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Michelle Carinci, CEO de Lottotech : « Au loto, aucune tentative de fraude n’a jamais réussi »

23 septembre 2013, 10:26

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Michelle Carinci, CEO de Lottotech : « Au loto, aucune tentative de fraude n’a jamais réussi »

Depuis le mercredi 18 septembre, le responsable de communication de Lottotech est en garde à vue. Le premier gros couac pour la CEO canadienne Michelle Carinci… qui en a vu d’autres.

 

La loterie nationale « habite » dans une banque [le HSBC Centre, à Ebène, ndlr]. Tout un symbole ?

(Rire) Effectivement, ce n’est pas un hasard. Dans notre industrie, inspirer confiance est primordial. Les banques, comme nous, mettent en avant les valeurs d’intégrité et de crédibilité.

 

Testons votre crédibilité. Quels sont les numéros du prochain tirage ?

(Rire) Ça, c’est impossible à dire !

 

On ne le répétera pas, promis…

Impossible de chez impossible !

 

Cet entretien n’a donc aucun intérêt, au revoir madame…

Rasseyez-vous, s’il vous plaît (rire)

 

Pourquoi votre responsable de communication, Stellio Antonio, estil en garde en vue depuis mercredi ?

Je n’en sais pas plus que les journaux. Depuis son arrestation, je n’ai eu aucun contact avec M. Antonio [Il est suspecté d’avoir comploté avec Teemul Gokool, lequel aurait tenté de se faire passer pour le vainqueur du jackpot de 28 millions, lors du tirage du 7 septembre dernier, ndlr].

 

Ça ne vous intéresse pas de connaître la version de votre employé ?

Nous l’aurons. Une enquête interne est en cours.

 

Il était dans la combine, d’après vous ?

Je ne sais pas, honnêtement. Nous n’avions jamais eu le moindre problème avec lui auparavant, aucun soupçon, jamais. La confiance est essentielle dans notre métier. En 38 ans de carrière, ce n’est pas la première tentative de fraude que je vois, mais aucune n’a jamais réussi.

 

N’empêche que la crédibilité du loto prend un coup…

Au contraire ! Notre système de contrôle a démontré sa fiabilité en déjouant l’arnaque. Le faux gagnant a été démasqué, et le vrai, celui qui a coché les 6 bons numéros, touchera son jackpot.

 

Vous faites un drôle de métier...

Ah, c’est un métier passionnant ! Nous pouvons changer la vie des gens... (On coupe)

 

Vous gagnez la vôtre grâce à un impôt sur les gens qui ne comprennent rien aux statistiques, c’est très fort…

Je ne suis pas d’accord. L’impôt, vous n’avez pas le choix, vous devez payer. Au loto, rien ne vous oblige à jouer.

 

Rappelez-nous : quelles sont les chances de gagner le gros lot, statistiquement ?

Une chance sur 3,8 millions. Mais une vie peut changer avec un gain de Rs 100 000, pas forcément avec Rs 20 millions. Depuis le premier tirage, il y a presque quatre ans, 99 personnes ont remporté le jackpot et 98 sont venues réclamer leurs gains.

 

La 99e a déménagé sur Mars ?

Soit elle a perdu son ticket, soit elle ignore qu’elle a gagné. Nous n’avons pas son identité, nous savons juste qu’elle a validé son ticket à Vallée-Pitot, le 24 août dernier. C’était il y a moins de six mois, donc cette personne peut toujours venir chercher son chèque. Si elle ne le fait pas, l’argent ira au National Solidarity Fund.

 

Chaque jour, en moyenne, les Mauriciens dépensent Rs 7 millions en tickets de loto et en cartes à gratter. C’est quoi votre secret ?

Un bon marketing. Nous sommes sur le marché des loisirs, nos concurrents sont Coca-Cola, les cinémas ou les centres commerciaux. Le marketing est déterminant.

 

Si le loto peut changer des vies, comme vous dites, il peut aussi en détruire....

Non, les joueurs mauriciens sont intelligents, ils gèrent leur budget loisirs de façon responsable.

 

Intelligent et addict, ça existe…

Le loto n’est pas le casino, il ne crée pas d’addiction. Nous avons énormément de joueurs, mais ils misent peu, Rs 100 par semaine en moyenne. Au casino, c’est le contraire, les joueurs sont peu nombreux mais ils misent gros.

 

Maurice est un des rares pays au monde à n’avoir fait aucune étude sur les conséquences des jeux d’argent. Les études mondiales, elles, estiment qu’entre 1 et 3% de la population est atteinte d’addiction. A Maurice, cela pourrait concerner entre 13 000 et 40 000 Personnes....

Nous nous sommes engagés à promouvoir le jeu responsable et nous le faisons. Pour Maurice, je n’ai pas de chiffre, mais je sais qu’en Europe et en Amérique, 1 à 2 % de la population est victime d’addiction aux jeuxd’argent. Au Canada, par exemple, on joue de plus en plus, mais les problèmes n’augmentent pas pour autant car les entreprises encouragent aussi de plus en plus le jeu responsable.

 

Quel part de votre chiffre d’affaires annuel consacrez-vous à la promotion du « jeu responsable » ?

C’est difficile de répondre car toutes nos actions incluent la dimension « jeu responsable », nous n’avons pas un budget spécifique.

 

Vous avez roulé votre bosse de la loterie dans une dizaine de pays répartis sur trois continents. Les Mauriciens sont-ils plus joueurs que les autres ?

Les Mauriciens aiment jouer, c’est certain, mais avec le loto et les cartes à gratter, ils sont modérés, ils ne jouent pas au-delà de leurs moyens. S’ils ne l’étaient pas, les mises auraient flambé, or c’est l’inverse qui se produit. Elles sont passées de 3,2 milliards la première année à 2,5 milliards la troisième. Il faut dire que la crise n’aide pas. Généralement, mieux l’économie se porte, plus les gens jouent.

 

Y-a-t-il un joueur type ?

Non, tout le monde joue au loto à Maurice. On note cependant des tendances, les joueurs les plus réguliers appartiennent à la classe moyenne. Ils misent surtout en fin de mois, en fonction de leur budget loisirs, ou quand le jackpot est important. Globalement, les mises pour le loto augmentent de 1 à 2 % par an. En revanche, pour les cartes à gratter, on enregistre un léger repli. L’attrait de la nouveauté compte beaucoup pour ce type de jeux. Pour maintenir l’intérêt du public, nous lançons régulièrement de nouvelles cartes. Mais le loto est de loin le jeu le plus rentable pour Lottotech.

 

Des enquêtes ont été menées à l’étranger sur ces fameuses cartes à gratter. Elles concluent toutes que le rapport mise/ gain n’est pas intéressant et conseillent aux joueurs de fuir ces jeux-là...

Ce n’est pas vrai. Nous sommes totalement transparents sur les probabilités de gains.

 

Démontrez-le nous. Prenons votre dernier jeu, « La vie douce ». Combien y a-t-il de premier prix ?

Cinq sur un million de cartes, vous avez donc une chance sur 200 000 de gagner. Plus les gains diminuent, plus les chances de gagner augmentent. Pour le plus petit prix, Rs 50, il y a 150 000 cartes gagnantes, ce qui fait environ une chance sur 6 de gagner.

 

Sur les Rs 8,3 milliards de mises depuis 2009, combien l’Etat a-t-il empoché et où cet argent est-il allé ?

A ce jour, Rs 6 milliards ont été reversées à l’Etat, mais nous n’avons aucun droit de regard sur l’utilisation de l’argent. Le contrat indique que les fonds peuvent alimenter cinq secteurs : la santé, l’éducation, la culture, le sport et le remboursement de la dette [Ce dernier pôle est de loin le mieux servi, ndlr] .

 

Dans les faits, pas un sou n’est allé à la promotion du sport depuis deux ans…

Ce n’est pas à moi de répondre, ça m’est difficile d’aller dire à l’Etat « vous devez dépenser l’argent comme ceci ou comme cela »…

 

Maintenant qu’on se connaît mieux, vous allez lâcher le morceau ?

Que voulez-vous savoir ?

 

Les numéros du prochain tirage ?

Toujours pas, désolé ! Allez acheter un ticket et croisez les doigts (rire).

 

Entretien réalisé par Touria Prayag et Fabrice Acquilina