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Patrick Moisan : «La classification hôtelière sera bénéfique à la destination Maurice»

7 mars 2012, 13:13

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Consultant en tourisme, Patrick Moisan explique l’importance d’une classification pour les hôtels et fait part des avantages que Maurice pourrait en tirer.

? Quels sont les avantages de la classification des hôtels ?

Un voyageur utilise des hôtels éloignés de sa place habituelle de résidence et n’est donc pas toujours informé de la catégorie des hébergements disponibles là où il se rend. Pour faire son choix selon ses désirs, besoins et habitudes, il se reposera sur la classification hôtelière qui lui donnera les informations sur la catégorie de l’hôtel qu’il s’apprête à réserver et sur le confort et la présence des services qu’il recherche. Cela le protège aussi de certains «hébergeurs» peu professionnels et peu respectueux des clients.

? Pourquoi une classification est-elle si importante ?

En 1986 à l’ouverture du PLM Azur, (hôtel 3 étoiles plus) dont j’avais la charge, j’ai eu à m’occuper d’un couple qui n’était pas satisfait de son séjour. Je me suis rendu compte qu’ils avaient été induits en erreur par leur agent de voyage qui les avait dirigés vers le mauvais hôtel. Ils désiraient descendre au Royal Palm (5 étoiles luxe) mais l’agent de voyage avait confondu le PLM et le Royal Palm, les deux récemment ouverts à l’époque. Ces clients n’avaient rien à reprocher aux prestations du PLM qui étaient en phase avec celles de sa catégorie, mais elles ne correspondaient pas à celles qu’ils attendaient du palace qu’ils croyaient avoir réservé. Si une classification avait existé, ce genre d’erreur due à l’agent de voyage aurait pu être évité.

? Comment sont catégorisés les hôtels ?

La classification se décline sous forme d’étoiles. Elle se base sur des critères ayant trait aux infrastructures et aux services disponibles, critères bien définis et reconnus internationalement, aidant ainsi le consommateur dans son choix et lui évitant des déconvenues. Cela procure aussi une visibilité accrue à la destination auprès des prescripteurs et consommateurs des marchés étrangers. Pour eux, une classification est une assurance de professionnalisme.

? La classification serait donc incontestablement un atout pour Maurice ?

Notre destination a grandi et a atteint sa vitesse de croisière avec près d’un million de touristes annuellement. Au début n’y venaient que des happy few assez bien informés des hébergements existants (alors en nombre limité). Emerveillés par le dépaysement, ils en repartaient enchantés et se faisaient les chantres de notre destination et de ses hôtels. A l’époque, le projet d’introduire une classification avait rencontré le veto de certains hôteliers. Il n’avait donc pu être mené à bien. Aujourd’hui le nombre d’hébergements a crû de manière exponentielle tant dans l’hôtellerie classique que dans le secteur informel, chacun voulant attirer sa part de touristes. Il est donc nécessaire d’encadrer cette industrie et surtout les wannabe hôteliers qui ne possèdent ni la formation, ni parfois la déontologie nécessaire. Certains, semble-t-il, ne possèdent même pas les permis d’exploitation requis.

? Est-ce que c’est le moment propice pour introduire un tel système ?

Les professionnels adhèrent aux règles du jeu en vigueur et sont respectueux du client et de la promesse de vente faite lors de la réservation. A l’inverse, certains autres opérateurs, attirés par le lucre et l’argent facile, nuisent à la destination en faisant preuve d’une insuffisance de professionnalisme, voire de déontologie. Avant l’avènement d’Internet, les hôtels étaient vendus majoritairement par les voyagistes étrangers. Désireux de satisfaire leurs clients, ils faisaient oeuvre de gendarme en ne programmant que les hôtels et hébergements «dignes» de ce nom et en les classifiant eux-mêmes selon des critères basés sur les normes internationales.

Aujourd’hui la production de ces voyagistes dans la fréquentation de la destination a baissé au profit d’autres canaux de vente avec un transfert vers la vente directe et Internet. La plupart des «voyagistes» du Net respectent les règles du jeu, mais d’autres sont moins regardants sur les informations fournies par les hôteliers ou «hébergeurs» peu exigeants. Dans certains cas, il suffi t simplement de contacter ces voyagistes «virtuels» par e-mail et de leur fournir des tarifs attractifs, une description et des photos, et votre hôtel sera programmé sans autre forme de procès.

Pour le bien et l’image de la destination ainsi que pour la protection du consommateur, il est donc devenu nécessaire de réguler, ce qui évitera une augmentation des dérapages. La situation actuelle profite à certains operateurs à la déontologie limitée et va à l’encontre de l’intérêt général de toute une industrie et de la destination.

? Vous l’avez dit vous-même, certains hôteliers étaient réticents dans le passé envers la classification. Ce projet ne viendra-t-il pas «compliquer» leur métier ?

Non. Il s’agit d’introduire une réglementation pour le bénéfice et la protection des voyageurs et in fine pour préserver aussi la réputation de la destination qui peut souffrir des abus de quelques-uns.

Internet permet au consommateur de communiquer avec le monde et de faire part de ses expériences, heureuses ou pas. Chaque touriste déçu peut partager ses ressentiments, qui sont d’autant plus forts s’il a le sentiment d’avoir été dupé, en apportant son témoignage sur Tripadvisor ou d’autres sites similaires ainsi qu’au travers de réseaux sociaux, véhiculant ainsi une publicité négative. Il s’agit d’établir des seuils minimaux obligatoires en termes de confort, facilités et qualité de prestations pour pouvoir prétendre à telle ou telle catégorie.

? Les problèmes seront-ils réglés avec l’introduction de cette classification ?

En partie seulement. Mettre en place cette classification ne suffit pas. Les hôtels vieillissent et leur utilisation intensive rend nécessaires des rénovations à intervalle régulier. Les grands hôtels procèdent à ces rénovations régulièrement pour garder l’outil de travail au niveau auquel ils prétendent. Mais ce n’est pas la norme pour l’ensemble du parc hôtelier. Certains hôtels ou hébergements sont devenus vétustes. Après quelques années d’exploitation, leur état ne correspond plus aux critères initiaux et ils n’offrent plus le confort et les prestations attendus. Ils posent même dans certains cas un risque au niveau de l’hygiène voire de la sécurité.

? Des garde-fous seront nécessaires ?

Certainement, la commission de classification devra mettre en place des visites de contrôle sur un rythme régulier (à moins de plaintes récurrentes rendant nécessaires des contrôles plus fréquents et inopinés). Ces visites confirmeront la conformité avec la classification initialement obtenue ou la remettront en cause si les mesures correctives à prendre ne sont pas effectuées dans un délai imparti.

? Comment pourrait se mettre en place un tel projet ?

Le processus en lui-même n’est pas compliqué, mais requiert de la rigueur. En premier lieu, instituer une commission chargée de décerner les classifications, et qui devra être neutre et composée de membres n’ayant aucun lien particulier avec tel ou tel acteur de l’industrie pour éviter tout conflit d’intérêt. Définir ensuite un barème pour déterminer les catégories des hôtels et autres types d’hébergement. Il s’agit de se baser sur ce qui se fait déjà internationalement avec des critères s’appliquant aux hôtels fournissant les prestations «hôtelières complètes» et d’autres s’appliquant aux hébergements du secteur informel, qu’ils soient maisons d’hôte, bed and breakfast, pensions de famille ou autres studios. Une fois la classification appliquée, un processus de contrôle doit être mis en place pour s’assurer de manière régulière que les hôtels soient toujours conformes avec leur classement initial.

Une classification bien maîtrisée et appliquée avec sérieux ne peut qu’être bénéfique à la destination. Elle encadrera les opérateurs qui en ont besoin (la grande majorité se plie déjà aux exigences du tourisme international). Et elle renforcera le message aux marchés quant au professionnalisme de l’industrie hôtelière qui pourra aussi se prévaloir de cette classification que l’on peut considérer comme un label de qualité.

Propos recueillis par Magali FREDERIC