Plus de 27,000 suicides de paysans en Inde depuis 1997 sept suicides de paysans par jour en moyenne dans le courant de l’année dernière…

«On peut rire de tout, tant que le rire reste la politesse du désespoir», disait Pierre Desproges.

Peepli []Live], petit film indépendant signé Anusha Rizvi, est une comédie autour du désespoir, justement : celui de Natha/Omkar Das Manikpuri, paysan ruiné dont les avoirs (une petite ferme et un maigre lopin de terre) sont en passe d’être saisis. Pour la survie des siens, Natha n’a d’autre alternative que de leur faire toucher cette compensation de Rs 100, 000 qu’offre le gouvernement en cas de suicide du chef de famille, c’est-à-dire lui.

Toutefois, ce malheureux paysan est bien le seul et unique désespéré de cette histoire. Car, non seulement son projet suscite l’enthousiasme de ses proches (à l’instar de son jeune fils), mais attire aussi toutes sortes de vautours, notamment des politiciens et des reporters pour des chaînes de télévision.

Par exemple, les politiciens ou «dalits» lui offrent une pompe à eau sans lui donner de quoi l’installer et la faire fonctionner.

Produit par l’acteur Aamir Khan, Peepli []Live] évoque le cinéma néo-réaliste italien des années 1940- 50 de par son sujet et sa démarche, mais reste un film très indien dans la véhémence et la crudité du propos.

On aura rarement vu un film à la fois aussi acerbe dans la satire et aussi solidement écrit.

Egalement responsable du scénario, la réalisatrice Anusha Rizvi développe son récit d’une main de maître en n’épargnant rien ni personne et en montrant tout au spectateur.

Car, à travers l’humour grinçant, c’est bien la misère humaine qu’on voit étalée au grand jour : celle des paysans qui (pour une fois) ont véritablement l’air de paysans, Omkar Das Manikpuri en tête, à l’aspect mal nourri, vêtu de haillons.

Le film est porté par des acteurs hors Bollywood pour la plupart et qui sont exceptionnels tant par leur talent que par leurs parcours individuels. Omkar Das Manikpuri, par exemple, est acteur de théâtre. Farrukh Jaffer, interprétant la mère grabataire de Natha, détient une maîtrise en ourdou et Shalini Vasta (Dhaniya, l’épouse de Natahn) a un doctorat en Science politique. Cela nous fait un film avec des têtes pensantes.

Avouez que tout cela nous change des films à paillettes de Bollywood !

G.N.

G.N.