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Michaël Sik Yuen, ministre du tourisme : « Quand il faut ouvrir ma gueule, je l’ouvre »
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Michaël Sik Yuen, ministre du tourisme : « Quand il faut ouvrir ma gueule, je l’ouvre »
Il est décontracté et d’humeur presque rigolarde. Sa sortie à l’arme lourde contre l’Association des hôteliers et des restaurateurs (Ahrim) ? Du passé. OK, mais va quand même falloir s’expliquer…
C’est Miss Rio qui vous a calmé ?
Calmé ?
Depuis que vous fréquentez des dames à plumes, vous fichez une paix royale à l’Ahrim.
(Rire) Je suis le plus cool des cools. Mais je peux devenir le plus méchant des méchants. Tout est possible avec moi. Je suis un gardien de but qui peut scorer.
Scorer ou dénigrer ?
Je n’ai jamais dénigré personne.
« L’Ahrim est une association dépassée. Elle ne fait rien de concret, ne vaut rien, zéro. » Vous appelez ça comment ?
Il fallait dire des choses, je les ai dites. Tout est réglé maintenant. Il n’y a plus de problème. A vrai dire, il n’y en a jamais eu.
Regrettez-vous vos mots ?
Je ne regrette rien. Quand il faut ouvrir ma gueule, je l’ouvre.
Vous savez qu’à l’Ahrim, ils n’en ont pas dormi pendant plusieurs nuits ?
Je ne crois pas. Nous avons discuté, l’incident est clos.
Nous, c’est qui ?
J’ai reçu François Eynaud lundi à mon bureau []le président de l’Ahrim, ndlr]. Jeudi, j’ai croisé Jocelyn Kwok []le CEO] à une conférence de presse. Tout a été réglé, je vous dis.
Vous les avez tapés ?
Pas encore ! (Rires)
C’est le discours de François Eynaud (lors de son élection le 25 juin) qui vous a mis les nerfs en pelote ?
Je ne l’ai même pas lu, ce discours. Par contre, j’ai lu la première mouture. Je n’ai pas aimé et je l’ai fait savoir. La seconde version était plus soft, paraît-il.
Mais vous avez quand même boycotté l’invitation…
Oui. Je suis un homme franc. Ce qui m’a plus emmerdé, c’est la déclaration de Jocelyn mercredi à la radio. Il y avait trop de négatif. Je reconnais que tout n’est pas rose.
Oui, notre industrie a des difficultés. Mais nous avons le devoir de régler les problèmes ensemble, en équipe. Crier ne me dérange pas, mais pas dans les médias. J’aurais préféré que les dirigeants de l’Ahrim s’adressent directement à moi.
Encore faut-il que votre porte soit ouverte…
Je suis un homme très accessible, surtout pour les hôteliers ! Même si mon agenda est plein, je trouve toujours une solution pour organiser une rencontre en moins de 24 heures. Bref, la page a été tournée. There’s no more any problem.
Le calumet de la paix, lundi, c’était comment ?
Ce n’était pas la guerre, nous n’avons pas eu besoin de calumet. François et moi, on s’est parlé une bonne demi-heure. Nous avons mis nos différends à plat. Lui comme moi nous savons que nous devons travailler ensemble.
Après, si certains hôteliers ne souhaitent pas travailler avec le ministère, c’est leur problème.
Vous êtes-vous excusé ?
Non.
Et si Miss Rio vous le demandait ?
Je n’ai pas à m’excuser. Je bosse dur, je dors peu et notre tourisme s’en sort plutôt bien.
Ils veulent crier ? D’accord, crions. Mais dans un bureau. Ils crient à la radio, je crie à la radio aussi. C’est la façon de faire qui m’a déplu. Vous voulez régler un problème ? Asseyons- nous. Vous préférez la rue ? Alors rendez-vous dans la rue.
On a bien compris que le style vous a heurté, mais sur le fond, le diagnostic de l’Ahrim n’est-il pas le bon ?
Je vais vous dire mon diagnostic : 63% de nos touristes sont des Européens.
Quand on ajoute La Réunion, ça fait 75%. Il faut commencer à penser autrement, à bouger vers d’autres marchés, surtout en basse saison. Il y a des opportunités à saisir partout : les conférences, les mariages, les Indiens, les Chinois.
L’Ahrim dit la même chose.
Maintenant oui. Nous avons un autre problème : Maurice n’est pas assez visible sur Internet. Vous savez ce que m’a dit un Brésilien ?
Un ou une ?
(Il fait mine de ne pas entendre)
Avant de venir au carnaval, il ne savait même pas que l’île Maurice existait ! Mettre Maurice sur la carte, c’est notre job à tous, celui du ministère, de la MTPA, de l’Ahrim.
Reprenons point par point le diagnostic de François Eynaud…
Point avec un « T » ?
Oui, rangez votre uppercut. Premier extrait du fameux discours : « Très peu d’hôtels et de restaurateurs s’en sortent actuellement. Leur profitabilité a drastiquement baissé ou complètement disparu. » Mensonge ?
Je me fous de ce que dit l’Ahrim. Tout ça, c’est du business. C’est à eux de s’adapter et de proposer des stratégies. Moi, je suis là pour les aider. Après, s’ils restent les bras croisés…
Deuxième extrait : « Maurice a perdu de son attractivité. D’autres destinations font beaucoup mieux que nous. » Tromperie ?
C’est faux. Maurice reste la destination la plus attractive des îles de la région. Les Seychelles ont attiré 185 000 touristes en 2011. Nous 964 000. D’accord, en termes de croissance, certains font mieux que nous. Mais ce que l’Ahrim ne dit pas, c’est que leur base est plus petite. 20 000 touristes
 de plus aux Seychelles, ça vous fait 10% de croissance.
Pour avoir ça à Maurice, il faut gagner 100 000 touristes. L’Ahrim cherche la petite bête, ça m’agace.
Poursuivons : « Maurice fait moins rêver et a perdu de son prestige. Une étiquette “tourisme de masse” a fait fuir une partie de notre clientèle haut de gamme. » Une fable ?
(Il réfléchit) Pourquoi croyez-vous que j’ai mis en place un système de classification des hôtels ?
Vous reconnaissez donc qu’il y a un problème ?
Oui. Mais où était l’Ahrim quand j’ai fait fermer l’hôtel d’un de leur membre ? Je n’ai entendu personne à l’époque, ni M. Eynaud, ni M. Kwok.
Les bouches étaient cousues.
Extrait suivant : « Notre politique d’accès aérien manque de cohérence et de réactivité. »
C’est vrai, il y a un problème d’accès.
Vous voyez qu’il n’y a pas que des grincheux à l’Ahrim.
Il y a des points sur lesquels je les rejoins. Sur l’accès aérien, effectivement, nous avons un problème. Mais un comité travaille dessus. Il y aura un nouvel aéroport très bientôt. Le gouvernement a approuvé de nouveaux vols.
Aeroflot, quatre vols par semaine en provenance de Russie. Mega Maldives, un vol hebdomadaire Beijing-Maurice direct. On n’attend plus que le feu vert des autorités chinoises.
Et finalement, conclut François Eynaud, « il y a urgence pour une révision complète de notre stratégie touristique ». C’est ce que vous dites aussi, non ?
Je dis qu’il faut s’adapter. Le ministère s’adapte. Les hôteliers de l’Ahrim commencent à le faire.
« Le ministère s’adapte ». Concrètement…
Je suis un marketeur, ça a toujours été mon boulot. Le tourisme, c’est d’abord une question de stratégie marketing.
Et moi, je baigne là-de dans depuis tout-petit. Le job, c’est de venir avec des idées pour déclencher l’envie de voyager. D’où le carnaval et la Shopping fiesta. Et l’on ne va pas s’arrêter là. Bientôt, il y aura une Culture fiesta, une Golf fiesta, une Kitesurf fiesta...
Une Ford Fiesta ?
Plus tard.
Alors comme ça, le kitesurf vous botte…
Je ne pratique pas, non.
Vous êtes plus samba et capoeira, on a bien compris…
(Rire) Le but, c’est d’organiser des événements pour créer du buzz. Le kitesurf attire de plus en plus de monde, c’est devenu un niche market.
N’empêche que les écoles de kite attendent d’être régularisées. Pourquoi les permis ne sont pas délivrés ?
La Tourism Authority y travaille.
Oui, depuis des années…
Ecoutez, je suis là depuis 10 mois. Quand je suis arrivé, il y avait plus de 3000 dossiers en retard. Il fallait attendre un an pour que la Tourism Authority vous réponde juste « oui » ou « non ». Aujourd’hui, le travail avance. Nous avons amélioré la sécurité dans les hôtels. Nous finalisons les règlements du dolphin watching. On travaille sur la sécurité en mer. La régularisation des écoles de kite viendra.
Un peu de patience.
Dans quelques jours, des vols charters en provenance de Chine atterriront à Plaisance. Ces vols seront affrétés par des groupes hôteliers...
(Il coupe) Qui vous a dit ça ?
C’est inexact ?
C’était l’idée des hôteliers, je les ai encouragés. Maurice et la Chine ont signé un accord pour 14 vols par semaine.
Or dans les faits, il n’y en a qu’un : le Maurice-Shanghai d’Air Mauritius, qui fait escale à Kuala Lumpur. J’ai donc dit aux hôteliers : « Allons chercher des avions. »
Et…
Ils n’en ont pas trouvé, l’opération a été annulée.
C’est vrai ce mensonge ?
Vous voulez parier avec moi ? (il tend sa main.)
Non, vous gagnez toujours. Autre chose : vous pestiez cette semaine contre les hôtels qui « get figir »...
Oui, parce nous avons failli perdre un mariage indien. J’ai dû intervenir.
Ça veut dire quoi, intervenir ? Prendre son téléphone et insulter un CEO ?
Le CEO n’était même pas au courant ! C’est le département marketing qui a pris la décision. En fait, il y avait de l’exagération au niveau des tarifs pour faire fuir les clients.
Quel intérêt un hôtel aurait-il à faire fuir des clients ?
Erreur de stratégie !
Sinon, vous êtes resté combien de temps dans les bouchons dimanche dernier ?
J’ai quitté Flic-en-Flac vers 23 h, ça roulait. Les retombées du carnaval seront très positives, vous verrez. Il y avait une centaine de journalistes étrangers : en termes de pub, ça va être énorme. J’admets qu’il y a eu quelques couacs, comme les embouteillages, mais c’était une première, on va s’améliorer pour les prochaines éditions.
Vous étiez déguisé en Jocelyn Kwok ou en François Eynaud ?
Pas eu le temps de trouver un déguisement.
Miss Rio, elle, vous l’avez trouvée…
Jaloux ! Je vous la présenterai, promis.
(Source: Lexpress Dimanche)
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