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Milan Meetharbhan : «Maurice soutient les appels à des réformes dans les méthodes de travail de l’ONU»

29 septembre 2011, 05:55

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lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

? Dans son discours aux Nations unies, le Premier ministre (PM) suggère que l’organisation devrait avoir un nouveau rôle à jouer dans les affaires internationales. Quel est ce nouveau rôle ?

Le PM a rappelé, samedi, que l’objectif premier de l’ONU est de maintenir la paix et la sécurité, comme le stipule le 1er article de sa Charte. Mais après 66 ans, la défi nition de la paix et de la sécurité doit être revue. Nos préoccupations ne sont pas seulement axées sur l’agression ou des violations similaires de la paix. Le danger pour la sécurité vient aujourd’hui de l’accès inégal aux ressources, de l’absence de sécurité alimentaire ou des menaces existentielles causées par l’incapacité de résoudre les problèmes climatiques. Cette insécurité résulte aussi de l’absence d’un mécanisme international adéquat pour la réparation des griefs et le règlement pacifique des différends.

Alors que l’inquiétude est croissante pour l’emploi, la sécurité alimentaire, le changement climatique ou l’accès à l’eau, les pourparlers pour booster le commerce international sont au point mort. Ces pourparlers doivent avoir lieu dans des cadres légitimes et universels. L’ONU, en tant qu’organe central, devrait avoir une vue holistique de l’économie mondiale, financière, commerciale et des questions de développement.

Alors que le monde industrialisé est confronté à de graves difficultés économiques et financières, nous assistons également à la montée des économies émergentes. Ce centre de gravité économique bougeant vers l’est favorise la création de nouvelles opportunités. Le monde doit donc s’assurer que ce changement dramatique dans les pôles économiques ne crée pas de nouvelles disparités et ne creusent pas davantage les écarts. Ce qui pourrait favoriser une plus grande insécurité économique, et répercuter sur la paix et la sécurité.

? Vous parlez de redéfinir le concept même de la sécurité. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les préoccupations des gens sont différentes d’il y a 66 ans. Bien sûr, la menace contre l’agression armée et d’autres violations de la paix demeurent importantes. Mais il est aussi important que l’ONU et la communauté internationale se penchent sur les questions de la sécurité économique, environnementale, humaine et légale. En adoptant cette nouvelle approche, l’ONU jouera un rôle plus décisif tout en restant fi dèle à son mandat. La communauté internationale devrait inclure d’autres dimensions au débat de la sécurité et accorder le pouvoir aux organes de l’ONU pour s’attaquer à des questions plus larges dans le cadre d’une stratégie globale visant à maintenir la paix et la sécurité.

? Le PM suggère un rééquilibrage entre les questions politiques et économiques à l’ONU. Pourquoi mettre plus d’accent sur les questions économiques alors que le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale existent ?

L’ONU devrait tenir un rôle politique et économique à la fois. Or, au fil des ans, l’agenda a été beaucoup plus politique qu’économique. Elle a joué un rôle important dans les années 70, en élaborant un cadre conceptuel pour un nouvel ordre économique international. Et elle a encore un rôle à jouer. C’est celui de façonner l’ordre économique mondial pour garantir la sécurité économique. Mais alors que l’ONU a toujours consacré plus de temps et d’énergie aux problèmes politiques, les problèmes économiques sont passés à d’autres forums. Les pourparlers économiques ont lieu dans des cadres sectoriels, souvent restreints. Même si parfois la nature spécialisée de certaines négociations économiques par les organisations normatives peut exiger des cadres sectoriels, le monde a besoin d’un organe central qui a une vue d’ensemble sur les débats économiques.

Cela ne peut avoir lieu qu’au sein d’une organisation qui a l’adhésion universelle. Et non un club sélect. Nous devons aussi nous rappeler que les organisations sectorielles ont souvent des structures de votes pondérées alors que l’ONU n’a pas seulement une adhésion universelle, mais chaque État a aussi une voix.

? Maurice appelle à des réformes significatives des structures de l’ONU. Concrètement, que demande-t-on ?

Les appels de Maurice pour les réformes se situent à trois niveaux. D’abord, le Conseil de sécurité devrait être élargi à la fois en termes de catégories permanentes et non permanentes. Les membres permanents du Conseil, qui ont droit de veto, ont été nommés dans la foulée immédiate de la Seconde guerre mondiale. Nous ne pouvons avoir, en 2011, un Conseil de sécurité basé sur l’ordre du monde qui a prévalu en 1945. Deuxièmement, Maurice soutient les appels à une revitalisation de l’Assemblée générale et à des réformes dans les méthodes de travail de l’ONU. Et en troisième lieu, on aimerait que le Conseil économique et social de l’ONU ait le rôle important qu’il est censé avoir en vertu de la Charte.

Ces réformes vont non seulement changer le processus de prise de décision à l’ONU, mais donner une vision plus équilibrée du monde et des priorités actuelles de la communauté internationale.

? Les Petits Etats Insulaires en Développement (PEID) ne sont pas suffisamment protégés par la structure institutionnelle. Que peut-on faire ?

Maurice maintient que les PEID demeurent très volatiles en raison de leurs économies ouvertes, leur petite taille économique, leur base étroite de ressources, les inconvénients des économies d’échelle, la concentration élevée des exportations, leur forte dépendance sur les importations avec une forte vulnérabilité aux chocs des prix énergétiques et alimentaires. Nous réitérons que les PEID ont besoin d’un traitement préférentiel dans le cadre d’une stratégie globale, afi n d’assurer la sécurité économique. Les vulnérabilités spécifiques des PEID n’ont pas encore été reconnues pour bénéficier d’une considération spéciale par la communauté internationale. Maurice a donc appelé à l’application complète du Plan d’action de la Barbade et la Stratégie de Maurice sur les PEID.

? Se peut-il que les PEID constituent un lobby pour défendre leurs intérêts économiques, politiques et environnementaux? Et faut-il un mécanisme particulier à l’ONU pour cela ?

Pour le moment, l’Alliance des Petits Etats Insulaires est le principal forum au sein du système des Nations unies pour les discussions relatives aux petites îles, spécialement en matière de changement climatique. Une unité PEID a également été mise en place au sein du Secrétariat de l’ONU. Toutefois, certains Etats ont maintenant demandé que les PEID soient reconnus comme une catégorie spécifique et que des droits différentiels leur soient accordés. Il n’y a pas encore de consensus sur cette demande et sur les caractéristiques des Etats pour y être inclus. Les droits préférentiels auxquels cette catégorie serait éligible doivent encore être clairement définis. Dans son discours, le PM a également insisté sur la viabilité des océans afi n qu’elle reçoive l’attention qu’elle mérite à la conférence de Rio +20 l’an prochain. Il a dit que la durabilité des océans est essentielle pour la sécurité et que, dans certains cas, la survie même de nombreux petits Etats insulaires en dépend. Les océans continuent à jouer un rôle important dans le développement des petites économies insulaires et le monde doit s’assurer qu’en même temps que le débat sur l’économie verte, une attention soit portée sur l’économie bleue.

? Dans la dernière partie de son discours, le PM a souligné la nécessité pour la communauté internationale de «mettre en place un mécanisme approprié pour le règlement pacifi que des différends qui est disponible pour tous les Etats». Comment l’ONU peut-elle aider à la création d’un tel mécanisme ?

Le Premier ministre a dit que dans le cadre de la révision du concept de sécurité, la communauté internationale doit également garantir la sécurité juridique. Cela comprendrait un mécanisme adéquat pour le règlement pacifique des différends. Au niveau national, on n’a normalement pas besoin du consentement de la partie concernée dans un litige pour que le différend soit soumis à un tribunal de droit.

Cependant, dans la mesure où les relations interétatiques sont concernées, le renvoi du différend à un tribunal international requiert traditionnellement le consentement des parties concernées. Citant l’exemple de notre propre différend avec le Royaume-Uni sur l’archipel des Chagos, le PM a expliqué que l’Etat qui fait partie du confl it peut refuser de négocier et en même temps, fermer les portes à l’arbitrage international. Comme l’ONU va parler de l’Etat de droit l’année prochaine, il est important que cela soit discuté tant au niveau national qu’international.

Maurice a invité l’ONU à examiner si les Etats doivent, par exemple, se souscrire à un code de conduite sur les négociations de bonne foi ou se soumettre à une sorte de mécanisme judiciaire ou non judiciaire pour la détermination des droits des parties. Il serait irréaliste de s’attendre à ce qu’il y ait un accord par la communauté internationale sur la compétence de la Cour internationale de Justice. Toutefois, le monde doit porter un regard nouveau sur la façon de fournir des moyens plus adéquats de réparation pour les doléances des Etats, spécialement ceux qui n’ont pas de poids politique et économique.

Propos recueillis par MICHEL CHUI CHUN LAM


 

MICHEL CHUI CHUN LAM

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