute cette fragilité et les scandales, Ramgoolam semble toujours contrôler la situation. Comment expliquez-vous cela ?

Vous dites bien «semble contrôler». Vous connaissez ce fameux dicton qui dit : «You can fool all the people some of the time, you can fool some people all the time, but you cannot fool all the people all the time» ? Au fond, les gens savent bien que Navin a fait son temps, que sa majorité ne tient qu’aux quatre députés de Xavier Duval et aux deux autres de Von-Mally, que la situation peut lui échapper à n’importe quel moment, et que les socioculturels seront les premiers à le poignarder dans le dos comme ils l’avaient fait auparavant avec Jugnauth père. Il ne peut surtout pas compter sur les transfuges ou les vrais travaillistes qu’il a marginalisés depuis longtemps. Alors demandez plutôt qui contrôle Navin ? Politiquement s’entend !

Et qui contrôle Navin ?

(Rires…) Mais ses transfuges, le PMSD et Von-Mally. Ramgoolam est condamné à compter ses moutons tous les soirs. Si bann la danse, li mor !

Excepté que «bann la pa pou danse» ! Bérenger a répété que cela allait arriver mais les événements montrent qu’il a tort !

(Rires…) Dan bwa ki ena dibwa ! Il n’y a rien eu jusqu’ici car c’était business as usual, malgré les scandales. Attendez la rentrée parlementaire, vous dis-je.

Justement, comment estimez-vous que le gouvernement a géré cette situation-là ?

De la pire façon qui soit. A un moment où la bonne gouvernance doit primer à cause d’une situation économique sans précédent causée par la gourmandise, quand le printemps arabe est venu à cause de la dictature dynastique, quand on a besoin de right people in the right place, quand la vraie démocratie et la transparence sont essentielles, ce gouvernement fait exactement le contraire. Intimider les adversaires politiques, harceler la presse, politiser les institutions, installer des protégés incompétents à la tête des institutions publiques clés, transformer la police en Big Brother, se permettre des scandales politico- financiers, renvoyer les élections municipales... Bref, je pourrais écrire un livre.

Parlons-en des institutions. L’ICAC se dit indépendante. Le PM clame qu’il ne s’y ingère pas et l’opinion a du mal à le croire. Mais vous ?

C’est triste de le constater, mais combien de personnes croient encore dans l’ICAC ? Pourtant, nous lui avons donné tous les moyens pour traquer les ripoux et coffrer les gros bonnets. Rs 135 millions par an et 155 employés. Et pour quel piètre résultat ! Force est de constater que l’ICAC n’a pas fait preuve d’efficacité, de cohérence et d’indépendance. Elle s’est taillé une réputation partisane et a perdu de sa crédibilité.

L’ICAC est donc un «joke» ? Elle est manipulée par soz, non ?

C’est qui «soz» ?

(Rires…)

Peut-on s’attendre à ce que l’atmosphère soit totalement différente de ces derniers mois au Parlement, à la rentrée ?

Nous serons plus nombreux dans l’opposition et déjà, cela changera la donne. Maintenant, si l’on prend en considération la qualité, cela risque de barder !

Cela risque aussi d’être un peu plus compliqué pour vous qui avez combattu assidûment Pravind Jugnauth depuis votre entrée au Parlement !

Je n’ai absolument aucun problème avec cela. Mon combat politique n’est pas guidé par la personne. Je m’attaquais à une politique économique que Pravind Jugnauth ne maîtrisait pas et qui, malgré ses grands discours et promesses, n’était pas une rupture de la politique de Sithanen.

Vous ne semblez pas avoir une très haute opinion de lui...

En tant que ministre des Finances et basé sur ce qu’il a fait ? Non. Il a péché par l’arrogance de son ignorance. C’est ce qui a fait qu’il a perdu l’autorité morale d’un leader de parti et ce, malgré tous les encensements de Nita Deerpalsing qui disait qu’il était un meilleur ministre des Finances que Rama Sithanen ! J’attendais de Pravind Jugnauth qu’il soit plus consistant, d’autant qu’il avait fortement opposé la politique de Sithanen. Mais quand il est arrivé au pouvoir, on a l’impression qu’il s’est dégonflé. C’est le reflet du malaise qui existait dès le départ au sein de cette alliance contre nature. Cela dit, je ne le féliciterai jamais assez d’avoir eu le courage de quitter le pouvoir en début de mandat et pas à la fi n comme, disons, un Bachoo !

Ah bon ? Et cela demande du courage ?

De quitter ce maroquin en début de mandat ? Mais, bien sûr ! Il aurait très bien pu se tenir tranquille comme Valayden ou Sithanen et rester pendant cinq ans. Or, il a dit «Assez !». Ne serait-ce que pour cela, il mérite notre respect.

Vous disiez que Deerpalsing avait trouvé Jugnauth meilleur que Sithanen. Depuis, elle a amendé son jugement, estimant que Xavier Duval sera le meilleur ministre des Finances de tous les temps ! Qu’en pensez-vous ?

Xavier Duval a fait ses armes dans le secteur privé. C’est un professionnel de carrière, un économiste et un comptable et il a fait le tour de tous les ministères clés de l’économie. Il n’a pas le droit d’échouer. Il a passé son CPE et sa Form V sous le professeur Navinchandra. Et il n’a pas le droit d’échouer à son HSC sous le même prof ! Mais quand j’entends Nita dire que Xavier fera mieux que Rama, j’ai des doutes. Est-ce que Xavier Duval pourra ménager ses parrains du secteur privé et la marraine de la démocratisation de l’économie ? D’autre part, s’il réussit effectivement son coup, ne ferait-il pas ombrage au professeur Navinchandra ? (Rires…) J’espère pour lui qu’il n’entendra pas son prof dire qu’il a revu et corrigé sa copie !

Et les municipales ? Ramgoolam aura-t-il le courage de les organiser ?

Damned if you do, damned if you don’t!

Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN

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