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Manière de voir : Je pense… donc, je suis ?
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Manière de voir : Je pense… donc, je suis ?
Voici sans conteste et de loin, le fi lm le plus original qu’on ait vu depuis des lustres. Tellement original en fait, que tenter de le décrire relève de la mission impossible et que le personnel toujours prévenant d’un cinéma de la capitale vous recommandera de prendre de l’aspirine avant de le visionner.
Disons, pour essayer de faire simple, qu’Inception, de Christopher Nolan, est comme une version plus complexe de Matrix, mais qu’il s’apparente aussi à Shutter Island dans sa logique et dans son rapport avec la réalité. Et comme dans le fi lm de Scorsese, Leonardo Di Caprio tient le premier rôle, à la différence près qu’il est cette fois un voleur d’un genre spécial : il est un «extracteur». C’est-à-dire que pour le compte d’un riche commanditaire, il s’introduit (via des électrodes) dans l’esprit d’un individu pour lui dérober une idée qui vaut une fortune. Sauf que cette fois, il tombe sur plus fort que lui : Saïto / Ken Watanabe, un richissime homme d’affaires japonais qui le contraint à faire l’inverse. C’est-à-dire, implanter une idée dans l’esprit d’un futur concurrent.
La personnalité de tout individu, nous explique C. Nolan tout en installant ses personnages, est constituée d’idées, de souvenirs vécus, d’images, etc. à travers lesquels cet individu se reconnaît. Et, s’y introduire équivaut à s’introduire dans un espace (terrain, maison, forteresse, cité) gardé contre toute intrusion.
Di Caprio doit donc attirer sa victime dans son rêve à lui, créant un espace dans lequel celle-ci sera amenée à abaisser sa garde et donnant au voleur l’accès à son esprit. Evidemment, ce genre d’opération nécessite la présence d’autres spécialistes, outre le voleur, ce qui justifie une belle galerie de personnages secondaires. Un spécialiste du déguisement (Tom Hardy), un spécialiste médical (Dileep Rao), un spécialiste pour la sécurité (Joseph Gordon-Lewitt) et surtout une «architecte» (Ellen Page) pour créer l’espace dans lequel la victime sera amenée à abaisser sa garde et où les voleurs seront à leur avantage.
Inception tient donc du fi lm de casse ou d’arnaque, mais à l’envers et en plusieurs dimensions, puisque l’action se situe dans les rêves. Les effets spéciaux y trouvent donc non seulement leur pleine justification, mais jouent aussi une part active dans le récit. Le centre de Paris plié en deux à titre de démonstration, une poursuite dans un «escalier paradoxal» et des combats en apesanteur dans les couloirs d’un hôtel… durant les quelques secondes d’éternité que dure la chute d’une fourgonnette. Car non seulement les rêves se moquent du temps, mais il y a aussi plusieurs rêves emboîtés les uns dans les autres. De plus, les idées propres d’un individu agissent à la manière d’anticorps (celles de la victime étant de surcroît «militarisées»), tout devient alors possible : non seulement des combats et des poursuites dignes des grands films d’action, mais aussi de véritables scènes de guerre, le film passant d’un rêve à l’autre. Dans cet univers plein de dangers, le cinéaste parvient à introduire une poignante histoire d’amour qui fi nit par être également la clé de tous les dangers : le souvenir d’une épouse décédée (Marion Cotillard) que le héros porte en lui.
Christopher Nolan a probablement créé un genre inédit : le thriller de science-fiction psychologique et philosophique dans lequel le rêve et la réalité se renvoient continuellement la balle. Cela tout en restant cohérent d’un bout à l’autre de son récit, expliquant et justifiant tout, même l’usage d’un Boeing 747. Brillant, quitte à voir le fi lm plusieurs fois pour s’assurer de n’avoir rien manqué… avec l’éventualité d’un recours à l’aspirine.
 
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