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Mayotte : La police a des quotas de sans-papier à expulser
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Mayotte : La police a des quotas de sans-papier à expulser
Avec plus de 16 000 reconduites à la frontière en 2007 contre 25 000 pour toute la France métropolitaine, où va la République dans un contexte si particulier ? : c’est la question que se posent Jean-Marie Pernelle et Frédéric Lambolez dans un documentaire de 52 minutes, “Mayotte, où va la République ?”.
“À Mayotte, plus de 10% de la population est reconduite à la frontière chaque année. On est dans une logique de chiffres…” : Jean-Marie Pernelle et Frédéric Lambolez sont deux auteurs réalisateurs, responsables d’En Quete Prod. Ils vivent à la Réunion depuis plusieurs années. Depuis 2007, ils réalisent des films documentaires sur les enjeux liés au développement de la zone océan Indien.
Dans “Mayotte, où va la République ?”, ils présentent des clandestins de l’île aux parfums, département qui subit de plein fouet les conséquences de la lutte contre l’immigration clandestine du gouvernement français. “Des conséquences très graves”, commente Jean-Marie Pernelle qui, avec son co-réalisateur, ont donné la parole à tous les acteurs de cette politique (le préfet, les douanes, la PAF, et les clandestins eux-mêmes) dans leur documentaire. Un 52 minutes diffusé hier soir au cinéma Plaza de Saint-Denis dans le cadre du Festival international du Film des Droits de l’Homme de la Réunion. “Mais il n’y a pas de parti pris” selon les réalisateurs. Les Comoriens sont venus s’installer à Mayotte depuis des années pour se soigner, pour que leurs enfants aillent à l’école où le système éducatif offre des écoles primaires, des collèges et des lycées. Mais le droit du sol a laissé la place au droit du sang et avec le changement de statut, les Comoriens ont dû débourser de 10 à 300 euros pour se faire soigner. “La République s’applique pour les gens qui sont sur son territoire et qui ont droit au système collectif. Mais la politique menée par le gouvernement est antinomique avec la République, basée sur l’égalité et les droits de l’homme”. Si beaucoup reconnaissent que la loi doit s’appliquer, ils estiment que ces Comoriens ont le droit d’éduquer leurs enfants et de se faire soigner sur le sol mahorais.
« Est-ce une politique de rejet ? »
Or, on voit “la police à la sortie de l’école, à la sortie des dispensaires, entrer chez des gens sans mandat d’arrêt pour les emmener et les expulser”. Dans le documentaire, un policier témoigne anonymement et avoue que la préfecture leur donne tous les jours des quotas de sans-papier à arrêter. Ainsi, des adolescents deviennent, du jour au lendemain sur des papiers officiels, des fils de personnes qu’ils ne connaissent même pas, mais déjà expulsées, et se retrouvent sur un bateau entre Mayotte et Anjouan. “Est-ce une politique de rejet ? Çelà va amener quelque chose de grave. Vu de l’extérieur, Mahorais et Comoriens forment une communauté. Il y a des grands mariages entre eux… Là, on dit aux Mahorais, vous restez Français et vous, Comoriens, vous êtes rejetés. C’est infernal pour des milliers de familles”, analyse Jean-Marie Pernelle qui affirme également que “le peuple mahorais n’adhère pas à ces réductions à la frontière massive mais a du mal à s’exprimer. Mayotte est encore fragile et l’État français impose des choses. Les élus, eux, souhaitent plus de crédits, plus d’implication de la France et adhèrent donc à cette politique pour repousser les Comoriens. Une grande majorité entretient leur petit pouvoir en étant vendus à l’État français”. Au-delà, il estime que “si les Mahorais sont contents d’être Français, ils disent que ce n’est pas normal de chasser les Comoriens”. Lors de ses déplacements réguliers à Mayotte, le réalisateur dit assister à “une déperdition de la culture mahoraise” et de la convivialité. “On est dans le rejet, pas dans l’union. On voit apparaître des tags anti comorien. Çà va aller en s’empirant…”
Juliane Ponin-Ballom
(Source : Le Journal de l’île de la Réunion)
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