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Nando Bodha, député et secrétaire général du MSM : « Les universités marrons de Rajesh Jeetah sont une abomination »

9 septembre 2013, 10:53

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Nando Bodha, député et secrétaire général du MSM : « Les universités marrons de Rajesh Jeetah sont une abomination »

Il est souriant, détendu comme on ne l’a pas vu depuis longtemps. L’occasion d’aborder tous les sujets, des étudiants népalais au bois de rose malgache. Mais aussi les sondages, les traîtres, un coming out, deux anniversaires, une épée, du sang qui gicle... et même le mousse de Tabarly.

 

Vous faites quoi dans la vie maintenant ?

 

Maintenant ? Je suis secrétaire général du MSM à temps plein. C’est ma « profession », ma priorité, j’y consacre l’essentiel de mon temps.

 

Dans la discrétion

 

C’est vrai, je ne donne plus d’interview depuis longtemps. Je recherche l’efficacité, davantage que la visibilité. Je choisis mes moments. Je ne pense pas qu’un homme public doit l’être tout le temps.

 

Une façon habile de dire que l’ex-journaliste craint la presse ?

 

Non. J’ai toujours eu un grand respect pour les journalistes, surtout pour les journalistes de carrière.

 

C’est par respect que vous avez boycotté ceux de l’express ?

 

Je n’étais pas le seul boycotteur, c’était une décision de mon parti.

 

Vous êtes sorti du bois cette semaine pour dénoncer ce que vous appelez les « universités marrons »…

 

Oui, une formule à double tranchant (sourire). Elle a accroché les médias mais elle a aussi inquiété les taxis. Un chauffeur m’a dit : « Aster oupe koz liniversite maron, mebizin okip nou osi ! Nou gaynproblem dan taxi maron, bizinsoulev sa dan Parlman. » Je le ferai car j’estime que les universités « marrons » de Rajesh Jeetah sont une abomination. Le cauchemar qu’il fait vivre aux étudiants népalais me révolte. L’université, ce sont les plus belles années d’une vie, M. Jeetah a réussi à en faire une étape traumatisante.

 

Concrètement, que lui reprochez-vous ?

 

Si l’on veut faire de Maurice un centre d’excellence, un principe fondamental doit être respecté : l’universalité des diplômes. Un diplôme est non seulement un passeport pour un métier, mais aussi pour d’autres études. Or, les diplômes délivrés par nos universités « marrons » ne sont pas reconnus à l’étranger. C’est comme ça qu’on espère attirer des milliers d’étudiants ? Allons, soyons sérieux… Pour l’EIILM University, M. Jeetah se réfugie derrière la TertiaryEducation Commission. OK, la TEC a autorisé cette université à opérer, mais qui reconnaît la TEC dans le monde ?

 

Que proposez-vous ?

 

Un diplôme certifié uniquement par la TEC n’ouvre les portes d’aucune université étrangère, ça n’a de valeur qu’à Maurice. C’est là que le bât blesse. La TEC doit donc gagner une reconnaissance internationale. Pour cela, elle doit passer des accords avec d’autres régulateurs dans le monde, comme la UniversityGrants Commission en Inde. En attendant, on joue avec la réputation de Maurice, c’est grave. Et le knowledge hubvire au knowledge bug.

 

En parlant de bug, pourquoi le MSM a-t-il décidé de fêter ses 30 ans avec six mois de retard ?

 

Ce qui compte, c’est de maintenir la pression sur le gouvernement, quitte à prendre quelques largesses avec le calendrier. Le MSM est né le 8 avril 1983 à Vacoas. Célébrer nos 30 ans en avril n’a pas de sens, c’est trop près du 1er Mai, on a donc choisi le 20 octobre. Et en novembre, nous fêterons les 50 ans de carrière politique de SAJ. Nous aurions pu grouper les deux événements, mais stratégiquement, ce n’était pas pertinent.

 

Ou comment le calendrier devient un outil politique…

 

Exactement. Il y a un rythme, un tempo à respecter. On s’est assis, on a réfléchi et on a décidé d’un calendrier pour mettre le maximum de pression sur le gouvernement.

 

En 1983, le MSM est né d’une baston avec Paul Bérenger. Trente ans plus tard, c’est ce même Paul Bérenger qui maintient votre parti en vie. Étonnant clin d’oeil de l’histoire, n’est-ce pas ?

 

Ce n’est pas la première fois que cela se produit. La grande famille militante s’est déjà réunie en deux occasions, en 1990 et en 2000. Elle le fait à chaque fois que le pays exige un redressement.

 

Mais cela ne vous gêne pas de voir votre parti sous la respiration artificielle du MMM ?

 

Je n’ai jamais dit ça.

 

Hors remake, vous admettrez que le MSM ne pèse pas grand-chose…

 

Sans le MSM, Ramgoolam n’aurait pas été Premier ministre en 2010.

 

Personne ne le saura jamais et de toute façon, ce n’est pas la question…

 

(Agacement contenu) Ah bah, si c’est la question ! Le remake est imbattable. Paul Bérenger et le MMM, Anerood Jugnauth et le MSM, et Pravind Jugnauth, ensemble, nous avons créé une dynamique, une synergie qui s’apprête à balayer Ramgoolam.

 

On est bien d’accord : sans vos amis mauves, vous êtes cuit.

 

Mais pas du tout !

 

Seul dans une élection, le MSM peut espérer quoi, 0,1 député ? Allez, 0,2 ?

 

N’importe quoi !

 

Les lecteurs ne vous en voudront pas si vous êtes un peu sincère, vous savez

Mais je suis sincère ! Ce que vaut le MSM, seul, dans une bataille électorale, personne ne le sait tant que cette bataille n’a pas eu lieu.

 

C’est si douloureux d’admettre que le MSM est devenu un PMSD des campagnes ?

 

Vous faites des déclarations qui ne sont pas autorisées.

 

Ah, parce qu’il faut votre autorisation pour poser de questions ?

 

(Il se détend) Écoutez, je ne sais pas pourquoi des journalistes s’obstinent à marginaliser le MSM. Cette évaluation ne repose sur rien.

 

Les enquêtes d’opinion, ça vous dit quelque chose ?

 

Je ne crois pas dans « vos » sondages. Des sondages, j’en ai fait beaucoup et je n’obtiens pas les mêmes résultats. Un sondage par téléphone est-il sérieux ? Ça ne vous gêne pas que 48 % des sondés ne se prononcent pas ? Pour moi, ce genre d’enquête n’est pas crédible.

 

Un sondage crédible, c’est un sondage qui vous est favorable ?

 

Un sondage est une photographie de l’opinion à un instant « T », or la photo dépend de l’éclairage. Dans un pays où l’on place autant de gens sur écoute, un sondage téléphonique est biaisé.

 

Passons. Sur la réforme électorale, le MSM est-il réellement tombé d’accord avec le MMM ?

 

Oui, à 100 %. Il faut distinguer la philosophie de la réforme et son équation. Sur la philosophie – une dose de proportionnelle, plus de femmes, plus d’équité –, nous avons toujours été d’accord. Il restait à nous entendre sur l’équation de la réforme et nous l’avons fait. Nous avons trouvé une formule applicable tout de suite, contrairement à Ramgoolam qui joue aux dames.

 

Retirez ce mot, on avait dit pas la vie privée !

 

(Éclat de rire) Oubliez lesdames, Ramgoolam joue aux échecs. Son pion préféré est celui qui crée des dissensions entre le MSM et le MMM, mais aujourd’hui ce pion n’existe plus, alors il a un gros problème. (Il prend un ton grave) Ramgoolam est entré dans une phase de fin de règne. La culture travailliste du pourrissement a montré ses limites. Pourrissement moral, politique, institutionnel, cette culture a gangrené tout le pays. Mais bientôt, ce sera terminé et Ramgoolam le sait.

 

Oubliez votre propagande, dites-moi plutôt si vous êtes heureux au MSM…

 

Je suis doublement heureux d’appartenir à la grande famille militante et d’être un pur-sang MSM.

 

Comment avez-vous vécu le départ des Martin, Seetaram ou Dowarkasing ?

 

C’est encore douloureux. Mireille Martin était assise là, à votre place, pendant huit ans...

 

Tu m’étonnes qu’elle en a eu ras-le bol !

 

Mireille Martin, c’est moi qui l’avais emmenée en politique, mais bon... La politique me fait souvent penser à un champ de bataille. Il y a les blessés qui tombent, les morts qui ne se relèvent pas et puis il y a les déserteurs, ceux qui trahissent. La politique est ainsi faite, avec ses loyautés et ses trahisons.

 

Ashit Gungah, vous l’avez retenu comment ?

 

En lui disant que le MSM avait un grand avenir.

 

Un grand naïf cet Ashit, hein ?

 

(Il ne relève pas) Retenir quelqu’un qui est déjà parti dans sa tête est impossible, mais ce n’était pas son cas. Ashit avait toujours le feu, il fallait juste rallumer l’étincelle.

 

Et vous, vous n’avez jamais brûlé d’envie d’aller voir ailleurs ?

 

Jamais. Le jour où je ne croirai plus en ce que je fais, je partirai tranquillement. J’ai plein de choses qui m’attendent après la politique, écrire, voyager, donner des cours à l’université.

 

Après les Jugnauth, vous êtes le plus capé du parti (ila été leader de l’opposition et trois fois ministre, NdlR).Forcément, cela doit susciter des convoitises...

 

J’ai toujours été proche du MMM. J’ai même failli être leur candidat en 1982 et en 1983. J’ai grandi dans une famille IFB (Independent Forward Block, NdlR), mon père était un colleur d’affiche, j’ai baigné toute ma jeunesse dans l’antitravaillisme. Mais quitter le MMM (sic), ce serait comme sortir de moi-même. Je suis engagé dans une bataille avec les koltar, trahir est impossible. Si je quitte le MSM, c’est pour faire autre chose, j’arrêterai la politique.

 

En faisant ses valises du Sun Trust, Sunil Dowarkasing vous a taillé un short en parlant de « secrétairegénéral fantôme ». Vous l’avez pris comment ?

 

J’ai encaissé. Sunil avait besoin de se défouler pour évacuer.

 

Évacuer quoi ?

 

Faire un coming out politique n’est jamais facile. C’est un cordon ombilical que l’on coupe, le sang gicle, mais il faut dépasser ces choses-là. Je suis un florentin, je sais manier l’épée mais j’ai le sang froid. Quand il y a des coups à prendre, je les prends. Je sais aussi en donner. La politique est un art martial qui exige de frapper au bon endroit au bon moment.

 

Vos proches vous décrivent comme brillant, charmeur, excellent communicant. Vous vous reconnaissez ?

 

(Sourire) Un peu…

 

Le goût de l’argent et l’art de la manipulation feraient également partie de votre « génie »…

 

J’ai un rapport désintéressé avec l’argent, ça ne m’obsède pas. Manipulateur non plus, mais je sais être persuasif. Parfois, il m’arrive d’être très directif, de dire : « C’est commeça et pas autrement » (il tape du poing sur la table). D’autres fois, c’est plutôt : « Dites-moi ce qu’il faut faire et je vous suis. » Dans les deux cas, l’important est de valoriser la personne. En Bretagne (en France, où il a fait ses études d’urbanisme, NdlR), j’ai côtoyé des proches de Tabarly, le célèbre navigateur. Un jour, ils m’ont expliqué que le mousse qui nettoyait son bateau était fier de le faire parce que c’était Tabarly. Je n’ai jamais oublié cette phrase.

 

L’an dernier, vous avez failli démâter dans l’« affaire bois de rose »…

 

Non. J’ai même encouragé le Premier ministre à divulguer des preuves contre moi, s’il en avait. Or, il ne l’a jamais fait. Pour moi, cette histoire est terminée, elle n’a même jamais commencé. C’était une cabale politique, ils ont voulu la peau du secrétaire général du MSM.

 

Si cette histoire est terminée, pourquoi réclamez-vous Rs 10 millions de dommages et intérêts à Patrick Assirvaden ?

 

Parce qu’en politique, il y a des coups qui sont permis et d’autres pas.

 

Rs 10 millions, ça fait combien de tonnes de bois de rose ?

 

Je ne sais pas.

 

Votre femme, elle, le sait-elle ?

 

Encore moins que moi.

 

Vous aurez 60 ans en février prochain. Quel cadeau pourriez-vous vous offrir ?

 

Rester moi-même. C’est une chose difficile, plus qu’on ne le croit. J’aimerais aussi avoir terminé mon second roman. Si tout va bien, il paraîtra à la fin de cette année.