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Mario Désiré Bienvenu Maire de Curepipe « Je sens une force en moi »
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Mario Désiré Bienvenu Maire de Curepipe « Je sens une force en moi »
Ado, il se prenait pour Schwarzie. Adulte, il est devenu Rocky. Aujourd’hui, on lui dit qu’il est l’«Elu». Monsieur le maire ne sait plus trop. En attendant, il reçoit en débardeur, nous conduit dans sa salle des trophées et s’assoit sur un banc de muscu: «Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?» Et si on commençait par le début ?
Votre histoire commence en 1964. Cette année-là, l’état civil de Curepipe enregistre la naissance de «Mario Désiré Bienvenu». Avec un nom pareil, la vie s’annonce belle...
Un enfant de l’amour, n’est-ce pas ? (Rires) Mes parents ont choisi ce prénom en référence au père Jacques- Désiré Laval. Je suis né ici, à Cité- Atlee, il y a 48 ans. Je vis toujours dans la même maison.
Avec mes quatre frères et sœurs, nous avons eu une enfance modeste mais heureuse. Papa était charpentier à la municipalité de Curepipe, maman couturière. J’ai pu étudier jusqu’en Form VI. A cet âge-là, je ne jurais que par le sport : le foot, l’athlétisme et le volleyball []Cette dernière discipline lui a valu quelques sélections nationales, ndlr].
Ado, votre truc, c’est la testostérone. Vos idoles s’appellent Stallone, Schwarzenegger, Chuck Norris. Pour leur ressembler, vous devenez accro à la muscu et au bodybuilding…
J’admirais les corps parfaits, alors je me suis mis à soulever des poids plusieurs heures par jour, puis à enchaîner les concours. C’est comme ça qu’à 19 ans, je suis devenu Mister Curepipe junior, puis Mister Mauritius. C’était l’époque des Rajen Sabapathee, Mario Casimir, Sylvain Lily...
L’époque aussi des anabolisants ?
Je n’ai jamais rien pris, je le jure.
C’était quoi cette quête : devenir un obèse musculaire ?
Il y avait un peu ça. Avoir de gros muscles était une lubie d’ado.
 
A 21 ans, en rentrant chez vous après une séance de musculation, vous passez devant l’école de boxe française. Vous décidez d’entrer
Ça me tentait depuis longtemps. Je frappe, on m’ouvre et je fais mon premier entraînement dans la foulée… en pantalon de ville. Je ressors de là emballé.
Un an plus tard, en 1986, vous êtes sacré champion de Maurice.
Je boxais en catégorie poids lourds, il y avait peu de concurrence. J’étais hyper-motivé et la fédération me poussait. A cette époque, je gagnais ma vie en faisant la plonge à l’hôtel Le Chaland, près de l’aéroport. Entre deux coups d’éponge, j’allais taper sur un sac.
 
En 1991, premier championnat du monde. La légende raconte que vous cherchiez des sparring-partners…
Ce n’est pas une légende. A Maurice, je n’avais plus d’adversaire. Je suis allé à ces championnats pour m’entraîner. Finalement, je termine troisième.
Ces entraînements, vous y prenez goût. Vous y retournez et vous revenez vice-champion du monde.
Oui, deux fois. A ma première finale, en 1995, je suis KO au bout de 45 secondes, je n’oublierai jamais. En 1997, je perds contre un gars que j’avais déjà battu, une grosse déception. Finalement, ma troisième finale sera la bonne.
 
En 2002, à Charleroi (Belgique), vous devenez enfin champion du monde...
Ce qui est drôle, c’est que je n’avais pas prévu d’y aller. Je continuais à m’entraîner mais je ne me tenais plus au courant du calendrier international. Un matin, mon entraîneur débarque à la maison et me dit : «Mario, ça te dit les championnats du monde ? C’est dans 15 jours». J’ai emprunté Rs 35 000 pour le billet d’avion et je suis parti.
 
C’était il y a 10 ans. Aujourd’hui, de quoi vivez- vous?
Je suis responsable d’une équipe de sport et de fitness au Sugar Beach Hotel, à Flic- en- Flac.
 
La politique, ça commence quand et comment ?
Avec Eric Guimbeau, il y a une vingtaine d’années. Notre première rencontre a eu lieu juste en bas de chez moi, à l’Atlee Sporting Club, on était membres tous les deux. Entre nous, ça a vite accroché. Notre vraie collaboration remonte aux élections générales de 2000. Avant la campagne, Eric me demande de lui donner un coup de main. En gros, il veut que je sois son agent à Cité-Atlee. Faire de la politique ne me disait rien. Marcher avec des politiciens, c’est super mal vu dans ma cité.
 
Mais vous acceptez…
Oui, parce que c’est Eric, parce que c’est quelqu’un de correct. Le jour du vote, il sort en tête de liste []Sous l’étiquette MSM-MMM, ndlr]. Depuis, on ne s’est plus quittés.
 
En 2005, il vous envoie à la bataille des municipales à Curepipe. Vous ratez l’élection de 15 voix. Un échec ou un bon apprentissage ?
Un échec. Mon sacre de champion du monde m’avait rendu populaire, je pensais que cette popularité me porterait jusqu’à la municipalité. Je suis tombé de haut.
 
Il y a un mois, quand vous décidez d’être de nouveau candidat, vous imaginiez pouvoir devenir maire?
 (Direct) Pas une seule seconde! Sur les 15 candidats du MMSD, je suis le seul élu et je me retrouve dans le fauteuil de maire, elle est quand même incroyable cette histoire. Moi- même, j’ai du mal à réaliser. Je ne crois pas en la chance, je pense que cela vient d’en haut.
Tous les jours, je croise des gens dans ma cité qui me disent : «Mario, tu es l’Elu». Je commence à me demander s’ils n’ont pas raison.
 
Pourquoi Dieu aurait- il choisit un messager bodybuildé ?
(Rires) Sérieusement, pourquoi moi ? Je réentends les mots d’Eric le jour des résultats : «Nou gayn enn, li kouver tou», tout ça me travaille… (Il cherche ses mots.) C’est difficile à exprimer, mais je sens une force en moi. Je suis quelqu’un de timide et de peu bavard, mais depuis la campagne, tout a changé. Je n’ai plus peur d’aborder les gens. Le porte-à-porte, que je redoutais tant, est devenu naturel. Kom si mo ena enn lafors dan mwa, enn lafors ki pouss mwa. Cette campagne m’a changé. Maryline, ma femme, me l’a fait remarquer.
Votre élection est le fruit d’une entente avec la majorité gouvernementale. De fait, le MMSD est-il encore un parti indépendant ?
Il l’est toujours, nous n’avons fait aucune alliance.
L’Elu joue sur les mots, vous avez passé un accord…
Cela ne change rien : au Parlement, Eric restera assis du côté de l’opposition. Le choix de s’associer à la majorité est simple : nous sommes allés au plus offrant. L’alliance PTr-PMSD a accepté nos deux conditions, c’est-à-dire le fauteuil de maire et carte blanche pour appliquer notre programme. L’opposition, elle, n’acceptait pas ces conditions. Et puis, c’est plus facile de développer une ville quand on a le soutien du gouvernement, le choix était donc vite vu.
 
Qui a pris la décision ?
Ni moi, ni même Eric, mais le parti tout entier. On a consulté nos électeurs, puis on a convoqué une réunion avec nos agents et nos activistes.
Vous dirigerez la ville avec 4 conseillers travaillistes, 3 élus PMSD, 5 MMM et 2 MSM. Desquels vous méfiez- vous le plus ?
Je ne me méfie de personne.
 
Quitte à vous faire manger tout cru ?
Les deux alliances ont expliqué qu’elles avaient le même programme que nous, pourquoi devrais-je être méfiant ?
 
Parce que vous êtes le seul à n’avoir aucun coéquipier.
Sur le papier, ça a un côté seul contre tous, effectivement, mais nous réussirons à travailler ensemble dans l’intérêt des Curepipiens. Je sais aussi que je devrai mettre de l’eau dans mon vin, en faisant preuve de souplesse, en considérant toutes les suggestions, peu importe la couleur politique.
 
Quand on ne fait élire qu’un conseiller, est-on légitime pour diriger une ville ?
Il faut être honnête : le match nul (7- 7) entre la majorité et l’opposition est un vrai coup de pouce du destin, mais je ne me sens pas illégitime, non.
 
Un coup de pouce du destin ou un « hold-up» ?
Nous n’avons rien volé que je sache.
 
Que savez- vous de la gestion d’une ville ?
Pas grand- chose, mais je ne suis pas le premier maire inexpérimenté. Je vais apprendre sur le tas, me donner à fond. Petit à petit, je vais augmenter mon savoir-faire.
 
Le fait de pouvoir coller une droite au premier qui vous casse les pieds, ce sera un atout ?
(Rires) Sur un ring, oui, mais pas en dehors. Mon atout sera ma flexibilité. Notre programme aussi, qui est solide.
 
Quelles sont les deux ou trois promesses de campagne que vous voulez vite mettre en œuvre?
Relancer les activités sportives. Le sport est mort à Curepipe, c’est ma priorité avec l’emploi. Je veux créer une plate- forme qui mettra les entreprises directement en relation avec les demandeurs d’emplois. Mais mon premier job sera d’aller dans les quartiers, tous les quartiers. Je veux rencontrer les forces vives, les religieux, discuter avec ceux qui pourront m’aider à identifier les problèmes. A partir de là, j’établirai une feuille de route. J’ai appliqué cette méthode dans le ward 4, je veux maintenant la dupliquer à l’ensemble de la ville.
 
Cela implique d’être un maire à temps plein.
Je vais négocier ça avec mon employeur.
 
La boxe, la musculation, c’est fini ?
Sûrement pas ! Je continuerai à m’entraîner au quotidien entre 5 et 6 heures du matin. Si vous m’enlevez ça, vous me tuez.
 
Ce mandat pourrait vous donner goût à la politique ?
J’en suis sûr. Si je travaille bien, mon leader et les Curepipiens me pousseront à aller plus loin. Dans un coin de ma tête, il y a les élections générales de 2015.
 
Vous vous voyez député ?
La question est prématurée, je dois faire mes preuves, mais oui, pourquoi pas.
 
Qu’avez- vous appris sur un ring qui vous servira pour administrer une ville ?
Je sais encaisser les coups sans m’affoler. La seule chose que je redoute un peu, c’est qu’en politique, les coups bas sont plus nombreux que sur un ring. Mais je m’y suis préparé.
 
Ce qui vous attend vous fait peur ?
Je mesure le poids des responsabilités, mais je ne ressens pas une pression écrasante.
 
Vous ne jouez pas seulement votre avenir, mais aussi la crédibilité du MMSD.
Eric fait tout pour me mettre à l’aise, il n’y a pas de raison que ça se passe mal. Il m’aidera.
 
C’est lui qui tirera les ficelles ?
Je n’ai pas dit ça, mais j’irai vers lui, c’est certain.
 
Si vous ne deviez faire qu’une seule promesse aux Curepipiens, en complétant cette phrase : « Je serai le maire qui »
(Longue réflexion) Je serai le maire qui vous soulagera de vos soucis quotidiens.
 
C’est ambitieux...
Vous croyez que l’on devient champion du monde sans ambition ?
Sur la porte de votre bureau sera écrit « Bienvenu ». Comment travailler en paix ?
(Il éclate de rire.) En ajoutant sous mon nom, en gros caractères, les horaires de réception du public !
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