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Patrimoine : Souvenirs de l’esclavage

5 mars 2010, 00:00

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Patrimoine : Souvenirs de l’esclavage

Un inventaire des lieux de mémoire de l’esclavage est désormais disponible sur CD, pour que l’Histoire reste vive.

Surtout pour ne pas oublier l’inhumanité de tout un système. Surtout ne pas oublier les sueurs et le sang versé, les lieux qui en sont marqués. Des sites, îles, tombes, camps, hôpitaux, caves, jardins… compilés dans un Inventaire des lieux de mémoire de l’esclavage dans l’océan Indien. Le volet consacré à Maurice, Rodrigues et Agalega est désormais disponible au grand public, depuis la semaine dernière.

Cet inventaire fait partie d’un plus grand projet de l’Unesco, c’est-à-dire celui de la Route des esclaves,
explique Jocelyn Chan Low, coordonnateur régional du projet. Qui dit inventaire dit recensement scientifique et rigoureux, conduit par l’Université de Maurice, notamment avec le soutien de l’historienne Vijaya Teelock.

Passer en revue les sites, c’est surtout se rendre compte de leur état de restauration et de conservation. « C’est un exercice de défense du patrimoine », indique Jocelyn Chan Low, « car la meilleure façon de préserver ces lieux, c’est de dire aux gens qu’ils sont associés à l’esclavage ». Il s’agit d’une double sensibilisation.

Effectivement, ce travail sert aussi à « faire comprendre ce qu’était l’esclavage », avance l’historien. « Je ne dis pas que l’on est comme au XVIème siècle ou bien à l’époque médiévale où il fallait voir pour croire. C’est d’ailleurs pour cela qu’il y avait des pèlerinages. » Il n’empêche que la sensibilisation passe obligatoirement par des exemples tangibles de « l’enracinement de l’esclavage dans le concret, sinon cela reste abstrait pour le grand public ».

Cet inventaire, qui passe en revue Port-Louis et ses environs, peut se lire comme un circuit. On y voit, entre autres, le cimetière de l’Ouest, Moka et les Plaines Wilhems (avec notamment le quartier des esclaves au Château du Réduit) ainsi que les musées. L’inventaire prend la forme d’une magnifique promenade dans le temps. Le but en est de « faire émerger le tourisme de mémoire » que Jocelyn Chan Low distingue du tourisme culturel.

La liste non exhaustive des lieux, liste « subjective car elle inclut les sites les plus importants », a aussi pour objectif d’inciter d’autres chercheurs à fouiller la mémoire, pas qu’écrite mais aussi orale. Car l’esclavage, c’est aussi un vécu, des histoires et légendes transmises de génération en génération.

L’inventaire a débuté en janvier 2007, avec pour but de créer une Route du tourisme de mémoire. Il faut savoir que cette liste ne contient pas les sites déjà étudiés lors de précédentes fouilles archéologiques. Par exemple, vous n’y trouverez pas la liste des caves possiblement utilisées par les esclaves marrons, établie par l’Université de Maurice pour le compte du National Heritage Fund. N’apparaissent pas non plus la centaine de propriétés sucrières, de camps et autres installations où ont vécu les esclaves au XVIIIème et XIXème siècles. La raison réside dans le fait qu’une étude de cette envergure dépasse le cadre du présent inventaire, surtout sur le plan financier. Sur la liste, ne figurent pas non plus des sites des Chagos ou de Tromelin, pour la simple raison que les chercheurs n’y ont pas accès.

L’Inventaire des lieux de mémoire de l’esclavage dans l’océan Indien est disponible en CD dans les bibliothèques de l’île. Le CD ne peut être vendu et il est disponible sur demande. A terme, les concepteurs pensent créer un site pour rendre le document accessible en ligne.

Aline GROËME-HARMON
(Source : l’express & moi – vendredi 5 mars)