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L’Anglaise Roz Savage remporte son pari en cinq mois !

4 octobre 2011, 20:00

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L’Anglaise Roz Savage remporte son pari en cinq mois !

Jetée du Grand-Baie Yacht Club, hier à 11h47. Les ségatières commencentà se trémousser au son de la ravane. Tous les regards sont braqués sur le canot à rames long de sept mètres qui est remorqué dans le lagon.

 A son bord, l’Anglaise Rosalind (Roz) Savage, 43 ans, qui vient de remporter le pari de relier Freemantle, en Australie, à l’île Maurice, depuis 10h27, heure à laquelle elle a franchi la ligne d’arrivée située sur la longitude 57°37’.5 entre le Coin-de-Mire et Anse-la- Raie. Il lui a fallu cinq mois, jour pour jour – elle avait pris le départ le 4 mai vers 14h – pour devenir la première femme au monde à traverser à la rame en solitaire les trois grands océans.

Roz Savage, le teint basané, titube en posant pied sur la jetée sous les applaudissements de ses proches, de ses amis et des membres du Grand-Baie Yacht Club. Elle retrouve la station debout sur la terre ferme après cinq mois passés en mer. Sa mère Rita, d’origine sud-africaine, est là pour l’accueillir de même que

Tony Humphreys de Woodvale- Challenge et Jean-Edgar Merle, représentant du World Speed Sailing Record Council (WSSRC). Une flopée de photographes immortalisent ces retrouvailles, point final à un exploit hors du commun : elle vient en effet de vaincre 4 000 milles à la force de ses bras. Et en y ajoutant les 103 jours de la traversée de l’Atlantique en 2006 et celle du Pacifique en trois étapes de mai 2008 à mai 2010, elle totalise plus de 15 000 milles nautiques à son compteur.

«Je suis heureuse et en même temps terrifiée. Cette traversée est la plus longue que j’ai entreprise jusqu’ici. Après l’Atlantique et le Pacifique, l’océan Indien s’annonçait difficile.

Mais cela valait la peine d’être tenté. Il m’est arrivé de penser que je ne reverrais plus jamais la terre ferme. C’est d’une beauté incroyable là-bas. Des bancs de poissons se rassemblaient autour du bateau, certains faisaient des bonds spectaculaires haut dans le ciel et puis amerrissaient», confie Roz Savage, en proie à une grande émotion et revivant comme dans un rêve éveillé les instants de solitude magique passés sur l’eau.

«Me tester»

«Quand je pense aux années passées à ramer sur l’océan, je me dis que j’ai eu raison de me lancer dans cette aventure. Je voulais être heureuse. J’ai passé onze années dans un bureau à m’acquitter de tâches qui ne me plaisaient pas, dont je n’avais pas besoin. J’ai compris que tout cela n’avait plus aucun sens pour moi. Les gens me regardent et disent : «Elle a 43 ans, elle n’a pas de maison, elle n’a pas fait carrière.» Mais j’ai beaucoup appris de l’océan. La mer m’a beaucoup appris à mon propre sujet. Elle m’a appris à me voir telle que je suis, à être heureuse.

J’ai utilisé la rame pour militer en faveur de l’environnement.

Le fait d’avoir ce but dans la vie m’a rendu plus heureuse que ces jours anciens passés dans un bureau», ajoute-t-elle.

Roz Savage était consultante en management et investisseuse. «Ce n’était pas une mauvaise vie. La vie était agréable même. Mais quand je compare ce passé à ce que je vis aujourd’hui, je sais où va ma préférence», affirme-t-elle. Roz Savage estime que ce qu’elle vient de réaliser n’est pas un exploit. «J’ai toujours admiré les alpinistes, les marins qui font le tour du monde. Je n’avais jamais pensé que je pouvais aussi faire de pareilles choses. Je pensais que j’étais une personne ordinaire.

Mais les gens ordinaires peuvent aussi faire des choses extraordinaires. C’est une autre façon de vivre», assure-t-elle.

Roz Savage s’initie à la rame ordinaire durant ses études à l’université d’Oxford.

Elle avait peur en fait de prendre du poids. «Je détestais les exercices physiques à l’école.

J’étais petite et pas bonne du tout en éducation physique. J’ai commencé la rame et j’ai aimé.

Toutefois, il y a une grande différence entre ramer à huit sur une rivière calme et ramer seule sur une mer démontée. Quand j’ai décidé de me lancer dans l’aventure de l’aviron océanique, je voulais surtout me tester, me lancer un énorme défi . La rame me semblait un moyen possible pour relever ce défi », observe-t-elle.

Elle voulait en fait effectuer un tour du monde à la rame. «Mais on ne peut véritablement ramer autour du monde en raison de la direction des courants et des vents. J’ai changé d’objectif et j’ai choisi de traverser les trois grands océans, soit parcourir plus de 15 000 milles nautiques», remarque-t-elle.

Cinq millions de coups de rame…

Le 4 mai dernier, Roz Savage s’élance de Fremantle. Mais dix jours après, le dessalinisateur qu’elle utilise pour transformer l’eau de mer en eau douce tombe en panne.

Elle est contrainte de s’arrêter à Geraldton. Les réparations effectuées, elle reprend la mer mais cette fois, c’est le système électrique qui la laisse tomber deux jours plus tard. Nouvel arrêt sur une île au large de Geraldton, nouvelles réparations et nouveau départ. Heureusement, plus aucune avarie ne se dressera entre son rêve et l’île Maurice qu’elle a ralliée hier après cinq mois d’efforts et quelque 5 millions de coups de rame.

Roz Savage ne compte pas se lancer de nouveau défi océanique du même genre.

«J’ai appris tout ce que je pouvais apprendre de la rame. Je voulais effectuer une nouvelle traversée, celle de l’Atlantique Nord l’année prochaine. J’aurais relié New York à Londres que j’aurais ralliée au début des Jeux olympiques mais mon bateau a connu des ennuis.

C’est le même bateau que j’utilise depuis six ans maintenant.

Il a besoin d’être réparé et il ne serait pas prêt à temps. Mais il y a d’autres défi s qui peuvent être relevés. Je vais poursuivre le travail que j’effectue pour la préservation de l’environnement.

Je travaille en collaboration avec plusieurs organisations dont le Programme des Nations

Unies pour l’environnement», déclare-t-elle. Elle s’attaquera au mont Everest, situé dans la partie orientale de la chaîne de l’Himalaya. Elle sera à la tête d’un groupe d’aventuriers pour ce qui ressemblera plus à des vacances.

Le message qu’elle veut transmettre à l’humanité tient en ces quelques mots : «Beaucoup de personnes pensent que ce qu’elles font n’est pas suffisant pour faire la différence. Nous devons réaliser que l’addition de chaque petite action finit par produire quelque chose de vraiment énorme. Il m’a fallu 5 millions de coups de rame pour parvenir jusqu’ici. C’est la même chose pour l’environnement.

C’est au prix d’un effort similaire que nous conserverons la beauté du monde.» Roz Savage a appris à ne jamais abandonner, à méditer ce proverbe qui dit : «A chaque jour suffi t sa peine.» Durant sa première traversée, celle de l’Atlantique, elle avait fait un saut dans l’inconnu. Elle ne savait pas ce qui l’attendait.

«Les conditions météo étaient difficiles. Tout se cassait autour de moi. C’était horrible ! Le téléphone grâce auquel je parlais à ma mère s’est cassé aussi.

Mais elle m’avait dit de tenir bon. J’avais mal aux épaules. Je croulais sous le poids des frustrations.

Je voulais tout arrêter.

Et puis j’ai réalisé que je ne me le pardonnerais jamais si je mettais un point final à ma tentative. J’avais déjà ramé 1 000 milles. Cela valait la peine de continuer. J’ai appris une chose importante alors : ramer 4 000 milles semble impossible au prime abord. Pour y arriver, il faut ramer un jour.

Et puis poursuivre ses efforts un jour de plus», explique-t-elle.

C’est la même équation que Roz Savage applique aux problèmes liés à l’environnement.

«C’est la même chose quand il s’agit de lutter contre le plastique dans l’océan ou le dioxyde de carbone. Nous devons trouver quelque chose à faire et le faire, encore et encore.»

Il faut toujours aller, pour reprendre ses mots, bien au-delà de ce que nous pensons être nos limites.


 

Robert DARGENT

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